Professeur Matthieu Durand : La perception selon laquelle le cancer de la prostate est moins dangereux que les cancers du poumon, du côlon, ou du pancréas repose sur plusieurs facteurs, certains fondés et d’autres basés sur des idées reçues. On peut détailler 5 points qui permettent d’expliquer cette croyance :
1. Taux de survie relativement élevé
Le cancer de la prostate présente un taux de survie élevé, en particulier lorsqu’il est diagnostiqué à un stade précoce. Selon des études, le taux de survie relative à 5 ans pour le cancer de la prostate est supérieur à 95 % dans les pays développés. En comparaison, les cancers du poumon, du pancréas, et parfois du côlon, ont des taux de survie beaucoup plus bas car ils sont souvent diagnostiqués à des stades avancés et sont plus agressifs. Cette différence de pronostic explique pourquoi le grand public perçoit le cancer de la prostate comme moins grave.
2. Progression lente du cancer de la prostate
Le cancer de la prostate est souvent de nature indolente ou à croissance lente, ce qui signifie que dans de nombreux cas, il évolue si lentement qu’il n’entraîne pas de symptômes ou de complications graves pendant de nombreuses années. Beaucoup d’hommes diagnostiqués avec un cancer de la prostate décèdent d’autres causes avant que leur cancer ne devienne cliniquement significatif. Cette caractéristique, en comparaison avec des cancers comme ceux du pancréas ou du poumon, qui sont rapides et agressifs, contribue à l’idée que le cancer de la prostate est « moins dangereux ».
3. Options de traitement et détection précoce
Les progrès en dépistage (ex. test PSA, mais surtout IRM de prostate multiparamétrique) et en traitement ont également joué un rôle. Le cancer de la prostate, lorsqu’il est détecté tôt grâce aux examens de routine, peut souvent être traité avec succès par chirurgie, radiothérapie, ou traitements hormonaux, ce qui contribue à une perception positive. À cela il faut rajouter également que les cancers de faible risque de d’amico peuvent être traités par la surveillance active (PSA et IRM) et donc sans traitement invasif. Cela n’existe pas dans d’autres circonstances des cancers du poumon et du pancréas qui sont en plus souvent découverts à des stades avancés, ce qui limite les options de traitement.
4. Caractère hormonodépendant
Le cancer de la prostate est souvent hormonodépendant, ce qui signifie que les traitements hormonaux peuvent être très efficaces pour ralentir ou contrôler sa progression pendant des années. Cette possibilité de gérer la maladie sur le long terme ajoute à la perception qu’il est moins menaçant par rapport à des cancers qui n’ont pas de traitement aussi ciblé et efficace.
5. Les cas de cancers très agressifs sont moins connus
Bien que la majorité des cancers de la prostate soient indolents, il existe des formes agressives qui peuvent métastaser rapidement et devenir mortelles. Ces formes sont cependant moins fréquentes et moins médiatisées que les cas indolents ou gérables. Cela crée un biais de perception : le public a tendance à associer le cancer de la prostate aux cas les plus courants, qui sont effectivement moins dangereux. Ce sont notamment les cancers de la prostate familiaux qui représentent 5% des cancers, notamment ceux qui sont génétiques avec une mutation BRAC2 (comme les cancers du sein). Ceux-ci nécessitent plus d’attention car ils sont plus précoces et plus agressifs, mais ils sont peu connus. C’est tout l’intérêt de faire des conférences publiques comme celle organisée le 6 novembre prochain à la Maison de l’Etudiant (à 18h, salle du Stockfish, 5 av. François-Mitterrand, accès tram arrêt « Vauban »).
A partir de 50 ans pour tous les hommes
La meilleure façon de repérer ce cancer qui touchera 1 homme sur 8 est le dépistage. A partir de quel âge et à quelle fréquence doit-on l’effectuer ? Avec quels examens ?
Le dépistage du cancer de la prostate est recommandé à partir de 50 ans pour les hommes sans facteur de risque. Pour ceux ayant des antécédents familiaux ou étant d’origine afro-caribéenne, il peut être envisagé dès 45 ans. Ce dépistage s’effectue jusqu’à l’âge de 75 ans.
