Enquête Cosquer : Un espace muséographique de première importance est en train de naître (3/5)

Avec d'un côté le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) et, de l'autre, le musée Regards de Provence, c'est un nouvel ensemble à vocation culturelle sans équivalent qui est en train de sortir de terre sur l'esplanade du J4, à la sortie nord du Vieux-Port de Marseille. Si on y ajoute le Vieille-Charité, le musée d'Histoire de Marseille et le Fonds régional d'art contemporain (Frac), facilement accessibles depuis cette esplanade, la cité phocéenne disposera à partir du mois d'un juin d'un formidable outil pour séduire les touristes qui n'aiment pas bronzer idiot

Dossier Grotte Cosquer

Placé en évidence sur le quai du J4, Cosquer Méditerranée est à quelques encablures de deux autres symboles de la culture marseillaise. Avec le Mucem et le musée Regards de Provence, qui forment un duo de choix pour les touristes et les Provençaux en quête de connaissances nouvelles, le triptyque à venir n’en sera que plus incontournable.

Pour Jean-François Chougnet et Adeline Dumon, respectivement à la tête du Mucem et du musée Regards de Provence, l’ouverture de la réplique de la grotte Cosquer, en juin 2022, est forcément une bonne nouvelle. Un nouveau site culturel grand public signifie en effet de nouvelles opportunités de  collaborations et de synergies entre ces trois structures.

Plus loin, ces professionnels de la culture, mais aussi du tourisme, ne perdent pas pour autant leur vision business.  Ils posent dès à présent différentes questions, comme celle de rendre le grand môle de la Joliette plus facile d’accès aux visiteurs.

Vue MUCEM et Cosquer Méditerranée
Le Mucem à quelques encablures de Cosquer Méditerranée

Le tourisme culturel toujours fort

Malgré la fermeture obligatoire du 30 octobre 2020 au 19 mai 2021 pour cause de crise sanitaire, le Mucem a terminé l’année 2021 « à plus de 800 000 visiteurs », annonce son président, « sachant que nous étions sur une moyenne annuelle d’1,2 millions en 2017, 2018 et 2019. »

En regardant d’un peu plus près les données, il est intéressant de noter que la moitié des visiteurs est  originaire de la région. Un ancrage territorial manifeste, qui laisse présager de belles perspectives quand les flux touristiques seront à nouveau en croissance. Dans cette perspective, Cosquer Méditerranée est forcément un nouvel atout dans le jeu culturel de la cité phocéenne.

Réfléchir sur la question de l’usage de l’espace public

Jean-François Chougnet pose un regard attentif sur l’avancement de ce chantier, voisin du Mucem.  « Nous sommes contents que le bâtiment de la Villa Méditerranée trouve un usage pérenne, souligne-t-il. Cela était attendu par beaucoup de gens. Nous nous réjouissons que le public puisse bientôt découvrir cette fidèle restitution. »

Cette concentration d’établissements culturels n’est d’ailleurs pas un hasard pour lui. « Le J4, avait été pensé dès l’origine comme un centre culturel et il arrive aujourd’hui à maturité, estime-t-il. Cet espace de liberté est important, mais nous pouvons encore mieux nous en servir. En réalité, son aménagement n’a jamais été poussé jusqu’au bout. » Dans cette optique, l’arrivée du nouveau musée devrait, selon lui, inciter les élus « à réfléchir d’un peu plus près à la question de l’usage de l’espace public », expliquant que « la réplique de Cosquer doit nous pousser à une réelle collaboration pour retravailler les accès de l’esplanade. »

L’ouverture de cet établissement consacré à la plongée et à l’art pariétal doit également être un moteur dans des domaines stratégiques pour la ville comme la mobilité. Jean-François Chougnet regrette d’ailleurs qu’il n’y ait  « toujours pas eu d’action concrète au sujet de l’arrivée de navettes maritimes, par exemple. D’autres acteurs devraient arriver, comme le Grand port maritime de Marseille. Avec le nouveau musée, il y aura peut-être une accélération de la prise de conscience sur les atouts de cet espace magnifique. »

Vers une fédération d’entités culturelles distinctes et éloignées

Adeline Dumon, en charge du musée Regards de Provence, va dans le même sens. « L’attribution de la capitale culturelle à Marseille et son territoire, en 2013, avait insufflé un élan de rénovation à la ville, rappelle-t-elle. On pense notamment à la création de nouveaux bâtiments culturels, à la réhabilitation du notre musée… C’était pour Marseille l’occasion de se doter d’équipements importants. » Pour elle, l’arrivée de la réplique Cosquer devrait amener davantage de complémentarité avec les autres musées de la ville installés à proximité, comme la Vieille Charité, le musée d’Histoire ou le Fonds régional d’art contemporain (Frac). Là encore, la volonté de fédérer les entités culturelles du territoire est au cœur des préoccupations et pourrait apporter une valeur ajoutée en termes de programmation.

