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Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer en France avec 33 000 morts par an, auxquels il faut ajouter plus de 50 000 nouveaux cas chaque année. Pourquoi ce cancer fait-il autant de victimes ?
Professeur Pascal Thomas : Parce que c’est un un cancer un peu sournois, un peu particulier. Le poumon est un organe qui n’est pas sensible donc il n’y a pas, par exemple, de douleurs ou de symptômes à des phases très précoces du cancer comme il peut y avoir dans d’autres cancers comme le cancer du sein, avec une femme qui va s auto-palper, sentir une boule. Ou quelqu’un qui va émettre du sang dans les selles. Cela n’existe pas ou ça n’existe dans les formes actuelles de cancer du poumon qui se développent en périphérie du poumon, qui sont la plupart du temps asymptomatiques jusqu’au moment où le stade est trop important, trop élevé pour espérer avoir des succès dans le traitement. C’est la raison principale. C’est un cancer qui peut évoluer pendant plusieurs années avant d’émerger et d’être évident sur le plan clinique ou radiologique.
A partir du moment où les métastases sont déclarées…
Comment se présente concrètement un cancer du poumon et pourquoi est-ce si grave ?
C’est un cancer qui a une propension à diffuser rapidement, à donner des métastases, par exemple des métastases cérébrales, des métastases osseuses. Après, c’est une phase de latence ou d’évolution assez lente. Le moment où la tumeur va être véritablement invasive survient de façon assez fulgurante en général. A partir du moment où les métastases sont déclarées, l’espérance de vie sans traitement est très faible, de l’ordre de quelques mois. On comprend bien le lien qu’il y a entre l’apparition de symptômes qui peuvent alerter les gens et les conduire à consulter, le stade qui est malheureusement souvent élevé à ce moment-là et donc un traitement qui survient trop tard.
Les scanners pour Covid ont révélé beaucoup de cancers du poumon
Il n’y a aucun symptôme qui peut nous faire penser tôt à un cancer du poumon ?
Parfois il peut y avoir des petits signes, mais qui sont souvent des signes non spécifiques. On peut être amené à consulter un pneumologue ou son médecin généraliste parce qu’on a une toux un peu rebelle, parce qu’on a craché un filet de sang qui était avant le « maître-symptôme » des cancers du poumon. Maintenant c’est devenu un symptôme assez exceptionnel. Parce qu’en plus l’épidémiologie des cancers a changé.
Avant, on avait des tumeurs qui étaient plutôt centrales, c’est-à-dire proches des bronches pour parler simplement. Alors que maintenant on a plutôt des formes périphériques dans le poumon. Donc ces symptômes qui pouvaient être éventuellement compatibles avec des formes précoces ont disparu. La circonstance de diagnostic largement la plus fréquente en France actuellement, c’est ce qu’on appelle la découverte incidentelle ou fortuite. C’est-à-dire à l’occasion d’un examen qui est fait pour un symptôme non spécifique – une fatigue, une baisse de l’état général, une perte de poids. Ou pour une toute autre raison.
On l’a vécu par exemple pendant la crise Covid où on a multiplié les scanners du thorax parce qu’il y avait une atteinte des poumons par le virus, on pouvait apprécier la sévérité de cette maladie par les scanners. Eh bien ces scanners qui ont été faits à très large échelle ont permis de dépister un nombre important de cancers du poumon qui étaient jusque-là totalement asymptomatiques. Actuellement c’est plutôt des découvertes incidentelles ou fortuites qui amènent les gens à être traités, et être traités avec succès cette fois-ci. D’où l’idée bien sûr du dépistage qui est en cohérence totale avec cette constatation.
Des progrès importants dans les traitements
A 5 ans, le le taux de survie est de 20%, c’est-à-dire que 4 malades sur 5 sont décédés avant la 5e année de maladie. Pourquoi n’arrive-t-on toujours pas à soigner ce cancer ?
Ce n’est pas exact. On arrive maintenant à soigner et à guérir ce cancer. Il faut savoir que ce taux, qui est effectivement de 19%, a été doublé au cours des 20 dernières années. Ce qui est déjà un progrès assez énorme en cancérologie. Il correspond à l’observation de deux situations complètement différentes. En gros – c’est un peu schématique et tout ce qui est schématique est un peu faux, mais ça image bien les résultats du traitement : soit vous avez des formes fréquences et là vous allez guérir les gens dans l’immense majorité des cas. Soit vous avez des formes qui sont trop tardives, à ce moment-là vous n’allez jamais guérir ces gens-là.