Les examens utilisés sont : le dosage du PSA (antigène spécifique de la prostate) par un test sanguin pour détecter une augmentation de ce marqueur. Le toucher rectal : pour évaluer la consistance de la prostate. Une IRM (imagerie par résonance magnétique) de prostate : elle est de plus en plus utilisée.
La fréquence dépend des résultats initiaux et des recommandations médicales, mais un suivi annuel ou biennal est souvent préconisé.
30 à 50% des nouveaux cancers sont surveillés et non plus traités
Suis-je obligé d’aller voir un urologue ou bien mon médecin traitant peut-il s’occuper de tout ?
Le médecin traitant peut réaliser le dépistage initial du cancer de la prostate, en prescrivant le dosage du PSA et en effectuant un toucher rectal. Cependant, si les résultats sont anormaux ou en cas de doute, il orientera vers un urologue pour des examens plus approfondis et une prise en charge spécialisée. De plus en plus, justement, le médecin généraliste prescrira aussi une IRM de la prostate.
La surveillance active concerne environ 30 à 50 % des cancers de la prostate diagnostiqués aujourd’hui. Elle s’applique surtout aux cancers peu agressifs (stade précoce, score de Gleason bas, toucher normal) qui évoluent lentement et qui n’entraînent pas de symptômes immédiats.
Eviter les traitements inutiles
Comment ça marche ?
La surveillance active consiste à suivre régulièrement l’évolution du cancer sans traitement immédiat. Cela inclut des dosages réguliers de PSA (tous les 3 à 6 mois) ; des IRM et/ou biopsies de la prostate périodiques pour détecter tout signe de progression ; les biopsies, justement, restent encore obligatoires.
Est-ce sûr ?
Oui, c’est une approche sécurisée pour les cancers à faible risque. Le tout est de bien sélectionner les patients ! Elle permet d’éviter des traitements inutiles (chirurgie ou radiothérapie) et leurs effets secondaires, tout en maintenant la possibilité d’intervenir rapidement si le cancer devient plus agressif. Des études ont montré que la surveillance active n’augmente pas la mortalité à long terme pour les cancers peu agressifs, à condition de suivre un protocole strict et de rester vigilant.
20 000 opérations de la prostate en France chaque année
En France, on estime à environ 20 000 prostatectomies radicales par an pour le traitement du cancer de la prostate. Ce chiffre inclut toutes les formes de la procédure, que ce soit par voie ouverte, coelioscopique (laparoscopie), ou robot-assistée (photo ci-dessus), cette dernière technique ayant connu une forte croissance ces dernières années
Évolution sur 12 ans des indications de prostatectomie totale pour cancer – Urofrance.
Malgré cette fréquence, le nombre total de prostatectomies diminue progressivement en raison des nouvelles stratégies, notamment la surveillance active, qui évitent d’opérer les cas peu agressifs pour limiter les risques et effets secondaires
Vivre avec un cancer sans… rien faire ?
On peut donc vivre sans risque avec un cancer de la prostate sans avoir un traitement ?
À noter quand même qu’environ 10 à 15 % des patients quittent le protocole de surveillance active pour un cancer de la prostate en raison de l’anxiété liée à l’idée de vivre avec un cancer non traité. Cette inquiétude pousse certains à opter pour des traitements plus invasifs, même lorsque leur risque de progression est faible.
Troubles de l’érection : à cause de l’opération mais pas que
Si je suis traité, vais-je forcément avoir des problèmes d’érection ? Est-ce que je risque également l’incontinence urinaire ?
Après un traitement du cancer de la prostate, environ 25% à 45% des hommes peuvent rencontrer des problèmes d’érection, notamment après une prostatectomie radicale, même avec des techniques de préservation des nerfs. Le risque d’incontinence urinaire affecte environ 5 à 12 % des patients, mais cela s’améliore souvent avec le temps et des exercices de rééducation. Il est essentiel de discuter avec son urologue des options de traitement et des stratégies de rééducation pour minimiser ces effets secondaires. Il faut aussi toujours être prudent car d’autres raisons de dysfonctions érectile co-existent chez les patients comme le diabète et les troubles cardiaques par exemple. Cela fausse les résultats.
D’énormes progrès dans les traitements
La prise en charge du cancer de la prostate bénéficie-t-elle d’innovations ?
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