Le gouvernement va lancer cet automne une campagne de vaccination (non obligatoire) contre le papillomavirus auprès des élèves de 5e. Mais qu’est-ce que c’est que ce virus ?
Le papillomavirus est un virus extrêmement fréquent, qui est un virus sexuellement transmissible. Et qui donc peut avoir des répercussions chez les femmes, mais chez les hommes aussi, et donner un certain nombre de lésions précancéreuses ou des cancers.
Pourquoi décide t-on en 2023 de vacciner les jeunes adolescents? Nos enfants sont-ils à ce point en danger ?
Le papillomavirus est vraiment extrêmement fréquent, c’est-à-dire qu’au cours de la vie, 80 à 90% des gens vont être en contact avec le papillomavirus au moins une fois. Donc c’est quasiment systématique. On sait que la vaccination est très efficace pour la prévention, que ce soit des lésions dysplasiques mais surtout des cancers liés au papillomavirus. On ne peut pas dire que les enfants sont en danger à l’âge où ils sont vaccinés, mais c’est un danger pour plus tard. L’intérêt de les vacciner à cet âge là, entre 11 et 14 ans, c’est que l’immunité est meilleure. Et cela permet d’avoir une meilleure couverture et protection contre ce virus.
Vaccination de « rattrapage » possible jusqu’à 19 ans
Ce vaccin est-il remboursé par la sécurité sociale et puis, surtout, comment ça marche ? Faut-il plusieurs injections ? Et évidemment on redoute les effets secondaires…
Le vaccin est remboursé actuellement par la sécurité sociale à 65%. Le complément est fait par les mutuelles, sauf chez les gens qui ont une prise en charge à 100%. Dans ce cas-là, il est remboursé intégralement. Le vaccin actuellement commercialisé nécessite pour les enfants de 11 à 14 ans deux doses : la première dose, puis la 2e espacée de 6 à 12 mois. On peut faire ce qu’on appelle une vaccination de « rattrapage » chez l’enfant âgé de 15 à 19 ans. Dans ce cas-là, il y a 3 doses. La 2e étape se fait à 2 mois de la première et puis la 3e est réalisée 6 à 12 mois après la 2e injection. Ça permet une bonne couverture chez les enfants. On peut toujours discuter d’une dernière vaccination de rattrapage dans l’année qui suit les premiers rapports sexuels. L’idée c’est de vacciner avant toute activité sexuelle de manière à ce que les enfants n’aient jamais été en contact avec le papillomavirus, et donc puissent développer une immunité pour le combattre.
Col de l’utérus, vagin, anus, bouche, pénis : ce cancer frappe largement
On n’a pas parlé non plus des chiffres de cancers. Le papillomavirus est responsable d’un peu plus de 6.000 cas de cancers par an en France, 2/3 chez les femmes, 1/3 chez les hommes. Chez les femmes, ce sont essentiellement des cancers du col de l’utérus – dont 3.000 nouveaux cas par an -, mais aussi des cancers des voies ORL, des cancers de l’anus et des cancers du vagin et de la vulve. Chez les hommes il peut aussi y avoir des cancers. Ça peut être des cancers de la bouche, de la gorge, du pénis ou de l’anus.
On n’a pas évoqué les effets secondaires. Je me permets d’y revenir parce que c’est un grand débat depuis ces dernières années. Est-ce qu’il peut y en avoir ? Et puis où est-ce qu’on se fait vacciner ? Chez son médecin, à la pharmacie ?
Ce sera bientôt possible à l’école ! (NDLR : pour les élèves de 5e donc). Ensuite chez son médecin, chez son gynécologue ou à la pharmacie. Effectivement, le vaccin est un vaccin qui est quand même très bien connu, avec beaucoup de recul. Il y a actuellement plus de 100 millions d’enfants et d’adolescents qui ont été vaccinés dans le monde dans 80 pays pour le papillomavirus. Donc on a un très bon recul avec des effets secondaires qui sont des effets secondaires classiques des vaccins, parfois un peu de douleur au point d’injection, de fièvre. Il a maintenant été montré qu’il n’y avait pas de risque de maladie auto-immune comme la sclérose en plaques ou le syndrome de Guillain-Barré. On n’a rien retrouvé sur l’étude de suivi fait sur plusieurs millions d’enfants.