Mais par contre, les progrès de la chimiothérapie, les progrès de l’immunothérapie et les thérapies ciblées, tous ces nouveaux médicaments qui s’adressent à des cibles différentes ont permis de transformer dans certains cas ces maladies en maladies chroniques avec lesquelles la personne, le sujet malade, s’accommode et peut vivre longtemps et avec une bonne qualité de vie. En gros le profil est en train de changer radicalement, non seulement du fait des modifications de ce qu’on appelle l’épidémiologie de ce cancer, mais aussi de l’effet quand même très positif des traitements qui émergent de façon quasiment exponentielle.
Des espoirs fantastiques grâce à la recherche
Il y a des nouvelles molécules quasiment chaque année, des nouvelles découvertes de voies qui expliquent le développement des cancers et donc qui représentent autant de cibles possibles des traitements. C’est une maladie qui est effectivement au départ extrêmement grave mais pour laquelle il y a des espoirs à hauteur justement de cette gravité, c’est-à-dire des espoirs liés aux progrès thérapeutiques qui sont fantastiques parce qu’il y a un effort de la recherche sur cette maladie qui est considérable.
Le tabac est une drogue dure, comme la cocaïne
Le tabagisme reste-t-il la principale cause du cancer du poumon ?
Oui, ça reste et ça restera la principale cause du cancer. D’ailleurs La France est un pays un petit peu particulier puisque vous savez que beaucoup de générations qui ont connu le Service national ont connu l’incitation de l’Etat à fumer puisque les gens étaient rémunérés avec les fameuses cigarettes Troupe. Quand on interroge des gens entre 60 et 80 ans qui viennent en consultation avec cette maladie, eh bien 8 fois sur 10 ils déclarent avoir commencé à fumer à l’occasion du Service national ! C’est un point qui est un peu paradoxal. Les médecins et la santé publique considèrent qu’on devrait normalement interdire le tabac, d’abord parce que c’est une drogue dure dont la dépendance est équivalente à celle qu’on peut avoir avec des drogues comme l’héroïne ou la cocaïne.
« On devrait interdire la vente du tabac »
Et surtout il y a un impact sur les pathologies, sur plusieurs types de cancers. Il n’y a pas que le cancer du poumon, mais le cancer de la gorge, de l’oesophage, y compris le cancer du sein qui est favorisé par le tabac. On peut en faire une liste quasiment infinie. Mais aussi toutes les pathologies respiratoires, cardiovasculaires, qui vont vraiment impacter la vie des gens et leur qualité de vie. Donc normalement c’est un produit qu’on devrait interdire à la consommation et interdire à la vente. On n’en est pas là pour des tas de raisons qu’il serait difficile de développer. Ce qui est certain, c’est qu’il y a un lien mathématique entre la consommation de tabac et la survenue de cancers. Mais ce n’est pas la seule cause.
Tabagisme passif : très dangereux
Effectivement, de façon un petit peu marginale, ça représente 15 à 20% des cancers des cancers du poumon, on constate de plus en plus des cancers qui surviennent chez des non-fumeurs actifs. On met en cause un certain nombre de facteurs environnementaux. Il est très classique maintenant et de plus en plus évident que la pollution atmosphérique joue un rôle important. Il ne faut pas oublier que dans la pollution atmosphérique, il y a d’abord le tabagisme passif. Beaucoup des gens qui nous écoutent se souviendront de leurs parents fumeurs qui fumaient dans leur voiture, vitres fermées, avec les enfants à l’arrière. Ce sont des chambres d’inhalation. On sait que ce tabagisme passif, c’est une augmentation de 30% du risque de développer un cancer par rapport à quelqu’un qui n’est pas fumeur.
La pollution de l’air dans la région marseillaise
C’est-à-dire qu’aujourd’hui vous avez des patients qui viennent vous voir et qui n’ont jamais fumé mais qui sont victimes de tabagisme passif ?
Des patients chez qui on retrouve très fréquemment un tabagisme passif, chez les parents d’ailleurs. dans un milieu familial avec le conjoint, les parents, et dans un milieu professionnel avant les lois de l’interdiction du tabac au travail. Il faut se rappeler qu’il y a 20 ans ou fumait dans les hôpitaux, ce qui est quand même un énorme paradoxe ! A côté de ça, il y a aussi des facteurs environnementaux. Certains, comme par exemple l’exposition à l’amiante dans un cadre professionnel, tout le monde connaît ça, surtout dans la région avec les chantiers navals. Il y a aussi des hydrocarbures. Le centre-ville par exemple de Marseille est régulièrement pollué par les bateaux du port, ça donne lieu à des polémiques tout à fait justifiées d’ailleurs de la part des habitants. Il y a la région de l’étang de Berre aussi dans laquelle il y a eu pendant longtemps des raffineries. On est quand même une région pour laquelle les facteurs environnementaux sont évidents.
