Chaque jour, les maladies cardiovasculaires tuent 200 femmes

Les maladies cardiovasculaires et du coeur sont sous-estimées chez les femmes. Or en France elles tuent 200 d'entre elles chaque jour, souvent après 50 ans. La professeure Gabrielle Sarlon, chef du service de médecine vasculaire au CHU Timone, et la Dr Juliette Lafuma, interne en médecine vasculaire, tirent la sonnette d'alarme et invitent les femmes à consulter pour détecter leurs risques. Le Bus du Coeur des Femmes sera à Marseille du 18 au 20 octobre pour dépister plus de 300 femmes.

Santé

Pour la 3e année, le Bus du Cœur des Femmes sera stationné sur l’esplanade du J4 à Marseille, au bout du Vieux-Port derrière le Mucem,  du 18 au 20 octobre. Vous y serez toutes les 2, Pr Gabrielle Sarlon et Dr Juliette Lafuma, pour faire du dépistage des maladies cardiovasculaires et des maladies du cœur. Quel est l’objectif précis de cette opération ?

Pr Gabrielle Sarlon : C’est bien sûr de sensibiliser le grand public aux maladies cardiovasculaires de la femme et plus spécifiquement d’aller dépister des femmes aux risques cardiovasculaires.

Quel est le public que vous rencontrez généralement sur ce type d’opération ?

Pr G. Sarlon : La première étape a été de former des médiateurs en santé de la mairie, qui sont ensuite allés rechercher des femmes qui sont plus à risque cardiovasculaire. Par exemple des femmes qui peuvent être hypertendues, diabétiques, et leur expliquer le but de l’action. Ensuite il a fallu les préinscrire sur une liste pour qu’elles viennent se faire dépister (NDLR : le Bus du Coeur des Femmes sera accessible gratuitement et librement du mercredi 18 au vendredi 20 octobre). Ce sont des femmes qui sont souvent dans des endroits éloignés du soin et donc des femmes qui parfois ne prennent pas trop le temps de s’occuper d’elles.

Il y a quand même aussi la possibilité pour des personnes qui passeraient devant le Bus, ou qui en auraient entendu parler, de se faire dépister également ?

Pr G. Sarlon : Tout à fait ! Il y a une préinscription de 240 femmes pour cette semaine mais bien sûr toute femme qui se présente pourra être dépistée.

Quel constat tirez-vous des échanges et consultations que vous avez déjà suivis ou étudiés ? Quels sont les principaux problèmes qui émergent ?

Dr Juliette Lafuma : En pratique, notamment en 2021, on a pu dépister de nombreuses hypertensions artérielles (HTA). On a également pu remettre dans un parcours de soins des femmes qui étaient suivies pour de l’hypertension mais de manière un peu erratique. On a également pu mettre en évidence des patientes qui avaient des palpitations, des symptômes cardiovasculaires à type de douleur thoracique qui nécessiteraient des investigations sur le plan cardiovasculaire. Ainsi on a pu les réorienter éventuellement vers des consultations à la fois auprès de médecins vasculaires à l’hôpital de la Timone ou à l’hôpital Nord et de cardiologues.

Justement, une prise en charge à plus long terme est-elle proposée aux personnes qui montent dans le bus et qui en ont besoin ? Si on dépiste quelque chose, on va plus loin ?

Dr J. Lafuma : Chez les femmes qui ont un suivi assez irrégulier, on leur propose ces consultations à l’issue du Bus. Ensuite elles peuvent continuer d’être suivies à la Timone ou à l’hôpital Nord. Pour les autres femmes qui se font dépister et qui présentent également d’autres symptômes, on leur conseille de retourner voir leur cardiologue traitant ou médecin vasculaire traitant de ville ou également leur médecin traitant.

Gabrielle Sarlon, c’est un Bus du Cœur des Femmes qui vous tient à cœur à vous particulièrement. Est-ce que l’état de santé cardiovasculaire des femmes en France est sous-estimé ?

Pr G. Sarlon : Oui malheureusement ! Cet état cardiovasculaire des femmes est sous-estimé puisque, quand on pose la question de savoir quelle est la première cause de mortalité chez une femme, très souvent la réponse c’est le cancer du sein. Alors que finalement la réalité c’est que 200 femmes meurent par jour en France de maladies cardiovasculaires contre 32 pour un cancer du sein. Le but n’est pas d’opposer ces maladies mais quand même de bien faire prendre conscience à la population que les femmes meurent de maladies cardiovasculaires en priorité.

C’est-à-dire qu’une femme qui a 50 ans, plus ou moins, et qui tout à coup se tient la poitrine, on ne va pas penser, comme c’est le cas pour un homme dans la même situation, qu’elle fait un infarctus ?

Pr G. Sarlon : Exactement ! On ne va pas se dire que la patiente, que cette personne peut avoir une maladie artérielle, mais on va plutôt essayer de rechercher une autre cause à ses douleurs thoraciques. Alors que, malheureusement, elle peut être aussi sujette à ce genre de pathologie.

Juliette Lafuma, vous avez réalisé une étude pointue justement sur ces femmes qui passent à bord de ce Bus du Coeur des Femmes. Estimez-vous que les femmes sont mal informées ou bien est-ce qu’elles négligent leur santé ?

