Emploi dans l’agriculture : Incertitudes et manque de fiabilité perturbent la gestion des équipes

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Les arboriculteurs vivent des heures difficiles tout au long de l’année après la période épuisante du printemps avec les épisodes de gelée ils doivent ensuite composer avec les pro blèmes de main-d’œuvre qui se font de plus en plus prégnants chaque année.

« Depuis dix ans c’est de plus en plus difficile, confie Jérôme Samuel, arboriculteur à Trescleoux et coprésident du groupement des producteurs de fruits du bassin Nord-Sisteron. Auparavant nos équipes étaient déjà formées mais depuis quelques années on sait au dernier moment combien ils seront et c’est une angoisse qui s’ajoute à celle de la météo. »

Même son de cloche pour Laurent Gabet, arboriculteur à Ventavon et président de la coopérative Super’Alp. « Avant nous avions un noyau dur qui venait mais maintenant on ne sait jamais. Par exemple, cette année nous n’avons pas eu le nombre de personnes que l’on attendait on va être obligés de rallonger la durée de la récolte ou récupérer de cueilleurs chez nos collègues qui ont fini. Quand on récupère deux cueilleurs, deux partent, se désole-t-il. Je trouve qu’ils n’ont pas la même volonté que par le passé et je ne comprends pas pourquoi. Je me demande s’ils ne se sont pas tournés vers d’autres métiers parce qu’ils ont entendu qu’il n’y aurait pas beaucoup de pommes ? Mais l’an pro chain si on a une récolte normale comment va-t-on faire ? »

Un déficit d’informations

Les deux exploitants révèlent avoir renouveler une partie de leurs vergers avec des variétés qui s’éche lonnent et permettent de monter progressivement en puissance pour la cueillette.

« Avec ce système je me garantis du personnel pour le début de la saison et j’en ai aussi pour les golden. J’ai une base solide de 30-40 personnes sur les 60 nécessaires et après ça tourne. Le souci c’est que quand j’attends 20 cueilleurs il en arrive 10 et cinq restent…, raconte Jérôme Samuel. Nous sommes conscients que ce travail ne fait pas envie à tout le monde mais on essaye de leur expliquer que nous aussi on a beaucoup travaillé pour qu’ils puissent ramasser, qu’au printemps on n’a pas dormi pour leur assurer du travail. On ne peut pas mécaniser, on a besoin de mains. »

Les deux hommes ont un peu changé leur manière de procéder pour l’organisation de leurs équipes en multipliant le nombre de chefs d’équipe pour éviter les désillusions et se garantir un minimum de main-d’œuvre alors qu’auparavant un seul chef d’équipe garantissait un grand nombre de mains fiables.

« Dans l’arboriculture il faut donner envie aux gens de venir, il faut qu’ils sachent que le ramassage est beaucoup plus agréable, nous avons énormément travaillé sur les vergers ce qui permet d’avoir du matériel plus adapté. Nos engins sont confortables, il y a les sécateurs électriques et la rémunération est à la hauteur de la pénibilité. Les mauvaises choses sont trop souvent pointées du doigt alors que petit à petit les conditions de travail se sont améliorées, explique Jérôme Samuel. Il y a un déficit d’information sur nos pra tiques notamment dans les formations. Il faut redonner aux gens le goût de ces métiers. Nous pouvons les faire évoluer par nos façons de travailler mais on aura toujours besoin de bras. Et, nous avons du travail à donner toute l’année entre la taille, la mise en place des filets, le ramassage, le travail à la station, etc. »

Une main-d’œuvre indispensable

Les difficultés de recrutement sont également importantes dans les stations fruitières des deux exploitants. « Il y a un dédain de ce genre de travaux en France comme en Europe. Même à la station, où nous avons des employés en CDI et majoritairement des locaux, il y a eu des soucis cet été avec les congés pour les encadrants. Ce sont des métiers qui ne font plus rêver », dit Laurent Gabet, fataliste.

Les deux arboriculteurs rechignent à faire appel à la main-d’œuvre détachée étant donné qu’ils n’adhèrent pas aux méthodes des agences d’intérim qui les emploient. Jérôme Samuel les comparant même à de l’esclavage. Laurent Gabet se demande si l’accompagnement social mis en place notamment au moment du Covid n’aurait pas « cassé la machine ». Tous deux ne savent pas ce que leur réserve l’avenir et quelles solutions ils pourraient mettre en place pour pallier cette situation.

Aujourd’hui, sur 1 kg de pommes l’action humaine représente plus de 50 % du coût, une exception, puisque rares sont les secteurs qui ont une part de main-d’œuvre aussi élevée.

Alexandra Gelber pour L’Espace Alpin

L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin

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