Arrêtons de culpabiliser les diabétiques ! Voici comment les aider

Trop de sucre dans le sang : c'est une véritable épidémie qui déferle sur le monde en raison notamment de la sédentarité et de la malbouffe. En France, plus de 5 millions de personnes seraient diabétiques de type 2, la forme la plus fréquente. Et sans doute beaucoup d'autres ignorent qu'elles sont porteuses de cette maladie très dangereuse pour notre santé. Il y a donc urgence à la combattre. La Dr Lise Dufaitre, endocrinologue à l'hôpital Saint Joseph à Marseille, estime qu'il faut arrêter de stigmatiser les malades notamment parce qu'ils sont en surpoids. Ses conseils pour s'en sortir.

Santé

C’est l’un des grands sujets de santé publique en France. C’est un problème sanitaire majeur du vingt-et-unième siècle et certains médecins s’inquiètent même d’une épidémie. Ce problème, c’est le diabète. Il existe 2 types de diabète, le 1 et le 2. Parlons d’abord du diabète de type 1. De quoi s’agit-il, comment le découvre-t-on et combien de personnes sont concernées ?

Dr Lise Dufaitre : Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune. On peut donc avoir cette maladie à n’importe quel âge, dans l’enfance, à l’adolescence, à l’âge adulte et même tardivement dans la vie. Peu de personnes sont touchées comparativement au diabète de type 2. On estime à environ 300 000 personnes en France actuellement. Récemment, on a dit que 2 000 enfants sont diabétiques de type 1 chaque année, nouvellement diagnostiqués. Pour autant, au sein de toute la population, ça peut toucher n’importe qui à n’importe quel moment. Il n’y a pas d’hérédité. Il y a souvent une prédisposition génétique mais pas d’hérédité.

C’est-à-dire qu’on peut se découvrir un diabète de type 1 à 30 ans ou à 50 ans ?

Exactement ! Même à 70 voire 90 ans !

Le diabétique a une lourde charge mentale

Est-ce que c’est un diabète dangereux ?

On ne parle plus de dangerosité. Est ce que c’est une maladie grave ? On a surtout des traitements qui sont efficaces et qui permettent de mener une vie strictement normale. Toutefois ces personnes diabétiques de type 1 ont un traitement qui prend beaucoup de place dans la réflexion mentale et on peut souvent constater une surcharge mentale. Après, évidemment qu’il y a une nécessité d’éducation de prise en charge multidisciplinaire pour que la personne puisse être autonome et trouver le traitement qui lui convient dans sa vie de tous les jours. Il y a différents types d’insuline et donc on leur apprend à gérer tout cela.

Des stylos à injection ou des pompes

Est-ce de l’insuline qu’on s’injecte tous les jours ?

Exactement. Avec les nouvelles thérapeutiques, les nouvelles insulines, on essaie de mimer au plus près un pancréas qui serait fonctionnel dans sa sécrétion d’insuline, parce que le pancréas sécrète par ailleurs plein d’autres hormones. Et donc on a différents traitements, qui peuvent être des injections, ce qu’on appelle les multi injections avec des stylos qui ressemblent à des petites seringues avec des aiguilles. A chaque fois que la personne mange, elle injecte la dose qui lui convient pour manger. Et quand elle ne mange pas, elle s’injecte la dose pour vivre.

Sinon c’est sous forme de ce qu’on appelle des « pompes à insuline » qui délivrent en permanence des petites doses d’insuline. Actuellement on est vraiment dans une nouveauté technologique innovante très intense puisqu’on parle de pancréas semi artificiel. On a des boucles semi-fermées qui sont remboursées. Ce sont des traitements très innovants et très techniques.

Chacun peut choisir son traitement préféré

Combien de personnes sont-elles concernées par ces pompes ?

On n’a pas de recensement sur la France de l’ensemble clairement identifié de toutes les personnes sous pompe et sous boucle. On a beaucoup de prestataires et les chiffres de la Sécu ne sont pas vraiment connus. Par contre, au sein de l’Hôpital Saint-Joseph, on a peut-être plusieurs milliers de type 1, on a 350 pompes à insuline et on a une centaine de boucles fermées. C’est un traitement qui est intensifié, qui mérite encore d’être plus largement diffusé. Mais toute personne doit choisir son mode de traitement. Certains préfèrent conserver des injections. Une pompe, ça se voit, c’est tout le temps sur soi. Les injections, une fois qu’on a terminé, ça ne se voit pas.

Venons-en au diabète de type 2 qui est réputé plus fréquent. En quoi est-il différent du diabète de type 1?

Les diabètes de type 1 et de type 2 ont en commun d’avoir une glycémie, c’est-à-dire le sucre dans le sang, qui est trop élevée. Si le sucre est trop élevé dans le sang, ça veut dire qu’il n’est pas utilisé correctement au niveau des cellules. Donc les patients ont un problème de régulation de leur glycémie. Le type 1 n’a plus du tout d’insuline, l’hormone indispensable pour utiliser son sucre, et le type 2, lui, c’est multifactoriel, plutôt héréditaire. Il y a des familles de diabète de type 2. C’est dans le cadre de la sédentarité, de l’obésité, pas seulement, mais principalement. Et donc ils ont surtout une mauvaise fonction de leur insuline. Mais leur insuline également manque de plus en plus au fur et à mesure de leur vie.

