20 ans après : une nouvelle exposition à Marseille
Plus de 160 œuvres originales sur papier de Dora Maar sont présentées à la galerie Alexis Pentcheff, à Marseille, dans le cadre de l’exposition « Seule au bord de la Terre ». Réalisées entre les années 1960 et la fin de sa vie, dans une période où, séparée de Picasso avec qui elle a vécu près de dix ans, elle se retire peu à peu du monde, pour peindre et prier. Depuis la fin des années 1950, elle n’expose plus en galerie, alors qu’elle continue à travailler, avec rigueur et acharnement.
Ainsi, très exactement vingt ans après sa dernière exposition à la Vieille-Charité à Marseille, le mystère Dora Maar subsiste. Si ses photographies sont bien connues désormais (1) , sa peinture l’est moins. Elle n’a laissé ni écrits, ni correspondances susceptibles d’éclairer l’évolution de ses recherches picturales.
« Je marche seule dans un vaste paysage. Il fait beau. Mais il n’y a pas de soleil. Il n’y a pas d’heure. Depuis longtemps plus un ami plus un passant. Je marche seule. Je parle seule.
Des amis véritables des passants secourables De la lumière de la chaleur du pain – Non. Oui, j’y crois, mon destin est magnifique quoi qu’il en semble.
Autrefois je disais, mon destin est très dur quoi qu’il en semble.”
L’ensemble des œuvres présentées dans cette exposition provient de la collection de Dominique de Roquemaurel-Galitzine, créatrice de bijoux et artiste, qui les a acquises lors des ventes de la succession Dora Maar. Trois cartons qu’elle a conservés intacts, en haut d’une armoire, pendant plus de vingt ans. Parvenus jusqu’à Alexis et Giulia Pentcheff, comme une sorte de capsule temporelle, cette collection unique permet de mieux connaitre les peintures de l’artiste et d’appréhender une recherche qu’elle n’a, en réalité, pas cesser de mener depuis ses travaux surréalistes des années 1930.
Une photographe proche des surréalistes et des mouvements d’avant-gardes artistiques
Dans les années 30, elle devient l’assistante de Man Ray et commence à fréquenter l’intelligentsia parisienne. Elle se lie d’amitié avec Henri Cartier-Bresson, entretient une relation amoureuse avec Georges Bataille et signe le manifeste de contre-attaque, avec André Breton et Georges Bataille. Elle fréquente également le groupe d’agitprop artistique Octobre. C’est à cette époque qu’elle devient l’amie intime de Jacqueline Lamba, future épouse d’André Breton, qui la fait entrer dans le cercle surréaliste. Portraitiste de ces artistes d’un nouveau genre, elle commence à varier sa pratique, développe son goût pour l’absurde et le morbide. Reconnue pour son travail, elle expose aux côtés de Max Ernst ou Jean Cocteau.
Elle aurait rencontré Picasso au café des Deux-Magots, à Saint-Germain-des-Près, en 1936. Une histoire d’amour nait, nourrie d’admiration réciproque. Lui multiplie les célèbres portraits en pleurs et les esquisses érotiques. Elle le photographie en pleine création de Guernica et s’essaye à la peinture cubiste. Une passion de huit années qui s’achève avec fracas. En 1943, Picasso rompt après avoir rencontré Françoise Gilot. Une décision qui plonge Dora Maar dans une profonde dépression, la menant tout droit à l’hôpital Sainte-Anne.
Le mystère Dora Maar
Deux femmes se révèlent tout au long de sa vie : l’une engagée, libre et libérée, reconnue pour son travail de photographe surréaliste. L’autre autre bigote, qui choisit la réclusion en coupant les ponts avec ses proches. Seul son ami James Lord a accès à l’atelier dans les années 1950, puis en 1969 et en 1980, mais aucun autre témoignage ne nous éclaire sur ce qu’a pu être la chronologie de sa production.
Au milieu de ce gué, il y a Picasso, le Minotaure, le fatal labyrinthe de la possession et sa bestialité destructrice. Et la femme qui pleure, ou plutôt les femmes qui pleurent, allégorie vivante de la souffrance. De multiples variations du visage de Dora Maar ravagé par la douleur. Pendant près de quarante ans, l’artiste a continué à peindre seule, ne montrant son travail à personne. Une communion avec la nature. Une abstraction à la fois méditative et intensément vécue.
Parfois certes, les hachures violentes au feutre ou les tourbillons infinis d’une fleur laissent deviner l’inquiétude, l’instabilité mal dissimulées de leur auteur, mais dans de nombreux autres travaux, une nouvelle voie se dessine, plus sereine, bien que passionnée.
La Maison Dora Maar et l’exil à Ménerbes
Épousant étroitement l’arête d’une colline du Luberon, Ménerbes fit forte impression sur Nostradamus, qui le comparait à un navire au milieu d’une mer de vignes. C’est ici, dans une maison qu’il lui avait achetée en 1944, que Dora Maar, soignée par Jacques Lacan, se retire après sa rupture avec Picasso. Cette « maison Dora Maar », un hôtel particulier du XVIIIe siècle, jadis propriété du général Baron Robert (1772-1831), qui s’illustra lors des campagnes napoléoniennes en Espagne, l’artiste y séjourna d’abord chaque été, avant de s’y installer pour y mener une existence solitaire et poursuivre une création nourrie d’un certain mysticisme. Elle s’y isole définitivement jusqu’à sa mort en 1997.
» Tous ces temps-ci j’avais de ma présence dans le monde la vision que voici …
Je suis seule au bord de la terre. «
A la suite de sa disparition, une mécène américaine, Nancy Brown Negley, achète et rénove la maison Dora Maar, qu’elle transforme en résidence pour écrivains, artistes et universitaires. Depuis 20007, elle a accueilli près de 300 résidents pour des périodes de 1 à 2 mois, chaque année de mars à novembre. Ils sont issus d’un large éventail des arts et des sciences humaines : plasticiens, écrivains, commissaires, danseurs, compositeurs, musiciens, acteurs, dramaturges… et même un parfumeur !
La Maison de Dora Maar se visite avec un guide, en réservant à l’avance.
Une nouvelle exposition, Vert Terrestre, présente les œuvres d’un ancien artiste en résidence, Piotr Klemensiewicz, du 14 avril au 30 mai à l’Hôtel de Tingry. Piotr Klemensiewicz, qui fut pensionnaire en 2008, présente une série d’œuvres récentes à dominante verte, autour de la perception du paysage et de la sensation de la nature. Piotr est notamment reconnu pour son
travail sur la couleur, qu’il considère comme « le principal vecteur du langage pictural. Selon lui, « les couleurs ont un langage visuel propre qui fait taire les mots. »
Vernissage le 16 Avril à 17h.
Ariane Gantou – de Maistre
- (1): Un ensemble constitué de 1900 de ses négatifs et 300 tirages a fait l’objet d’une acquisition en 2004 par l’Etat et est conservé au centre Pompidou.
Plus d’infos :
Galerie Alexis Pentcheff
https://www.galeriepentcheff.fr/
129-131 rue Paradis – 13006 Marseille
Du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h30
Maison Dora Maar
https://maisondoramaar.org/fr/maison-dora-maar/
04 90 72 54 70
58 rue du Portail Neuf, 84560 Ménerbes
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