Des traitements ciblés contre les anomalies génétiques des tumeurs
Puis à côté de ça, il y a une multitude aussi de causes possibles. Dans les régions granitiques par exemple il y a souvent des émissions de radon qui est un gaz radioactif, qui est aussi un facteur de risque. Et puis on voit de plus en plus des gens qui n’ont vraiment aucun facteur de risque particulier et qui font quand même des cancers du poumon. Ce sont en général des gens non fumeurs, des femmes. Lorsqu’on va analyser leur tumeur, on va trouver une anomalie génétique qui est dans la tumeur. Ce n’est pas une anomalie génétique du patient qu’il pourrait transmettre à ses enfants. C’est vraiment une anomalie génétique dans la tumeur qui va expliquer le développement de cette maladie et c’est donc toute la perspective des traitements ciblés puisqu’on développe des molécules qui vont bloquer cette voie d’activation du cancer.
« Le fumeur mourra du tabac, c’est une question de temps »
Souvent ce sont des maladies qui ont quand même un meilleur pronostic. Même dans des stades plus avancés, ce sont des maladies qui ont un meilleur pronostic général du fait de cette voie un peu particulière de la cancérogenèse, mais aussi par le fait que les gens ont moins de comorbidités, c’est-à-dire de pathologies associées à leur cancer du poumon liées au tabac. Très souvent quand on un cancer du poumon, on a aussi une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) liée au tabac; on peut avoir des problèmes vasculaires liés au tabac et tout ça va peser sur les résultats du traitement. Aussi ça contribue d’ailleurs à la gravité de cette maladie. Il y a la gravité liée à la maladie elle-même mais aussi au fait qu’elle survient sur un terrain qui a été quand même beaucoup fatigué et usé par le tabac.
Revenons sur la pollution atmosphérique. On est ici dans une région et dans une grande ville où il y a beaucoup de pollution atmosphérique manifestement. Est-ce qu’on peut s’attendre à une recrudescence de cancers du poumon liée à cette pollution atmosphérique en particulier ?
Je l’ignore pour le moment. Ce qu’il faut quand même garder en tête, c’est que le poids principal est supporté par le tabac, ça reste le tabagisme à 80%. C’est un facteur qui écrase un peu tous les autres. On arrive à identifier la responsabilité d’autres facteurs en particulier chez les gens qui n’ont pas fumé. Chez les gens qui fument et qui sont exposés à d’autres facteurs, ces autres facteurs ont un rôle vraiment très secondaire puisque le tabac écrase tout.
Les images que j’emploie auprès des étudiants en médecine, c’est qu’un fumeur mourra du tabagisme s’il continue de fumer. C’est une question de temps. Ce sera soit un cancer lié au tabac, soit une affection cardiaque respiratoire liée au tabac. C’est un tel poison, c’est une telle saloperie, qu’on ne réchappe pas aux pathologies liées au tabac. Alors on va toujours citer l’histoire du grand-père qui est mort à cent ans avec la cigarette au bec. Mais c’est assez peu fréquent. Les cimetières sont remplis de gens beaucoup plus jeunes et qui sont morts de leur tabagisme.
Arrêter de fumer à 50 ou 60 ans réduit le risque de décès
Et ça vaut le coup d’arrêter de fumer même tardivement ?
Justement ! C’est l’illustration même de la gravité du tabagisme : quand on arrête de fumer, quel que soit l’âge, il y a un bénéfice. Ce qui montre à quel point c’est important puisque même en arrêtant à 50 ans, à 60 ans, à 70 ans, on va réduire son risque de décéder ou d’avoir une pathologie liée au tabac. C’est un message très fort qu’il faut faire passer et qui sous-tend toutes les campagnes bien sûr contre le tabac et favorisant le sevrage du tabac.
Le dépistage du cancer du poumon n’est pas systématisé aujourd’hui. Il n’est pas préconisé comme par exemple le dépistage du cancer colorectal ou du cancer du sein. De quoi s’agit-il quand on parle de « dépistage » du cancer du poumon ?