Danger de mort pour le coeur et les artères

Quels sont les traitements qui existent pour prendre en charge ce diabète de type 2 ?

Les premiers traitements, c’est tout ce qui est hygiène alimentaire et tout ce qui est activité physique. Le premier traitement, c’est l’activité physique, le 2e c’est l’équilibre alimentaire. Ensuite viennent les thérapeutiques. On commence toujours par les nouvelles thérapeutiques qui ont un intérêt pour la prévention cardiovasculaire, parce que le diabète de type 2 est très à risque de problèmes cardiaques et artériels. Vraiment, l’enjeu c’est qu’ils n’aient aucun problème toute leur vie et c’est tout à fait possible aussi bien pour le type 2 que pour le type 1.

Il y a des molécules qui sont innovantes, qui sont soit par comprimé soit par injection une fois par semaine en général. Quand ça ne suffit plus, on met l’insuline.

Ce sucre, c’est comme du caramel dans vos tuyaux

Si ce diabète de type 2 n’est pas pris en charge ou s’il est mal équilibré, quels sont les risques pour la santé? Vous avez commencé à les évoquer avec les maladies cardiovasculaires…

Le diabète de type 2 ne se ressent pas. Souvent en France on fait pas mal de dépistage mais dans le monde entier il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas. Ce sucre dans le sang, c’est comme du caramel dans des tuyaux : ça bouche les artères. Plus les artères sont petites, plus vite elles seront bouchées. On a des artères au niveau des yeux, des reins, ensuite on a les grosses artères : celles du cœur, les artères des jambes, les artères du cou, donc le risque c’est de boucher ces artères principalement.

Quand on bouche les artères des reins, c’est une insuffisance rénale; les yeux c’est des problèmes de vision. Ensuite, pour tout ce qui touche les membres, ce sont des problèmes au niveau des pieds et tout cela est absolument évitable. Heureusement on a des médicaments qui nous permettent de stabiliser. On a une prise en charge qui commence à se faire entendre au niveau de l’équilibre alimentaire et de l’activité physique. Donc quelqu’un qui a un diabète de type 2 doit avoir une espérance de vie normale.

Surpoids et diabète dès 18 ans

Vous avez commencé à parler des signes qui doivent alerter. Qu’est-ce qui peut nous faire particulièrement penser qu’on a un diabète de type 2 ?

Principalement quand vous êtes dans une famille à risque : s’il y a un papa, une maman, des frères et sœurs, des oncles, des tantes… On doit surveiller régulièrement sa glycémie en fonction de son poids. Il est vrai qu’on est dans une population qui prend du poids. On voit de plus en plus de cas de diabète de type 2 arriver à l’âge post-adolescent, ça c’est inquiétant pour leurs artères. En général, si on prend du poids, si on ne bouge pas assez et qu’on est à risque, il faut vraiment vérifier sa glycémie de temps en temps.

On ne bouge pas assez

C’est pour ça qu’on parle en France d’une épidémie de diabète avec plus de 4 millions de Français qui sont touchés – on dit qu’il y a +4% chaque année de diabétiques de type 2. Pourquoi cette flambée ?

C’est une épidémie mondiale. C’est un drame planétaire. Malheureusement on est dans une population sédentaire, avec une alimentation bien trop riche, pas équilibrée et donc on voit une épidémie s’installer. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a fait des recommandations pour que l’ensemble des partenaires travaillent à la prévention – que ce soit au niveau politique, au niveau agroalimentaire, au niveau médical bien sûr. Tant que les gens mangeront trop ou mal, et ne bougeront pas assez, on aura une augmentation des pathologies, du diabète, et des syndromes métaboliques.

Le diabète, c’est à vie, mais parfois sans traitement

Peut-on guérir du diabète de type 2 ?

Grande question posée par tous ceux qui deviennent diabétiques, quels qu’ils soient. Quand on pose ce diagnostic de diabète, on sera diabétique à vie. Pour autant, être diabétique, ça ne veut pas forcément dire qu’on a trop de sucre dans son sang. On peut très bien normaliser sa glycémie et on peut, en perdant du poids, en ayant une activité physique, ne pas avoir besoin d’autre traitement et avoir une glycémie normale. Mais notre corps reste en tout cas pré diabétique de type 2, donc toute notre vie on doit faire attention. Les changements de comportement sont nécessaires.

Ce n’est pas parce que vous êtes gourmand que vous devenez diabétique !

Vous avez parlé de prédisposition génétique. Est-ce que finalement chacun d’entre nous peut devenir diabétique de type 2, s’il mange trop par exemple ?

