La faculté des sciences de Saint-Jérôme à Marseille (13e arrondissement) vient de frapper deux grands coups, via son Institut de chimie radicalaire. D’abord, avec l’obtention de la prestigieuse Médaille d’argent du CNRS délivrée lundi dernier à son directeur, le docteur Didier Gigmes, pour l’excellence de ses travaux. Puis avec la révélation hier d’une découverte scientifique prometteuse dans la lutte contre le cancer.
Une voie inédite pour neutraliser les cellules cancéreuses
Dans cet institut, fruit d’une coopération entre Aix-Marseille Université et le CNRS, qui emploie 128 personnes, Micael Hardy est un expert en biologie des cellules cancéreuses. Ce chimiste travaille depuis quinze ans avec le Medical College du Wisconsin et l’université de Houston aux Etats-Unis, où il passe toutes ses vacances d’été pour la bonne cause. Ensemble, ils sont peut-être en train d’ouvrir une voie d’abord inédite pour neutraliser les cellules cancéreuses, dont le développement incontrôlé provoque la mort.
Les scientifiques ont mis au point un nouvel agent dérivé de l’atovaquone – un médicament contre le paludisme – ciblant les mitochondries, afin de prévenir la croissance et la propagation des tumeurs. Baptisé Mito-ATO, cet agent a été injecté dans les tumeurs, « déclenchant de puissantes réponses immunitaires des lymphocytes T en local, mais aussi dans des sites tumoraux distants, souligne-t-on à l’Institut de chimie radicalaire. La vaccination in-situ avec Mito-ATO empêche la propagation des métastases du cancer des poumons et leur développement dans le cerveau. »
Une avancée dans la destruction des cellules incriminées dans le cancer
L’administration de Mito-ATO à des rats malades a bloqué l’expression de gènes responsables dans la fabrication des tumeurs. Ce qui conduirait à la destruction des cellules incriminées dans le cancer. « On a maximisé l’activité de l’atovaquone pour en faire un anticancéreux, en augmentant sa concentration dans la mitochondrie des cellules malades, résume avec enthousiasme Micael Hardy. On s’est rendu compte que cela augmentait les bons lymphocytes. » Le labo de Saint-Jérôme a réalisé les études, les Américains ont conduit les expérimentations in vitro, puis in vivo chez le rat.
Vers la phase 1 des essais sur l’homme
Le passage à la phase 1 des essais sur l’homme, qui pourrait impliquer des patients en phase terminale du cancer, va prendre du temps et engloutir beaucoup d’argent, plusieurs millions de dollars. Le chercheur marseillais déploie un calendrier optimiste : juin prochain pour le démarrage, fin 2023 pour l’aboutissement de cette étape qui en précédera trois autres.
L’entrée en phase 1 nécessite une logistique impressionnante – d’où le coût – afin de synthétiser la molécule pour aboutir à un protocole, la purifier, vérifier sa toxicité, l’adapter à l’homme, la produire en quantité puis la tester enfin, sans garantie évidemment que le succès obtenu sur le rat se renouvelle chez l’homme. « Le cancer du poumon a été ciblé car c’est la spécialité de l’un des confrères américains, mais on peut imaginer que ça fonctionne aussi sur le pancréas et le côlon« , avance Micael Hardy.
Le pari en vaut la chandelle. Micael Hardy n’a pas fini de faire des allers-retours estivaux entre Marseille et les Etats-Unis.
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