Le dépistage du cancer du poumon a fait l’objet d’un avis favorable il y a maintenant 2 ans de la HAS (Haute Autorité de Santé). Des programmes pilotes sont en train de se développer partout en France. Le dépistage du cancer du poumon devient une réalité. Il existait déjà auparavant puisqu’il y avait un peu un dépistage clandestin, sauvage, effectué par les médecins, puisqu’il y avait déjà des recommandations par les sociétés savantes concernant les sujets à risque, qui encourageaient les médecins généralistes à rechercher des cancers du poumon au moindre symptôme, à la moindre manifestation clinique chez les gens fumeurs. On ne part pas de rien. On part quand même avec une expérience collective et une organisation qui ne sont peut-être pas complètement abouties mais qui sont bien réelles.
La solution : le scanner
Concrètement, comment ça se passe ce dépistage ?
Concrètement, c’est un scanner du thorax. Un scanner un peu particulier parce qu’on n’a pas besoin de faire un scanner du corps. Il suffit de faire un scanner des poumons. On n’est pas obligé non plus d’injecter des produits de contraste. Il n’y a pas d’effets délétère sur la fonction rénale à répéter cet examen et c’est un scanner à faible dose d’irradiation. Ce qui permet quand même d’accepter des examens itératifs sans avoir un risque lié à l’examen. Le but de ce scanner est de dépister des nodules pulmonaires. Les nodules pulmonaires c’est relativement fréquents à partir d’un certain âge du fait de l’empoussièrement. Tous les nodules ne sont pas des cancers, loin de là d’ailleurs.
On peut guérir !
Mais on peut avoir la chance, par ce dépistage, d’identifier ce qui deviendra un jour un cancer du poumon agressif et qui ne se manifeste à ce moment-là que par un petit nodule pulmonaire dont on sait que si on l’enlève, on obtiendra une guérison de la personne. Ce qui est un petit peu paradoxal, c’est qu’on ne parle pas de malade à ce moment-là. Les gens ne sont pas malades, ce sont des sujets qui sont en pleine santé. Ils sont parfois sportifs et immortels puisqu’en général à 50 ans on arrive à l’apogée de sa carrière professionnelle, on est en pleine forme, on est immortel ! Eh bien on a le moyen de le rester au moins quelque temps si on participe à un programme de dépistage et qu’on puisse traiter un cancer du poumon avant même que ça soit réellement une maladie.
S’il était mis en place de façon un petit peu systématisée en France, ce dépistage s’adresserait à qui particulièrement ? Le cancer colorectal, c’est à partir de 50 ans, tous les 2 ans. Comment ça se passerait ?
C’est pareil, à partir de 50 ans, entre 50 et 75 ans pour être un petit peu schématique, et chez les gens qui ont fumé de façon significative.
Combien ?
Il n’y a pas de règles. Il y a des règles qui sont écrites et qui sont issues de la recherche clinique, qui correspondaient à des critères d’inclusion de ces essais cliniques. Je crois qu’il faut les prendre avec beaucoup de recul. D’abord parce que c’est déclaratif, et puis il y a un grand flou quand même pour calculer la consommation. On n’a d’ailleurs pas d’unité de mesure qui soit consensuelle. Il faut avoir fumé surtout longtemps.
C’est le nombre d’années qui compte, plus que le nombre de cigarettes
On s’est aperçu que la durée de l’exposition était probablement plus importante que la quantité elle-même. Pour être très schématique, quelqu’un qui aura fumé 5 ans de sa vie trois paquets par jour aura peut-être un risque moins important que quelqu’un qui aura fumé un demi-paquet de cigarettes par jour mais pendant 15 ans ou 20 ans.
C’est quelque chose qui est souvent mal conceptualisé dans la population. Les gens considèrent qu’ils ne fument pas beaucoup, ils fument 3 à 4 cigarettes un peu dans des circonstances festives, etcetera. Mais si, ça augmente considérablement le risque à partir du moment où la durée d’exposition est longue. Globalement, quelqu’un qui a fumé au moins pendant 15 ans a un risque significatif de faire un cancer du poumon, un risque suffisamment élevé pour justifier de participer à un programme de dépistage.
Le dépistage recommandé aux anciens fumeurs
Même s’il n’a fumé que quelques cigarettes par jour ?
Oui. En pratique il faut avoir fumé au moins, selon des études, 15 paquets-année, c’est-à-dire l’équivalent d’un paquet par jour pendant 15 ans. Tout ça est un peu déclaratif. Tous les fumeurs le savent et en particulier les médecins qui ont été pendant longtemps des fumeurs très actifs, c’est une profession qui a beaucoup fumé. On sait très bien que c’est difficile à quantifier parce qu’il y a des périodes ou on fumait plus qu’à d’autres.
