Dominique Bluzet met en garde contre le fossé qui pénalise Aix et Marseille

Les Théâtres, ce sont quatre scènes majeures du territoire : les Bernardines, Le théâtre du Gymnase, le Jeu de Paume et le Grand Théâtre de Provence, regroupées en pôle de spectacle, un des plus importants de France. À l’origine de cette union, Dominique Bluzet, figure éminente de la culture en Provence, dont les projets ne cessent de fleurir. En 2022, l'homme de culture prend la présidence de One Provence, une agence de marketing territorial avec la volonté de renforcer le sentiment d'appartenance à un territoire commun.

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La culture au-delà des scènes

Partenaires culturels de la fondation l’Assami, Les Théâtres, c’est aussi deux rendez-vous incontournables : le Festival de Pâques, et de Nouveaux Horizons, qui accueillent à peu près 8 000 artistes chaque année. Depuis 2021, c’est également un projet, Aller Vers, mis sur pied avec l’aide du Conseil départemental, rassemblant près de 20 000 visiteurs à l’année.
Ces modules de spectacles vivants mis en place pour aller à la rencontre du public, ont notamment convié des artistes comme Nicole Ferroni ou encore Michel Boujenah. « En dehors des opéras, c’est aujourd’hui l’un des plus gros pôles de spectacle vivant en France implanté sur la métropole Aix-Marseille, assez unique puisqu’il mêle le public au privé », détaille Dominique Bluzet.

Marseille et Aix-en-Provence : une dichotomie qui dure

À travers ses nombreux engagements, le directeur des Théâtres soutient notamment le rapprochement des villes de Marseille et d’Aix-en-Provence. « Ce n’est pas un problème récent, affirme le directeur des Théâtres. La structuration de la métropole et même au-delà des départements remonte à plus de 2600 ans, au moment de la guerre des Gaules. Tout naît de l’absence de désir à regarder vers le même endroit : Marseille qui n’a pas le pouvoir regarde vers la mer et Aix qui a le pouvoir regarde vers la terre « , poursuit-il.

Tandis que sous la monarchie, Aix-en-Provence s’enrichit, à Marseille, la population se développe. Et ce, sans que les deux villes ne fassent route commune. « C’est comme cela jusqu’à la colonisation d’Algérie, et jusqu’à l’arrivée de Napoléon III. Pendant un siècle, la ville se déploie à la fois en matière de population mais aussi de richesse », explique Dominique Bluzet. Une période également marquée par la réurbanisation de la ville par Haussmann, et la naissance de ses emblèmes architecturaux historiques.

« Aujourd’hui, Aix lutte pour ne pas perdre son ADN et Marseille a du mal à assumer son statut de capitale régionale dynamique, car elle fait face à des problèmes incessants. On a un immobilisme politique à Marseille là où on a encore un certain dynamisme politique à Aix-en-Provence », constate Dominique Bluzet, qui s’interroge quant au manque d’action du côté politique : « Comment reconstruire avec un personnel politique qui n’a pas envie de remettre en question ses acquis plutôt que de se dire : « on peut grandir ensemble » ? ».

La culture, un vecteur de solutions ?

Selon lui, « elle l’a été au moment de la Capitale européenne de la culture. On a échoué à l’après-capitale de la culture. Là où Martine Aubry et Didier Fusillet ont continué à construire une aventure, Marseille a été incapable de le faire, car les politiques ne l’ont pas voulu. » Un rejet de la culture comme pouvant être un moyen de développement économique, que déplore Dominique Bluzet.

« Gaudin, c’est 25 ans sans projets, avec une gestion du quotidien pleine d’empathie. Mais ce qui était un laisser vivre est devenu un laisser-aller, qui a entraîné une paupérisation de la ville « , décrit-il, parallèlement à Aix, qui « depuis l’élection de Maryse Joissains, s’est énormément développée culturellement mais seule, avec un désir de faire mieux que Marseille ». »Et là où Marseille, selon lui, n’est pas propice à l’établissement d’un lien de proximité entre les élus et les résidents, « en matière de culture, il y a un vrai désir de réussite, et d’entreprendre », insiste Dominique Bluzet.

« un opéra de Marseille qui souffre énormément »

Si Marseille a vu naître trois des plus grands chorégraphes de l’Histoire, à savoir Marius Petipa, Maurice Béjart et Roland Petit, Aix-en-Provence a accueilli Angelin Preljocaj, un des plus grands chorégraphes français. Pourtant, aucune des deux villes ne possède une salle de danse adaptée aux représentations. Celles-ci nécessitent un plateau assez grand et souple pour que les chevilles des danseurs ne s’abîment pas. « On aurait pu imaginer qu’une ville ait un lieu de travail et l’autre, un lieu de représentation pour lier les ballets, avoir une structure plus performante et réaliser des économies d’échelle en matière de back office. « 

Entre les scènes musicales des deux villes, le fossé se creuse également. « On a un festival d’art lyrique qui est l’un des plus grands au monde à Aix-en-Provence, mais on a un opéra de Marseille qui souffre énormément », déclare Dominique Bluzet, avant d’ajouter : « Tant qu’on ne voudra pas organiser cette vision collective des villes, on n’y arrivera pas, car tout devient affrontement. »

One Provence, un outil de récit du territoire

En octobre 2022, la métropole Aix-Marseille Provence a dévoilé le lancement de son agence de marketing territorial baptisée One Provence. Dominique Bluzet, élu à l’unanimité par le conseil d’administration de la structure en devient le président. En prenant les rênes de One Provence, le directeur des Théâtres endosse une énième casquette.

« C’est un outil réclamé par le monde économique et validé par le monde politique », explique-t-il. Il s’agissait de construire un outil, qui soit à l’échelle de la métropole, et en capacité de fabriquer un récit. » Une démarche accentuée par la volonté de renforcer le sentiment d’appartenance à un périmètre commun. » Si vous voulez que demain les territoires élargissent leurs frontières administratives, il faut donner aux gens le sentiment d’appartenance à un territoire commun », détaille-t-il. Un objectif renforcé par la volonté de faire accepter « une vision où l’ensemble des leaders d’opinion et des politiques conçoivent leur zone de jeu à l’échelle de métropole, et non plus de la ville. »

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