Musee regards de Provence
Le musée Regards de Provence à deux pas de Cosquer ©BA

Permettre aux touristes de rester plus longtemps à Marseille

Adeline Dumon mise ainsi sur les perspectives de collaboration pour créer des formules attractives de visite et pousser les touristes à rester plus longtemps sur Marseille, donc consommer. Dans le même ordre d’idée, elle estime qu’il faudrait aussi « permettre aux hôteliers et restaurateurs d’en profiter, pour qu’ils puissent capitaliser sur ces nouvelles infrastructures. On ne doit pas oublier le futur réaménagement du J1, avec les arrivées prévues de commerces, d’un hôtel, d’équipements sportifs… » Autant d’éléments qui, à ses yeux, doivent  « installer Marseille comme une vraie capitale culturelle et lui permettre d’attitrer plus de touristes et d’investisseurs. »

Un nouveau musée pour des retombées attendues

Richard Strambio, maire de Draguignan et conseiller régional délégué au patrimoine et à la mémoire, est en charge du dossier « Cosquer » à la Région. Il affiche pour l’heure un optimisme prudent quant au succès du futur espace muséal consacré à la grotte, à ses œuvres et à l’environnement autour du cap Morgiou et de l’actuelle rade de Marseille, à l’époque où les artistes des périodes gravettienne et solutréenne ont exécuté les peintures et les gravures découvertes par Henri Cosquer en 1991.

Première victoire : une fonction claire a enfin été trouvée à cette Villa Méditerranée. Une bonne chose selon Richard Strambio, car « on ne savait pas trop quoi en faire et cela représentait un coût important. Le fait de nous être entendus avec l’État et de déléguer à Kléber Rossillon, nous réjouit forcément. Il y a cette aventure extraordinaire de la grotte, certes un peu obscurcie au début par cette tragédie des trois plongeurs grenoblois, mais elle méritait un tel espace. »

Pour Renaud Muselier, président de la Région Sud, l’aspect financier n’est pas anodin. « Nous avions un bâtiment qui avait tout de même coûté 75 millions d’euros à la construction et qui continuait de coûter 4,5 millions par an », rappelle-t-il.

Il va donc falloir rentabiliser ce nouveau hub culturel, d’autant que l’investissement supplémentaire reste conséquent. Selon Richard Strambio, « Nous avons investi environ 13 millions d’euros dans la réplique des œuvres, mais aussi dans la restitution de la faune et de la flore qui existait à l’époque, afin de créer un équipement d’un grand intérêt pédagogique pour les enfants scolarisés de la région et le public, qui pourront s’immerger dans la préhistoire et vivre une expérience unique. La question du changement climatique, de la remontée de l’eau et de la disparition des espèces sera aussi traitée et permettra de sensibiliser un peu plus à ces questions. »

Pour s’y retrouver, pas de secret, la Région Sud compte sur l’exploitation du lieu par la société Kléber Rossillon. « Cela nous permettra d’alléger la note du fonctionnement de la Villa Méditerranée, insiste Renaud Muselier. Mais il faut aussi souligner les retombées que cet apport de visiteurs supplémentaires sur l’esplanade du Mucem va générer pour le tissu économique local, avec aussi le musée Regards de Provence à proximité et le musée d’Histoire de Marseille, à quelques centaines de mètres. L’intérêt que présente cet ensemble pour les visiteurs est indéniable. C’est un atout de plus pour le tourisme et la culture sur notre territoire. »

La grotte Chauvet : un atout économique pour l’Ardèche

Pour évaluer de façon un peu plus concrète les potentielles retombées économiques d’un projet comme Cosquer Méditerranée, il est intéressant de regarder les chiffres d’un établissement de même nature, comme la réplique de la grotte Chauvet, à Vallon-Pont d’Arc. Inaugurée en avril 20215, elle attire en moyenne 350 000 visiteurs chaque année, ce qui en fait le premier site touristique ardéchois.

Selon Valérie Molès, sa responsable de la médiation culturelle, pédagogique et scientifique, les dirigeants de Cosquer doivent s’inspirer de l’expérience de leurs prédécesseurs et calibrer dès maintenant une stratégie en phase avec la réalité. Pour Chauvet, « on savait d’abord qu’il y avait une grande attente dès le départ, notamment des publics locaux, qui étaient impatients de connaître la grotte dont ils entendaient parler depuis 20 ans », explique-t-elle. Résultat: 600 000 visiteurs la première année, « alors que toutes les études montraient que 400 000 visiteurs, cela aurait été déjà très honorable, rappelle la jeune femme. Depuis, « nous avons décidé par la suite de stabiliser les entrées à 350 000 visiteurs en moyenne chaque année », précise-t-elle.