Souvent une erreur est commise : les gens se disent « je suis devenu diabétique parce que j’ai mangé trop de sucre, parce que j’étais trop gourmand… » Eh bien non ! Alors, bien sûr, on voit bien qu’il y a une épidémie. Il y a de plus en plus de personnes obèses. Mais ce n’est pas parce qu’on mange trop de sucre qu’on va déclencher un diabète. C’est parce qu’on a une hérédité familiale, et qu’on est sédentaire, et qu’effectivement on va mal manger. Mais on n’est pas du tout responsable à 100% de cette pathologie. Je lutte contre ça !

Soutenir plutôt que faire culpabiliser les obèses

Quels conseils alimentaires et en matière d’hygiène de vie donnez-vous aux personnes diabétiques ?

Première chose : il y a beaucoup de jugements sur la personne diabétique. C’est celle qui est trop grosse, qui ne bouge pas, qui mange mal. Donc il est impératif de lutter. Parce que si on veut que quelqu’un puisse se sentir bien, et donc envisager d’aller mieux, il faut positiver sa prise en charge, donc soutenir sa motivation à se faire du bien et non pas être dans les restrictions, les interdits qui, au contraire, vont générer des troubles du comportement alimentaire, de la dépression.

Quand on est déprimé, on mange et on ne bouge pas. Ce qu’il faut, c’est soutenir cette population, créer des espaces où les personnes peuvent prendre plaisir à faire de l’activité physique tranquille. On n’est pas dans le sport intensif. Etre soutenu parce que, quand on a du poids, eh bien on a des douleurs, on ne peut pas faire tous les mouvements – c’est important et ça se démocratise, le « sport santé ».

Prendre du plaisir en mangeant

Au niveau alimentaire, c’est pareil : toujours favoriser le plaisir alimentaire tout en respectant au départ qu’il y a des choses qu’on ne doit pas manger mais qui sont bonnes, et c’est important le plaisir. Qui dit plaisir dit moindre dépression, donc des personnes qui seront plus mobiles et qui feront peut-être plus d’efforts sur d’autres points. Un équilibre alimentaire sans aliments ultra transformés ou transformés, bien évidemment c’est nécessaire pour l’avenir.

Est-on forcément en surpoids quand on est diabétique ?

Si on est diabétique de type 1, certainement pas. D’ailleurs avant on disait le diabète gras, c’est celui du gros, et le diabète maigre est celui de type 1. Comme je vous l’ai dit au début, le type 1 touche tout le monde donc on peut être obèse avec un diabète de type 1. Dans le diabète de type 2, on a souvent une prédisposition, ce qu’on appelle une obésité androïde, c’est-à-dire au niveau abdominal, pas forcément très importante mais en tout cas on a souvent une surcharge pour le type 2.

Fuyez les sodas et même les jus de fruits !

Vous n’aimez pas, comme tous vos collègues médecins, interdire des choses ou d’autres. Mais y a-t-il quand même des aliments que vous déconseillez et d’autres que vous préconisez ?

Les aliments sur lesquels on discute beaucoup, ce sont vraiment les boissons sucrées. Elles sont vraiment néfastes. Pareil, on a une méconnaissance, on pense que les jus de fruits c’est bon pour la santé et les sodas c’est mauvais pour la santé. En fait, tout ce qui est liquide et sucré va faire prendre du poids d’une part, va créer l’envie de boire ou de manger encore et le cerveau n’intègre pas qu’on a pris des calories.

Et ensuite, sur le plan des médicaments, on n’arrive pas à réguler au niveau de la circulation sanguine cet excès de sucre. Donc on discute et on propose aux personnes de manger des fruits et éventuellement de prendre des sodas light, zéro sucre, avec des édulcorants mais tout ça en quantité modérée hein ! On n’est pas là pour boire des litres et des litres de soda allégé.

Cuisinez vos légumes avec un peu de gras, de sel et des épices

Les aliments qui sont évidemment intéressants pour nous tous, que ce soit les diabétiques ou pas, ce sont les produits simples, qu’on va cuisiner soi-même. On parle toujours des légumes vapeur, ça c’est pas possible ! On peut faire des bons légumes en les cuisinant avec plein d’épices, il faut un peu de gras, il faut un peu de sel, il faut un peu de tout. Les diététiciennes sont là pour aider tout le monde. Mais il y a des recommandations au niveau de l’alimentation actuellement, avec les 5 légumes à mettre en place. Ce n’est pas si simple mais tout le monde se perd parce qu’il y a beaucoup d’interdits.

Les endives, son légume préféré

Quels sont votre fruit et votre légume préférés ?

Oh j’adore ça, moi, les légumes et les fruits ! J’adore les cerises et pour les légumes mes enfants me diraient les endives. Mais ce n’est pas vrai ! J’aime tous les légumes mais je mange beaucoup d’endives. C’est facile à cuisiner, les endives.

Quand on est diabétique, on peut donc manger ces aliments sans souci ?

On peut tout manger ! Ce à quoi il faut faire attention, ce sont les produits transformés et gras. S’il y a un message à se rappeler, c’est que l’ennemi ce n’est certainement pas le sucre – d’ailleurs il n’y a pas d’ennemi – mais il faut faire attention à notre alimentation. Trop de gras empêche l’insuline de fonctionner et trop de gras fait grossir.

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