Cancer de la prostate : « Le rôle de la femme est crucial »

Le Dr Akram Akiki est chirurgien-urologue au Centre hospitalier Edmond-Garcin d'Aubagne et au CHU de La Conception. Mardi 3 octobre débutera la 2e campagne MProvence de sensibilisation au cancer de la prostate, le plus fréquent chez l'homme et peut-être le plus intime car il impacte sa sexualité. Avec le Pr Lechevallier, le Dr Oliva, le Dr Muracciole et le Dr Deville, le Dr Akiki animera une conférence publique le 3 octobre à 17h à Aubagne (Espace des Libertés, entrée libre) sur le thème : "La prostate, parlons-en pour vous protéger !" Le rôle des compagnes n'a jamais été aussi important.

La prostate parlons-en !

Pourquoi passés 50 ans les hommes doivent-ils se soucier de leur prostate ?

Précisons d’abord ce qu’est la prostate. C’est une glande chez l’homme qui produit le liquide séminal, en fait le sperme, et cette glande, comme tous les organes du corps, elle vieillit et peut commencer à causer de problèmes. Elle peut augmenter de taille, c’est ce qu’on appelle l’hypertrophie bénigne de la prostate qui peut provoquer des troubles urinaires et des gènes urinaires. Peut se développer aussi le cancer de la prostate qui est un cancer très fréquent et qui très souvent ne provoque pas de symptômes. Mais pour le trouver, il faudra faire des examens.

Prise de sang et toucher rectal : protégez-vous dès 50 ans !

C’est le cancer plus fréquent chez l’homme avec plus de 50.000 nouveaux cas détectés chaque année en France et il touchera environ un homme sur 8 ou 9 au cours de sa vie. Chaque heure en France un homme meurt de ce cancer. En connaît-on l’origine et comment le repérer ?

On ne connaît ni l’origine ni les causes précises. On sait que c’est multifactoriel. C’est souvent asymptomatique et quand les symptômes apparaissent, c’est déjà trop tard. C’est pourquoi il faut faire des examens avant que ça ne devienne symptomatique : dosage du PSA, toucher rectal, une IRM, une imagerie pour commencer à faire du diagnostic.

A quel âge survient ce cancer en moyenne et existe-t-il des moyens de le prévenir, par son mode de vie ou par son alimentation par exemple ?

Au sujet de la prévention, il n’y a pas vraiment de choses à prévenir. D’abord parce que, déjà, on ne sait pas l’origine et on ne connaît pas tous les facteurs. Le facteur le plus important, c’est l’âge, mais on ne peut pas se rajeunir ! En moyenne c’est aux alentours de 70 ans que survient ce cancer mais on commence à faire le diagnostic précoce à partir de 50 ans.

En cas d’anormalité…

C’est un cancer, vous l’avez dit, qui reste longtemps silencieux. Pour le repérer, il faut donc le dépister. Comment se passe le dépistage ?

Il commence avec un dosage du PSA et un toucher rectal. Ce dosage du PSA, c’est une prise de sang prescrite par le médecin traitant ou l’urologue et le toucher rectal peut se faire aussi par le médecin traitant ou par l’urologue. Ce sont des examens simples qui permettent, non pas de faire le diagnostic, mais d’alerter et pousser les explorations à la recherche d’un cancer de la prostate.

Si ces 2 examens révèlent quelque chose d’anormal, qu’est-ce que vous faites ?

Si ça révèle des choses anormales, il faudra compléter ces examens, pousser un peu plus les explorations, faire une IRM de la prostate. Si sur l’IRM il y a des aspects qui peuvent évoquer des lésions cancéreuses,  il faut aller jusqu’à des biopsies de la prostate.

Et c’est à partir de 50 ans qu’on commence à faire ces examens de repérage ?

Tout à fait. Sauf s’il y a des facteurs familiaux. Parfois on peut commencer plus tôt s’il y a des formes de cancers familiaux qui sont en général rares, mais on peut commencer plus tôt, à l’âge de 45 ans.

La surveillance active pour éviter le traitement

Et chaque année à partir de 50 ans on va demander à son médecin traitant de pouvoir faire ces examens ?

Ce qui est recommandé, c’est en général de faire tous les ans un dosage du PSA et le toucher rectal une fois par an ou une fois tous les 2 ans.

Quand vous détectez un cancer, le traitez-vous systématiquement ?

Cela dépend des types de cancer, du grade, du stade… Donc on peut tout simplement le surveiller. Il y a des formes de cancer qui ont une évolution lente et il y a d’autres cancers qui sont plus agressifs et là il faut avoir un traitement plus agressif qui peut être une chirurgie, une radiothérapie, une curiethérapie ou d’autres types de traitements.

« On sur-traitait ce cancer »

Quand on dit que l’on va  » surveiller un cancer » c’est quelque chose qui a changé depuis quelques années. On opérait alors systématiquement. Aujourd’hui ce n’est plus vrai…

Tout à fait ! Il y a quelques années, tous les cancers qu’on diagnostiquait étaient traités. Avec le temps on a constaté qu’on sur-diagnostiquait et qu’on sur-traitait le cancer de la prostate. Est venue l’idée de savoir si tous ces cancers nécessitaient un traitement. C’est alors qu’est arrivée la surveillance active. Elle a permis de réduire ce sur-traitement.

Concrètement, que signifie la surveillance active, que faîtes-vous?