C’est pour ça qu’il faut plutôt s’attacher à la durée. Cela concerne aussi tous les gens qui ont arrêté de fumer mais depuis moins de 15 ans en gros pour être concerné. C’est une deuxième notion qui est souvent mal saisie dans la population. On peut avoir arrêté de fumer depuis 10 ans ou 15 ans, bien sûr le risque diminue beaucoup, mais il n’est pas nul. Dans certains cas, c’est quand même très « rentable » en termes de santé publique de dépister y compris dans cette population là à partir de la cinquantaine.
Gagnant-gagnant pour le fumeur et le système de santé
Si tout le monde se fait dépister, aura-t-on assez de scannerq en France pour faire les examens ?
Oui, oui, ce n’est pas un problème. On est un pays qui a depuis tout le temps hyper développé sa prise en charge médicale. Il y a des équipements absolument partout dans le secteur public et le secteur privé. Contrairement à l’idée qui peut être véhiculée, avec les crises qu’on entend par ci par là, c’est difficile de parler de « désert médical » en France. On peut optimiser l’organisation mais ce n’est pas un désert médical. Il y a des infrastructures absolument partout, la santé est organisée, les équipements sont là donc tout est prêt pour le dépistage.
Il faut savoir que le dépistage, c’est extrêmement rentable pour la santé publique. Il vaut mieux traiter quelqu’un de façon ponctuelle plutôt que de prendre en charge des années et des années de médicaments. C’est une économie de très large envergure pour les systèmes de santé. C’est gagnant-gagnant le dépistage. C’est gagnant bien sûr pour la personne qui est concernée, chez qui on va pouvoir avoir la chance de pouvoir guérir avec un acte chirurgical. Mais c’est aussi gagnant pour la collectivité parce que les coûts de santé vont être diminués vis-à-vis du poids que représente le cancer du poumon dans la prise en charge globale.
Ce qui déclenche l’arrêt du tabac à 50 ans : la philosophie !
Les fumeurs savent généralement que fumer peut les tuer. C’est marqué partout. D’après votre expérience, qu’est ce qui les fait franchir le cap de l’arrêt du tabac ?
Je pense que c’est tout sauf le tabac ! Ce sont plutôt des réflexions philosophiques. On arrive à 50 ans, on est en général au faîte de sa vie professionnelle, familiale, on est encore dans un état physique où finalement on est encore jeune. Et on se pose des questions; et c’est là qu’on prépare sa vieillesse. En fait c’est l’occasion de réfléchir sur sa sédentarité, qui est une catastrophe absolument totale pour la santé. Donc on se remet à faire du sport, on s’interroge sur sa consommation de tabac, sur sa consommation d’alcool, sur sa consommation d’anxiolytiques pour certains. Cela procède d’une réflexion un peu générale sur la vie et sur son hygiène de vie pour la préparation de sa vieillesse. C’est autour de la cinquantaine qu’on décide finalement de quoi sera fait l’avenir.
La vaporette, c’est toujours mieux
La cigarette électronique est-elle une solution de remplacement que vous préconisez ?
Tout est mieux que le tabac classique, la fumée, la pipe, la cigarette… Tout ce qu’on peut imaginer. Il n’y a rien de pire que ça. C’est vrai que dans l’idéal si on peut éviter d’inhaler des gaz qui sont chauds – car l’effet thermique peut avoir des conséquences – ou des substances qui apportent une saveur particulière – peut-être qu’on découvrira un jour qu’elles ont un risque particulier. Mais enfin, actuellement, le risque lié au tabac lui-même est tel qu’il écrase tous les autres et qu’il vaut mieux arrêter de fumer avec une vaporette que continuer à fumer 1 ou 2 cigarettes par jour en croyant qu’on a arrêté de fumer.
1 cigarette par jour = risque de cancer
Très souvent les gens nous disent « Non, non, j’ai arrêté de fumer. » Quand on les interroge plus en détail, ils disent « Oui, bon, je garde une cigarette après le café de temps en temps. » Non, là on continue de fumer et on maintient le niveau de risque ! Ce qui est très important, c’est les substituts nicotiniques. Le tabagique est un drogué à la nicotine donc il faut faire comme pour tous les drogués, il faut délivrer la dose qui est nécessaire. Puis ensuite diminuer progressivement cette dose.
