Sur une carte éditée en 1995 par le domaine de la Thomassine, à Manosque, site de préservation des espèces fruitières anciennes, il n’est fait aucune mention de la culture de l’amandier. Signe que cette pratique jadis présente avait disparu du terroir haut-alpin.
Il n’en est plus tout à fait de même grâce à l’initiative de Cyril Mallet, désormais à la tête d’une exploitation d’une douzaine d’hectares. La plantation du verger a débuté en 2014 et les parcelles les plus récentes ne sont encore âgées que de deux ou trois ans. « Je ne suis donc pas en pleine production, c’est la raison pour laquelle je suis pluriactif à l’heure actuelle », précise l’amandiculteur. La pluriactivité est une situation courante dans le département, et nombre d’agriculteurs s’y astreignent.
« C’est un fruit qui m’interpellait »
Cyril possède une entreprise artisanale de travaux publics, orientée dans les enrochements et décaissements. Il a une troisième corde à son arc, celle de guide en montagne et moniteur de VTT. « Je remplace cette dernière petit à petit par les travaux publics. Quand les amandiers arriveront à une production suffisante, je m’y consacrerai totalement, confie-t-il. En attendant, il me faut compléter ma rémunération par cette pluriactivité. »
Mi-septembre, la récolte est achevée. Cyril Mallet a mis un point final mardi 13, afin d’éviter la pluie annoncée pour le lendemain. Les amandes étaient ainsi à l’abri dans une benne sous le hangar.
Là, un petit bonhomme de bientôt 7 ans, en cotte de travail, de celle revêtue par tant d’agriculteurs, mais à sa taille bien sûr, ne manquait pas de délivrer maintes et maintes explications. Elie est le fils de Cyril et, manifestement, il a déjà percé les mystères l’amande et de son cortège de matériels !
« C’est mercredi, il n’a pas école et il aime se retrouver avec moi », commente le père. Visiblement, il est heureux lui aussi. Une vocation serait-elle en train de naître ? Qui permettrait dans moins de deux décennies, de densifier la culture de l’amande dans le bassin tallardien.
Pourquoi s’être lancé dans cette culture ? « C’est un fruit qui m’interpellait. Un marché existe et, à Tallard, nous sommes aux portes de la Provence, explique Cyril. J’y ai vu une activité novatrice à réaliser sur des terrains de famille en friches pour débuter, puis d’autres pris en location. » C’est ainsi que le paysage s’est partiellement trouvé modifié de part et d’autre de la route menant à Châteauvieux, commune voisine de Tallard. Juchés sur le versant pentu, les amandiers toisent le château situé non loin de là. L’édifice a déjà connu un environnement composé en partie d’amandiers et les vieilles pierres doivent être fort aises de renouer avec ce pan de l’agriculture locale.
Trois variétés cultivées et les coques cassées à Valensole
Pour ce qui est des variétés présentes aujourd’hui, elles sont différentes de celles cultivées jadis. « Il y en a trois, énumère Cyril. La Ferragnes, la plus grosse et la plus tardive, pour une consommation de base. La Laurane, de taille moyenne et pour tous usages. La Mandaline, la plus petite, pour la fabrication de dragées. »
L’amandiculteur et son tout jeune assistant décrivent brièvement la machine vibreuse qui était à l’œuvre la veille pour la récolte. « Fixée au tracteur, elle ceinture chaque tronc et je déploie une bâche qui réceptionne les amandes, détaille-t-il. Une vis sans fin effectue le tri des feuilles et des coques cassées. Puis les amandes sont déversées dans la benne. »
La récolte étant achevée, les fruits secs seront acheminés vers la casserie pour séparer l’amande de sa coque. Cette intervention est réalisée à Valensole. Le département des Alpes-de-Haute-Provence est un terroir favorable pour la culture de l’amandier qui connaît un regain depuis quelques années. « Ils sont une poignée dans le département voisin, la filière devrait se développer », ajoute Cyril. Non seulement, il a opté pour une filière novatrice dans les Hautes-Alpes, mais il a choisi la méthode « bio ». « C’est davantage de travail, et de difficultés pour le traitement des arbres, mais je préfère », précise-t-il.
L’irrigation s’opère au goutte à goutte et des tests sont faits en recourant à l’aspersion pour éviter le gel. « La mutation de l’eau en glace dégage des calories et évite le gel, jusqu’à une certaine température cependant », révèle-t-il. Quant au cycle de la saison de l’amande, il peut être décrit ainsi : taille en janvier et février ; traitement bio de février à avril, moins fort que in fine sur les mois de septembre et d’octobre en fonction des variétés.
Au bout du bout, les amandes cassées reviennent de Valensole à Tallard. Dans le vieux cabanon de vigne restauré, Cyril les conditionne en sachets de 250 gr, 500 gr et un kilo. Ils sont vendus sur les marchés, dans des magasins de produits bio et dans les rayons de produits locaux de supermarchés. De l’huile d’amande douce est également vendue dans des pharmacies. Enfin, n’oublions pas que l’amande est considérée comme bienfaitrice de notre santé, protégeant en particulier notre système immunitaire.
Historique de l’amandier dans les Hautes-Alpes
La culture de l’amandier présentait de l’importance surtout dans le sud du département. Les plantations les plus denses se rencontraient dans les cantons de Ribiers, Orpierre, puis venaient ceux de Serres, Ro sans, Tallard, Veynes et Gap. La limite supérieure de la culture étant voisine de 1 000 mètres aux bonnes expositions, sur les coteaux et les flancs des vallées.
Beaucoup d’amandiers étaient des sujets sauvages pris dans les buissons et dans les talus. Les cultivateurs ne se préoccupaient pas de les sélectionner, hormis quelques-uns d’entre eux qui ont créé de petites pépinières dont les sujets ont parfois été greffés en écusson, en août, avec de bonnes variétés de Provence. On trouvait un peu d’amandes Princesses à coque tendre, des amandes à la Dame, des Matheronnes à coque dure et des amandes à Flots ou à rochets ; mais c’est l’amandier spontané qui était de beaucoup le plus commun.
Quant à la production, elle était soumise à l’effet néfaste des gelées de printemps. Si, l’année 1924 fut un millésime correct avec 2 880 quintaux, l’année 1922 n’avait produit que 600 quintaux.
Maurice Fortoul
cet article vous a plu ?
Donnez nous votre avis
Average rating / 5. Vote count:
No votes so far! Be the first to rate this post.