Cancer du côlon : sauver 10 000 vies par an, peut-être la vôtre !

Le cancer colorectal touche 47.000 nouvelles personnes chaque année en France et en tue plus de 17 000. A Marseille les spécialistes estiment qu'on pourrait éviter 10 000 décès grâce au dépistage et à une meilleure hygiène de vie notamment. C'est pourquoi MProvence lance une campagne d'information en région PACA avec des conférences publiques : "Sauver 10 000 vies, peut-être la vôtre !"

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Carlos et Cyril. Deux quinquagénaires. Le premier (en photo ci-dessus avec le micro) a échappé de peu au cancer colorectal après avoir négligé pendant quatre ans de faire le test proposé à tous les Français de plus de 50 ans. Le deuxième n’a pas eu cette chance. Cyril a reçu le cancer du côlon en cadeau d’anniversaire pour ses 50 ans. Il a fallu lui retirer fissa 30 centimètres d’intestin.

Deux hommes. Deux destins. Mais un même combat contre le cancer et contre l’indifférence de la population face à la menace mortelle qui pèse sur chacun. Carlos Cardoso le Marseillais et Cyril Sarrauste le Montpelliérain ont bouleversé la conférence de presse de présentation de la campagne Mars Bleu qui s’est tenue en fin de semaine dernière au Club de la Presse Marseille Provence. Le mois de mars est dédié à la prévention et à la lutte contre le cancer colorectal, l’un des plus redoutables.

La présentation de la campagne Mars Bleu avec Yves Blisson, président de MProvence, Cyrille Sarrauste, les Pr Seradour et Seitz, le conseiller régional Bruno Genzana et Carlos Cardoso (Photo Ph. S)

Je suis chercheur en médecine mais je n’ai même pas réagi

« J’ai reçu 4 fois la lettre invitant à faire le test à la maison, mais j’ai eu la flemme d’aller le retirer en pharmacie, reconnaît Carlos Cardoso, qui a tenu à témoigner pour sensibiliser le public à cette indifférence qui peut conduire à la mort prématurée. Pourtant, je suis chercheur au CNRS, spécialisé dans les maladies rares. Donc je suis plutôt sensible à ce genre de choses, normalement… Ce qui m’a décidé, c’est un ami qui a eu un autre cancer. Le test s’est avéré positif, comme pour 4% des gens. On pense alors tout de suite au pire. Mon médecin m’a vraiment rassuré. Mais il y a un vrai tabou avec ce cancer colorectal.  »

Son gastroentérologue, le Dr Yves Rinaldi, a procédé à l’ablation des polypes possiblement pré-cancéreux à l’Hôpital Européen de Marseille. « J’ai enlevé deux polypes bénins, il est tiré d’affaire, confie le Dr Rinaldi. En dépistant les polypes, on évite les cancers. » Moralité : « Quand on fait suffisamment tôt son dépistage, on n’aura pas de cancer. »

Le cancer devient une maladie chronique

Cyril Sarrauste travaille lui aussi dans le secteur scientifique, mais à 200 km de là, à Montpellier. « Je venais tout juste d’avoir 50 ans et n’avais donc pas encore reçu l’invitation à faire le dépistage. J’avais du sang dans les selles depuis une semaine, je suis allé voir mon médecin traitant, qui m’a dirigé vers le gastroentérologue. J’avais un très gros polype qui ne pouvait pas être retiré par la coloscopie. »

La suite est donc passée par la case chirurgie et la pose provisoire d’une stomie – une poche en plastique sur le ventre qui est abouchée à l’intestin pour recueillir les matières fécales. « Aujourd’hui, pour beaucoup de gens et pour moi-même, cancer = maladie chronique. Je suis en rémission. J’ai franchement plus de risque de mourir en traversant la rue à Marseille où il y a énormément de circulation que de mourir d’un cancer ! »

Les effets secondaires redoutables

Le problème est qu’on ne parle pas – ou peu – de ce cancer qui frappe près de 50 000 Français chaque année et en tue plus de 17 000, quasiment autant de femmes que d’hommes.  « On n’en parle pas car ça se passe en dessous de la ceinture« , déplore Cyril Sarrauste. Pour bousculer la fatalité, il a développé une association de patients « Mon réseau cancer colorectal ». Elle réunit déjà par internet un millier de patients dans toute la France.