Dr J. Lafuma : Je dirais qu’il y a un peu des 2 ! C’est vrai que les maladies cardiovasculaires ont toujours été considérées comme des maladies masculines jusqu’alors. Et donc ça s’est traduit par un manque de sensibilisation et de priorisation du risque de maladie cardiovasculaire chez les femmes. Mais avec l’ascension des facteurs de risque cardiovasculaires qui sont désormais semblables entre les hommes et les femmes, avec notamment l’ascension du tabac, du cholestérol, du diabète, on considère que les femmes sont tout autant à risque que les hommes. Et cela d’autant plus après la ménopause suite à des dérèglements hormonaux.

On peut également penser qu’elles pourraient éventuellement négliger leur santé par un manque de sensibilisation, mais également par un manque de temps. On est encore dans une société où les femmes accordent beaucoup d’importance à leur foyer, à leurs responsabilités familiales, et donc par contrainte de temps elles pourraient négliger leur santé et moins consulter.

Les pathologies des femmes sont-elles différentes de celles des hommes ? Ou est-ce que la symptomatologie est différente ?

Pr G. Sarlon : Concernant les pathologies, les femmes, malheureusement, ont obtenu l’égalité des hommes en termes de consommation de tabac, de sédentarité, d’obésité. Donc il y a une égalité en ce sens mais il y a une inégalité sur les phases hormonales que va rencontrer la femme, à la différence de l’homme. La première phase hormonale, c’est l’utilisation de contraceptions œstroprogestatives qui peut moduler le risque cardiovasculaire chez certaines femmes. Il y a aussi la grossesse qui, chez certaines femmes, va provoquer de l’hypertension artérielle ou du diabète. Ces complications de grossesse peuvent à terme favoriser des maladies cardiovasculaires. Comme Juliette en a parlé, il y a aussi la ménopause qui fait qu’à partir de 50 ans – l’âge de la ménopause – les œstrogènes naturels vont disparaître et le risque cardiovasculaire de la femme va devenir l’égal de l’homme. Donc oui, il y a des différences. Il y a aussi des différences en termes de symptômes.

Eh bien parlons de ces symptômes. Quels sont les signaux d’alarme qui doivent amener une femme à consulter ?

Dr J. Lafuma : En pratique, une fatigabilité à l’effort qui soit croissante ou nouvelle; des palpitations, la sensation que le cœur s’emballe, de fortes douleurs dans la poitrine qui pourraient irradier à la fois dans le bras ou l’épaule ou également dans la mâchoire. Ce qui serait un peu plus spécifique de la femme, tout en étant la spécifique des signes digestifs avec par exemple des difficultés à digérer, des brûlures à l’estomac, des nausées ou encore des vomissements. En ce qui concerne la maladie artéritique, des crampes dans les jambes, des douleurs à l’effort pourraient également survenir chez les femmes. Cette maladie serait parfois sous-diagnostiquée car on pourrait penser à des rhumatismes alors qu’en réalité ça serait une maladie cardiovasculaire.

Si après 50 ans une femme n’a pas de raison de s’inquiéter, qu’elle se trouve en bonne santé, doit-elle quand même faire contrôler son cœur ou sa tension ?

Dr J. Lafuma : Oui. On pense que c’est très important. L’hypertension reste un facteur de risque vasculaire majeur. On conseillerait donc une mesure tensionnelle chez les femmes à partir de 40 ans, associée à un bilan sanguin pour contrôler le taux de sucre et de cholestérol dans le sang à partir de 50 ans, et une mesure assez régulière, annuelle, de la tension.

Quels sont les 3 grands conseils que vous donnez aux femmes pour avoir un cœur et des artères en bonne santé ?

Pr G. Sarlon : Je conseille cela aux femmes mais aussi aux hommes ! Le premier grand message, c’est de manger sainement, c’est-à-dire de manger des produits frais, d’éviter les aliments industriels, de faire attention à sa nourriture. Le 2e grand conseil, c’est l’activité physique. Ce n’est pas forcément de faire une grande activité physique mais de marcher, d’essayer d’utiliser les escaliers plutôt que l’ascenseur, de marcher plutôt que de prendre la voiture, donc c’est d’avoir un nombre de pas quotidiens d’environ 5.000 par jour, à un bon rythme quand même et de façon consécutive, d’avoir une régularité dans l’activité physique. Le 3e grand conseil est d’essayer de gérer son stress, de limiter au maximum le surmenage et d’avoir un bon sommeil.

Si je suis une femme et que j’arrive au Bus du Coeur des Femmes, que va-t-il se passer ? On va me prendre la tension, m’ausculter ?

Dr J. Lafuma : On va vous questionner sur vos symptômes, vous prendre la tension, vous faire un test lipidique, contrôler votre taux de cholestérol et ensuite on fait une synthèse de toutes ces informations avant de vous réorienter éventuellement auprès d’un professionnel, soit à l’hôpital de la Timone ou à l’hôpital Nord, soit chez votre médecin traitant, votre cardiologue ou votre médecin vasculaire traitant.

Le Bus du Coeur des Femmes est en accès libre du 18 au 20 octobre (de 9h à 12h30 et de 13h30 à 17h30) sur l’esplanade du Mucem J4. Renseignements : 04 91 55 44 46

cet article vous a plu ?

Donnez nous votre avis

Average rating / 5. Vote count:

No votes so far! Be the first to rate this post.

Partagez vos commentaires.