Une surveillance active c’est un suivi de PSA et un toucher rectal, et une IRM de temps en temps. Si ces indicateurs évoluent, on peut refaire des biopsies de la prostate pour voir s’il n’y a pas une évolution qui peut impacter la survie.

Et on vit comme ça, avec ce tout petit cancer qui ne se développe pas ?

Oui. L’avantage de la surveillance active est qu’on ne subit pas les effets secondaires des traitements.

On guérit ce cancer « dans pas mal de cas »

Justement, quels sont les traitements proposés quand on a un cancer avéré, agressif ?

Actuellement le standard est la chirurgie qui est l’ablation de la prostate – la prostatectomie – ou la radiothérapie qui peut être associée avec la radio-hormonothérapie sur les formes localisées. Sur les formes métastatiques c’est l’hormonothérapie, avec différents types d’hormonothérapie. Un autre traitement est la curiethérapie.

Est-ce que ces traitements garantissent la guérison ?

Quand on parle de cancer, parler de guérison paraît difficile. Mais on a les moyens actuellement de bien traiter le cancer de la prostate, de le contrôler à long terme, voire même de le guérir dans pas mal de cas.

Il arrive fréquemment d’associer 2 traitements ?

Tout à fait, par exemple avec la radio-hormonothérapie. Il s’agit de faire des rayons sur la prostate associés avec une castration chimique, ou ça peut être une chirurgie et selon les résultats de la pièce opératoire elle sera complétée par de la radiothérapie ou de la radio-hormonothérapie.

Incontinence urinaire, érections en berne

Les effets secondaires de ces traitements sont parfois importants. Ils peuvent engendrer notamment une incontinence, et une impuissance sexuelle…

Tout traitement a des effets secondaires. C’est sûr, la radiothérapie ou la chirurgie n’ont pas les mêmes effets secondaires mais en gros ça peut être de l’incontinence urinaire sur la chirurgie. La radiothérapie c’est plutôt des brûlures urinaires, des saignements dans les urines, dans les selles, un problème de dysfonction érectile – d’érection. Ce sont des effets secondaires qui ne sont pas systématiques mais qui arrivent très souvent après ces traitements.

On a des effets secondaires, mais l’important est quand même que vous sauvez la vie des gens…

Parfois le pronostic vital est engagé et il est important de faire le traitement.

Des hommes réticents au traitement à cause des effets secondaires

Quelle est la réaction des hommes chez qui vous diagnostiquez un cancer ? Comment les accompagnez-vous « psychologiquement ». Que leur dites-vous, parce que c’est traumatisant pour eux ?

Déjà l’annonce du cancer prend beaucoup de temps à la consultation et on les revoit plusieurs fois avant de prendre une décision sur un traitement et choisir un traitement, savoir si on va les traiter ou ne pas les traiter. Donc c’est un compagnonnage, c’est la présence, c’est le temps qu’on passe avec eux. C’est l’information pour prendre la bonne décision et des fois on prend la décision selon les effets secondaires qu’ils veulent accepter ou pas.

Donc vous écoutez le patient ?

C’est la partie la plus importante. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’on parle des « acteurs de santé ». Le patient est le premier acteur de santé. C’est lui qui prend l’initiative, c’est lui qui fait le choix. Nous, on n’est là que pour l’aider.

La présence de sa femme aide le patient à se décider

Vous participez à une campagne d’information sur le cancer de la prostate tout cet automne avec MProvence. Le public pourra d’ailleurs vous écouter, vous rencontrer, vous questionner le 3 octobre à Aubagne en compagnie d’autres médecins – ça se passera à la salle Simone-Veil à 17h. Avez-vous le sentiment que les hommes, et les femmes qui les accompagnent aussi, ne sont pas suffisamment encore informés de ce danger qui les guette ?

Oui. On voit encore des gens arriver à nos consultations qui n’ont jamais eu de dosage du PSA, ils arrivent avec du PSA très, très élevé ou avec des cancers très avancés. Comme s’ils n’avaient jamais été au courant qu’une simple prise de sang, un toucher rectal ou un suivi régulier permettent d’éviter ou permettent de traiter précocement des cancers qui peuvent être très dangereux (NDLR : ce cancer tue 8.100 hommes par an en France).

Quel est le rôle des compagnes, des femmes, dans cet accompagnement d’un homme qui a un cancer de la prostate ?

Il est crucial, vraiment crucial parce que, dans ce cancer ça touche un peu la sexualité et la sexualité ne dépend pas que de l’homme mais du couple. Leur rôle est très important. C’est elle qui encourage, c’est elle qui très souvent – on le remarque à la consultation – l’aide énormément à prendre la décision. Parfois on diagnostique des cancers et les hommes sont réticents parce que tous les traitements peuvent impacter leur sexualité. Le fait que leur conjointe les rassure, ça leur permet de faire le pas.

Conférence « La prostate, parlons-en pour vous protéger ! », mardi 3 octobre à 17h à la salle Simone-Veil, Espace des Libertés, avenue Antide Boyer, Aubagne. Entrée libre. Venez interroger les médecins : Dr Akram Akiki, urologue au CH d’Aubagne, Dr Jauffray Oliva, urologue au CH d’Aubagne, Pr Eric Lechevallier, urologue au CHU Conception (APHM), Dr Xavier Muracciole, radiothérapeute au CHU Timone, Dr Jean-Laurent Deville, oncologue au CHU Timone.

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