Cancer : ces médecins ne veulent plus crier dans le désert !

Ils sont gastro-entérologues, chirurgiens, oncologues. Ils se démènent pour inciter leurs patients à se faire dépister contre les cancers : nous, Français, sommes les bonnets d'âne de l'Europe. Ces médecins à Marseille, Toulon, Nice, Avignon ou Gap rappellent aussi que sur 400.000 nouveaux cancers annuels en France, 40% sont évitables par l'hygiène de vie. Et même 50% pour le redoutable cancer du côlon. En région Paca on doit pouvoir faire bien mieux. Et si on se réveillait ?

Santé

Le professeur Eric Berton pilote Aix-Marseille Université (AMU), la plus grande de France avec ses 80.000 étudiants et 8.500 personnels. Il n’a pas hésité à monter au créneau hier soir à Marseille pour brandir le panneau stop et associer son institution à la lutte contre le cancer colorectal, en accueillant sur le campus du Pharo la campagne « Plus Bleu le Printemps! » portée par notre média MProvence. En comparant le nombre actuel de victimes du cancer colorectal – 17.500 par an – avec celui des tués sur la route dans les années 70, M. Berton a voulu signifier que si on voulait changer la donne et sauver des milliers vies, on le pouvait !

Ceinture de sécurité

« Il y a 50 ans, on avait près de 18.000 morts dans des accidents de la route, a noté le président d’AMU. Alors on a décidé de rendre obligatoire la ceinture de sécurité, ce qui a fait reculer fortement ce chiffre. » Les mesures de sécurité routière ont en effet permis d’épargner jusqu’à 15.000 vies par an. Peut-on faire de même avec le cancer colorectal ? L’universitaire en est convaincu. Les médecins qui lui ont succédé à la tribune lors de cette conférence publique n’avaient plus qu’à dérouler.

Professeur Laetitia Dahan, cheffe du service d’hépato-gastro-entérologie et oncologie digestive au CHU Timone : « Le cancer colorectal provoque un décès toutes les demi-heures mais on peut l’éviter dans la plupart des cas avec une meilleure hygiène de vie. »

Des progrès fantastiques

Professeur Philippe Grandval, spécialiste en endoscopie interventionnelle (CHU Timone) : « Nous avons accompli des progrès fantastiques ces dernières années grâce à l’endoscopie interventionnelle. Une lésion qu’on aurait peut-être opérée, on arrive à la réséquer. On peut enlever des tumeurs qui étaient inaccessibles. » Le médecin mise également sur l’intelligence artificielle pour mieux dépister et mieux identifier les lésions cancéreuses.

Il souligne toutefois que ces équipements sont très onéreux. Malheureusement, nombre d’hôpitaux périphériques n’en sont pas pourvus et ne disposent pas toujours d’opérateurs suffisamment expérimentés, tellement la démarche interventionnelle s’est complexifiée.

« Solution miracle »

Mais l’important à retenir est que les médecins disposent d’approches innovantes pour soigner les patients, et qu’elles permettent des gains dans la survie. Le docteur Bernard Pol, ancien chef du service de chirurgie digestive et hépatique à l’Hôpital Saint-Joseph (Marseille), insiste sur les progrès dans la précision des interventions, réalisés grâce au robot. « C’est la solution miracle ! » Il rapporte notamment le cas d’une patiente toujours vivante et opérée il y a dix ans. « Elle serait morte depuis longtemps sans les nouvelles technologies. »

Le professeur Emmanuel Mitry ne dit pas autre chose. Lui est oncologue digestif à l’Institut Paoli-Calmettes (centre régional de lutte contre le cancer). Il détaille les avancées en termes de chimiothérapies et de thérapies ciblées, ils sont considérables et mis en oeuvre en quelques semaines, une fois la maladie bien identifiée. La durée de survie des patients atteints par des formes graves a doublé « car on a appris à mieux connaître les tumeurs. » L’immunothérapie constitue une 3e arme efficace, adaptée cependant dans seulement 5% des cas.

« On va parler de bouffe ! »

Pour le docteur Yves Rinaldi, l’avenir est surtout à la prévention. « On va parler de bouffe ! » lance-t-il à l’assistance amusée et toute ouïe de cette conférence. « Le cancer ne surgit pas comme ça, du jour au lendemain. Il est rare avant 50 ans, plus fréquent vers 65 ans. Plus on vieillit, plus on aura de cancers. Pourquoi ? » s’interroge le gastro-entérologue de l’Hôpital Européen de Marseille.