Donc il y a des patchs pour ça, il y a des chewing-gums à la nicotine, on peut mettre aussi de la nicotine dans les vaporettes et tout est fait pour obtenir une désaccoutumance progressive à la nicotine. C’est vraiment le principe de base qu’il faut respecter. Il n’y a aucun tabou ! Si par exemple certains se font piquer l’oreille et que ça marche, tant mieux ! Allez-y en complément. Mais ne jamais oublier que c’est la dépendance à la nicotine qu’il faut traiter en priorité et que c’est là-dessus que doivent porter les efforts.
Arrêter de fumer brutalement : à éviter…
Deuxième point, il n’y a aucune fierté ou courage à avoir en voulant arrêter brutalement et en refusant les substituts nicotiniques. Non, non, il faut l’accepter parce que c’est le meilleur moyen d’arrêter de fumer. Parce que c’est très facile d’arrêter de fumer et c’est très facile de reprendre aussi.
Pourquoi ça augmente chez les femmes
L’Institut national du cancer pointe, notamment en 2023 mais ce n’est pas nouveau, qu’il y a de plus en plus de femmes qui déclarent un cancer du poumon. Pourquoi ? Est-ce que ça va continuer longtemps ?
Il y a des facteurs que l’on connaît et que l’on maîtrise. C’est par exemple l’augmentation du tabagisme féminin qui a accompagné un certain nombre de mutations de la société à partir du début des années 60. Avec des femmes qui ont occupé des positions sociales et qui ont malheureusement, j’allais dire, adopté aussi les travers de consommation qui étaient jusque-là l’apanage quasiment exclusif des hommes, avec le tabac. C’est le facteur principal. Après, il y a des facteurs qui ne sont pas encore très connus.
Par exemple, en Asie, on pensait avoir démontré que le fait de faire la cuisine dans certains locaux avec des produits un peu particuliers, avec des graisses dans les fumées inhalées par les femmes, était un facteur de risque considérable pour ces femmes asiatiques de faire des cancers du poumon. C’était vrai mais partiellement, parce que les mêmes émigrées aux États-Unis, donc sans cuisine traditionnelle, ont quand même une incidence plus élevée de cancer du poumon. Donc il y a encore des facteurs génétiques qui nous échappent. Il y a des pistes aussi hormonales. Il y a authentiquement des cancers du poumon qui sont hormono-dépendants aussi. Mais, ce qu’on observe maintenant, c’est surtout la conséquence de l’augmentation du tabagisme chez la femme.
Venez rencontrer le Pr Pascal Thomas le 14 mai à Marseille
Le professeur Pascal Thomas participera à la conférence publique « Cancer du poumon : comment l’éviter, le repérer, le soigner » organisée par MProvence et avec le soutien exceptionnel du footballeur Dimitri Payet, mardi 14 mai à 18h à Marseille : amphi Gastaut, Aix-Marseille Université, Jardin du Pharo, 58 boulevard Charles Livon, 13007 Marseille. Entrée libre. Inscription recommandée en raison du nombre limité de places sur masanteprovence@gmail.com
Comment me faire dépister ? Pourquoi les femmes sont-elles autant impactées ? Comment arrêter de fumer sans douleur ? Quelle est l’influence de la pollution atmosphérique ? Quelles sont les innovations thérapeutiques pour soigner ce cancer ? Comment les associations de patients peuvent aider. Venez poser vos questions.
Avec la participation de : Pr Pascal Thomas, chirurgien thoracique à l’Hôpital Nord (APHM), Dr Ilies Bouabdallah, chef du service de chirurgie thoracique à l’Hôpital Saint-Joseph, Dr Anne Madroszyk, responsable oncologie thoracique à l’Institut Paoli-Calmettes, Dr Arnaud Boyer, pneumologue à l’Hôpital Saint-Joseph, Pr Laurent Greillier, chef du département de pneumologie, allergologie et cancérologie à l’Hôpital Nord (APHM), et l’association Le Souffle d’après pour accompagner les patients.
Avec le soutien d’Aix-Marseille Université, de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille, de l’Hôpital Saint-Joseph, de l’Institut Paoli-Calmettes, du Conseil de l’Ordre des Médecins des Bouches-du-Rhône, de la Ligue contre le cancer, de la Région Sud-PACA, de France Bleu Provence, du Crédit Agricole Alpes Provence
Inscription ici : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfmHG6ZyG4dDhVgZcmgsfuuRi6wQqMjGWOVLoYHDrVz5hmcrA/viewform
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