Ils viennent y chercher des informations sur la maladie et pour s’orienter, partager des témoignages, obtenir du soutien. « Il faut aussi parler des effets secondaires des traitements du cancer, sur la vie quotidienne, sur le couple et la sexualité. Je préfère faire le test même s’il faut aller 3 ou 4 fois à la pharmacie plutôt que d’avoir une poche collée à vie sur le ventre pour recueillir mes selles ! »

François Feldman, le parrain qui est dans la cible

S’il est une ex-gloire de la chanson qui n’hésite pas à associer son image à cette cause de santé publique, c’est François Feldman. L’auteur des célèbres « Valses de Vienne », qui a 65 ans, est en plein dans la cible d’une telle démarche de sensibilisation. C’est pourquoi il a accepté d’en être le parrain. Il a témoigné en visio lors de la conférence de presse.

« J’explique à tous mes potes de faire ce test. C’est rien du tout, ça prend deux minutes à la maison ! Et même si le test révèle une possible anomalie, tu passes une coloscopie, on t’enlève le truc qui dépasse et c’est fini ! » Le chanteur star des années 80 et 90, qui chausse des lunettes bleues pour être raccord avec la couleur de la campagne contre le cancer colorectal, va bientôt produire une vidéo de sensibilisation sur Tik-Tok.

Un test enfantin à réaliser

François Feldman a raison. C’est vrai, comme l’a rappelé le Dr Rinaldi, ce fameux test immunologique fécal (FIT) est enfantin à réaliser et « en 2 minutes de travail pour faire le test, on se sauve la vie« . 1- On reçoit à 50 ans puis tous les 2 ans jusqu’à 74 ans une lettre de la Sécurité sociale qui invite à se procurer le test auprès de son médecin, en pharmacie si elle est agréée (50% le sont déjà dans les Bouches-du-Rhône) ou par internet. 2- Il suffit alors de recueillir soi-même un peu de selles à déposer dans un tube. 3- On met le tube dans une enveloppe spéciale fournie avec le test. 4- On la poste dans les 24h. 5- Quelques semaines plus tard on reçoit le résultat, négatif 9 fois sur 10.

Et si c’est positif ? Cela ne veut pas dire qu’on a un cancer mais que le laboratoire a repéré des traces suspectes de sang, dont il faut identifier l’origine.  Direction son généraliste ou directement un gastroentérologue qui procédera à une coloscopie sous anesthésie générale et retirera éventuellement les polypes pré-cancéreux. « Un polype met en moyenne 10 ans à grossir et à provoquer un cancer », souligne le professeur Jean-François Seitz (gastroentérologue à l’Hôpital de la Timone, APHM, et vice-président du CRCDC, le Centre régional de dépistage des cancers Sud-Paca), qui ajoute : « Dans 9 cas sur 10, s’il est pris tôt, un cancer colorectal se guérit. »

Le Pr Jean-François Seitz et Cyril Sarrauste

Le médecin de famille, pivot du dépistage

Dit comme ça, cela paraît simple. Et c’est… simple ! Lettre d’avertissement répétée de la Sécu, gratuité totale du dispositif, facilité pour mettre un peu de ses selles dans un tube… Toutefois, le dispositif patine. Seul 1 Français sur 3 de plus de 50 ans accomplit cette démarche préventive. En région Sud-PACA, les meilleurs élèves sont les départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence et du Vaucluse (bon, ça reste quand même médiocre avec 35% de tests). Bonnet d’âne pour les départements côtiers : Alpes-Maritimes, Var et surtout Bouches-du-Rhône. Dans notre région, on dénombre 3 600 nouveaux cas par an et 1 320 décès.

Certes, sur les tests, on observe une belle progression régionale de 8 points depuis 2019, mais elle stagne à 33,2%. Explication de la professeure Brigitte Seradour, présidente du CRCDC : « Il y aurait peut-être un meilleur lien en milieu rural entre le médecin de famille et l’assuré, ce qui expliquerait une meilleure participation aux tests de dépistage des cancers, notamment du sein et colorectal. » La dernière campagne de dépistage en région PACA a permis de dépister 632 cancers à un stade précoce et de cibler 5 000 adénomes, dont 3 000 à un stade avancé.