« Il existe des facteurs environnementaux déclenchants ou aggravants, c’est un problème dont la société doit s’emparer. » Le credo du Dr Rinaldi, c’est que chacun à son niveau peut à son tour limiter le risque de développer un cancer. « On peut éviter 40% des 400.000 cancers annuels en France en jouant sur notre mode de vie, et même 50% pour le cancer colorectal ! » Comment ? Pour ce spécialiste, nous avons 4 leviers à notre disposition.

Chacun peut limiter le risque de cancer en suivant ces 4 conseils

1- Augmenter notre temps d’activité physique car c’est l’élément le plus protecteur : « 13% des cancers sont attribués à la sédentarité, et même 18% des cancers du côlon chez l’homme et 20% chez la femme« . Il conviendrait d’accomplir 30 à 60 minutes par jour d’activité intense à modérée (marcher rapidement, se déplacer à vélo, privilégier les escaliers à l’ascenseur, passer l’aspirateur, faire du sport quand c’est possible évidemment…). Problème : 95% des adultes ne bougent pas suffisamment.

2- Supprimer le tabac et réduire la consommation d’alcool (2 verres par jour maximum, pas plus de 5 jours par semaine). Fumer augmente de 20% le risque de contracter un cancer du côlon après 30 ans de tabagisme, idem pour l’alcool.

3- Perdre du poids : 48% des adultes en France sont en surpoids. C’est prouvé, c’est un facteur favorisant la survenue des cancers. « C’est vrai pour le cancer colorectal mais aussi pour le cancer du pancréas notamment. » Le médecin fait part de son inquiétude car tous les indicateurs vont dans le même sens : les Français pèsent de plus en plus lourd, une flambée de surpoids et d’obésité frappe également les enfants et adolescents (25 à 28% des 11-17 ans sont déjà trop gros). « On a une bombe à retardement qui arrive ! »

4- Mieux s’alimenter. Le DR Rinaldi met en garde contre une surconsommation de viande rouge (pas plus de 500g par semaine), et pas de viande grillée au barbecue, c’est dévastateur pour le système digestif. « On pourrait éviter 5.600 nouveaux cas de cancer colorectal par an si on respectait ces consignes. » La charcuterie : maximum 150g par semaine. « Seuls 25% de la population y souscrivent« . Limitez les abats, privilégiez les viandes maigres, le poulet par exemple. Consommez 3 produits laitiers par jour (mais en évitant les plus gras), ils ont un effet protecteur. Et bien sûr les fruits et légumes sont recommandés car ils apportent des vitamines et minéraux, et ils facilitent le transit via les fibres.

Les Français bonnets d’âne du dépistage

Le professeur Jean-François Seitz, gastro-entérologue (CHU Timone) et vice-président du Centre régional de dépistage des cancers (CRCDC), a rappelé l’intérêt de faire le test de dépistage (gratuit) à partir de 50 ans, et tous les deux ans. Il déplore que seule 1 personne sur 3 le fasse (il suffit de tremper un bâtonnet dans ses selles). On est à 34% de répondants, quand il en faudrait 65% pour sauver 10.000 vies par an. Car un cancer dépisté tôt se guérit 9 fois sur 10.

Difficile d’atteindre ce chiffre ? Eh bien NON ! Les Espagnols affichent 64%, comme les Danois, et les Californiens sont à 83%. C’est une question de volonté individuelle et de volonté politique pour accentuer l’information et la prévention. Aussi l’intervention d’Olivier Reilhes, directeur de la Santé publique et environnementale de l’Agence régionale de Santé, était-elle instructive. « Nous avons engagé des actions pour aller vers les populations les plus éloignées des systèmes de santé, notamment dans les quartiers en difficulté, c’est un travail de longue haleine. » En effet, on part de loin!

10.000 vies à sauver chaque année

La campagne « Plus Bleu le Printemps ! » est organisée par MProvence,  le CRCDC et la Fédération francophone de cancérologie digestive, en partenariat avec l’ARS, l’Assurance Maladie, la MSA, le Cancéropôle Paca, la Région Sud-Paca, Aix-Marseille Université, France Bleu, et le soutien institutionnel des laboratoires Bayer, MSD, Merck, Servier et Fujifilm.

Nous sommes plus que jamais convaincus de la nécessité de développer de telles campagnes d’information. Il y a au moins 10.000 vies à sauver chaque année rien que pour le cancer colorectal. Tous ces médecins ne voudraient plus crier dans le désert !

 

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