Visite grotte Chauvet
Visite de la grotte Chauvet ©FranckCharton

Cosquer : un musée au cœur des flux touristiques internationaux

A la différence de la réplique Cosquer, Chauvet n’est pas en plein cœur de ville, mais en zone rurale. Une donnée qui pourrait faire… toute la différence ! Notamment au niveau des flux des touristes étrangers qui viennent découvrir Marseille et qui auront désormais l’opportunité de plonger au cœur de la préhistoire. « Nous accueillons en moyenne 12 % de public étranger sur les dernières années. Ce n’est pas énorme, mais nous faisons exactement les mêmes chiffres chaque été depuis 3 ans, malgré la pandémie. Nous sommes ainsi moins impactés l’été par la baisse de fréquentation et on gagne en même temps des visiteurs locaux », détaille Valérie Molès.

Vue de la grotte Chauvet
La Grotte Chauvet vue du ciel, loin de la ville ©NEOSFilms

L’importance du tissu local et des groupes scolaires

Outre les touristes, Cosquer Méditerranée sera également un formidable spectacle pour les minots, en totale immersion dans les méandres de la préhistoire. « Nous recevons de plus en plus de groupes scolaires. Nous avons décidé de leur proposer de nombreuses activités pédagogiques pour les attirer, ce qui n’était pas fait les premières années », souligne la responsable de Chauvet. Au delà des projets scolaires, c’est une véritable politique en direction des enfants et des familles qui a été pensée, avec de nombreuses animations chaque week-end et durant les vacances scolaires.

Grâce à cela, « nous avons développé un véritable service éducatif, se félicite Valérie Molès, d’autant plus que la préhistoire est revenue dans tous les manuels scolaires, notamment avec la découverte de la grotte Chauvet. Nous accueillons beaucoup d’élèves de classes de 6ème, y compris des autres départements. Nous proposons des séjours éducatifs à la semaine en travaillant avec d’autres structures culturelles, comme la réserve naturelle des gorges de l’Ardèche. Nous avons une mission de diffusion de la culture scientifique pour tous, surtout pour le jeune public. On parle de sujets qui posent les questions essentielles : d’où l’on vient, d’où viennent les origines de l’art ? Avec les problématiques de l’environnement pour toucher tous les publics ».

Galerie Aurignacien Chauvet
La réplique de Chauvet est résolument tournée vers les plus jeunes @FranckCharton

Chauvet : près de 2 millions de nuitées sur cinq ans et 114 millions d’euros de retombées

Côté partenariats, Chauvet joue aussi la complémentarité avec la Cité de la préhistoire, à 30 km de Vallon-Pont d’Arc. « Nous avons pensé dès le départ faire un pass commun pour pouvoir proposer des tarifs dégressifs au public», explique encore Valérie Molès, qui a également noué des liens avec le Pont-du-Gard et intégré le réseau « Ardèche loisirs et patrimoine », qui regroupe 30 sites. « Nous avons redonné de l’attrait à notre région et de nouvelles clientèles arrivent », se réjouit-elle.

Selon une étude communiquée fin 2019 par l’agence de développement touristique ardéchoise, la grotte Chauvet 2 a été le déclencheur d’un séjour en Ardèche pour près de 400 000 touristes depuis son ouverture en avril 2015. Et la découverte du site historique a été le déclencheur d’un séjour pour 18 % des visiteurs. En tout, ce public a généré 1,7 million de nuitées sur cinq ans, soit 114 millions d’euros de retombées.

Une grande attente autour de Cosquer

A Marseille, comme au niveau régional, on n’en attend pas moins de Cosquer Méditerranée. Renaud Muselier en est d’ailleurs convaincu. Selon lui, il s’agit «  d’une réalisation culturelle extraordinaire qui contribuera à l’attractivité nationale et internationale de notre région. »

Aux yeux de Jean-Luc Chauvin, président de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence, il sera essentiel de « travailler tous ensemble, que ce soit la Région, porteuse du dossier, la Métropole ou encore la ville. L’attractivité de Marseille va être augmentée et va certainement apporter au tissu économique de nouveaux débouchés. Ce joyau va compléter une offre culturelle qui va engendrer de nouvelles raisons de venir. »

Rendez-vous pour l’inauguration, dans moins de six mois.

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