63% des patients voudraient faire le test, mais…

Gastroentérologue à Grasse et secrétaire général du CRCDC, le Dr Patrice Delasalle fournit une information stratégique : « 63% des patients interrogés déclaraient avoir l’intention de faire le test de dépistage. Mais seule la moitié passe à l’acte. C’est pourquoi nous devons réfléchir aux freins psychologiques. Quand votre médecin vous parle du test et, encore mieux, quand il vous le propose, eh bien 85% des patients s’en acquittent. »

Le directeur de la santé publique à l’Agence Régionale de Santé (ARS), Olivier Reilhes, confirme : « Nous sommes dans une région un peu difficile, un peu réfractaire aux campagnes de dépistage, comme à la vaccination« . Les messages préventifs passent moins bien qu’ailleurs. « C’est aussi la région où le taux de tabagisme est le plus élevé. »

Plus de cancers chez les femmes, moins chez les hommes

Il y a urgence à réagir. Car en 30 ans, les cas sont passés de 30.000 à 47 000 par an. Comment expliquer cette inflation ? D’abord par l’augmentation de la population française et par son vieillissement. Le surpoids, et l’obésité – qui a doublé en quinze ans et qui concerne 17% des adultes – ont également un impact. « Il y a certainement un effet du tabac comme de l’alcool et de l’alimentation trop riche et qui ne comporte pas assez de fruits et légumes« , ajoute le Pr Seitz. Qui s’alarme de la progression des cas chez les femmes (+0,2% par an depuis 2010), particulièrement entre 40 et 50 ans, alors qu’il recule chez les hommes (-0,3%).

Face à cette urgence, Olivier Reilhes de l’ARS précise que, en plus des pharmaciens, les infirmières et les sages-femmes vont pouvoir également promouvoir ce dépistage. Et c’est essentiel pour pallier le manque de médecins généralistes et toucher toute la population.

Ce sont des familles brisées

On comprend tout l’intérêt de densifier le dépistage. Les autorités de santé, ARS et Sécu en tête, l’ont bien compris. La Région Sud-PACA aussi puisqu’elle a mis en place, sur l’impulsion de son président Renaud Muselier, un Plan Cancer de 40 millions d’euros pour soutenir la recherche, aider les hôpitaux et développer des actions de sensibilisation de la population la plus éloignée des soins. « Les marges de progression sont très fortes pour obtenir de meilleurs résultats, estime le conseiller régional Bruno Genzana. Ce combat contre le cancer est un fil conducteur de notre action. Car au-delà des chiffres, ce sont des vies humaines et des familles brisées par la maladie et par la mort. »

MProvence invite le public à 1 course et 5 conférences

A Marseille dans le cadre de « Mars Bleu » dimanche 10 mars, le parc Borély abritera des courses de 2,5 et 5 km parrainées par Basile Boli. Renseignements sur sport.sante@smuc.fr et inscriptions sur KMS

En partenariat avec les hôpitaux de la région, Aix-Marseille Université, la Fédération francophone de cancérologie digestive, la fondation ARCAD et France Bleu, MProvence invite le public à 5 conférences gratuites : « Cancer du côlon : Sauver 10 000 vies, peut-être la vôtre ! » Les médecins expliqueront ce qui marche vraiment et répondront aux questions.

  • AVIGNON : lundi 11 mars à 18h, Maison Axel Khan, Ligue contre le cancer de Vaucluse, 285 rue Raoul Follereau. Avec le Centre hospitalier d’Avignon et l’Institut Sainte-Catherine.
  • NICE : mardi 12 mars à 18h, Centre Universitaire Méditerranéen, 65 Promenade des Anglais. Avec le CHU de Nice et le Centre Antoine-Lacassagne.
  • TOULON : mardi 19 mars à 18h, Hôpital d’instruction des Armées Sainte-Anne, 2 boulevard Sainte-Anne. Inscription obligatoire sur masanteprovence@gmail.com en précisant « Toulon »
  • GAP : jeudi 28 mars à 18h, amphithéâtre du Pôle Universitaire, 2 rue Bayard. Avec Le Centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud et le GHT. Inscription recommandée sur masanteprovence@gmail.com en précisant « Gap »
  • MARSEILLE : mardi 16 avril à 18h, Aix-Marseille Université, amphi Gastaut, Jardin du Pharo, 58 Bd Charles Livon, 7e arrondissement. Avec le CHU de Marseille, l’Institut Paoli-Calmettes, l’Hôpital Européen et l’Hôpital Saint-Joseph.

Renseignements : 06 33 78 35 79

 

cancer colorectal tous concernés

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