Contamination par pénétration et par voie cutanée…
Donc c’est un virus qui est très actif, on dit que même le préservatif ne protégerait pas totalement de ce virus !
C’est un virus qui est particulièrement transmissible mais pas que par des rapports je dirais « pénétrants », mais aussi par les voies cutanées. Donc le préservatif protège en cas de rapports sexuels bien sûr, mais ne protège pas pour le reste! Il est nécessaire bien évidemment, mais pas suffisant. Nécessaire parce qu’il protège du papillomavirus, mais aussi des autres infections sexuellement transmissibles. Je me permets de rappeler qu’il y a actuellement une recrudescence importante des autres maladies sexuellement transmissibles qu’on voit beaucoup chez les jeunes, parce qu’il y a un relâchement certain sur la protection.
Dans 90% des cas, on guérit spontanément
Quelles sont ces maladies ?
Le gonocoque et le chlamydia notamment. Et s’ils sont encore une fois quasiment asymptomatiques chez les hommes, chez les femmes ça va avoir des répercussions très importantes sur la fertilité. Parce que ça abîme beaucoup les trompes. Donc il faut vraiment faire un effort sur l’information sur la protection, pour le papillomavirus et pour le reste. Ensuite, ce virus est vraiment très fréquent. Il faut comprendre que dans 90% des cas, les gens guérissent spontanément. Ce n’est pas parce qu’on est porteur du papillomavirus qu’on va faire une maladie du papillomavirus. Dans 90%, ça guérit spontanément.
Clope + papillomavirus : méfiance…
Il y a 10% des gens qui ne guérissent pas. On ne s’explique pas toujours très bien pourquoi. On sait que le tabac est un gros facteur de risque, c’est une information importante à donner, notamment aux jeunes que le tabac + le papillomavirus, ça ne fait pas bon ménage. Certaines situations d’immunodépression favorisent aussi la persistance du papillomavirus.
Ce sont des maladies ou des cancers que l’on développe vers quel âge ?
Il faut à peu près entre 10 et 30 ans pour faire un cancer lié au papillomavirus. On va d’abord faire ce qu’on appelle des lésions dysplasiques, donc des anomalies au niveau des cellules qui sont des lésions précancéreuses, mais pas encore des cancers. D’où l’importance du dépistage. Ce n’est pas parce qu’on est vacciné qu’on ne fait pas de dépistage. Le dépistage permet de traiter les lésions quand elles sont pré-cancéreuses, avant qu’il y ait du cancer. Donc en 10 à 30 ans, on peut faire un cancer; ça laisse largement le temps du dépistage et du traitement des lésions précancéreuses.
Des verrues sur la verge ou dans la gorge
Comment est-ce qu’on détecte sa présence ? Est-ce qu’il y a des examens particuliers chez la femme et chez l’homme ? Existe-t-il des signes ?
Il y a 2 types de papillomavirus différents : les papillomavirus, qu’on appelle oncogènes, ce sont ceux qui vont donner les cancers, notamment les cancers du col de l’utérus; et puis les papillomavirus qui sont non oncogènes qui, eux, vont donner les lésions qui seront ce qu’on appelle des condylomes, donc comme des verrues sur les organes génitaux externes ou parfois dans la gorge. Ce ne sont pas les mêmes papillomavirus. Mais quand on est contaminé à l’un, on peut être aussi contaminé à l’autre. Donc si on a des verrues génitales ou des verrues dans la gorge, il faut consulter pour les traiter. Ce sont souvent des traitements longs mais ça disparaît bien avec les traitements – via des crèmes ou on les brûle.
Pour le dépistage des lésions précancéreuses et des lésions cancéreuses, ça se fait maintenant par le test HPV. A partir de l’âge de 25 ans chez les jeunes filles, il faut un suivi régulier. Après 2 frottis normaux chez la fille de 25 ans, c’est une fois tous les 5 ans.
On parle de « porteurs sains » du virus. Qu’est ce que cela signifie ?
J’ai dit que 90% des gens étaient porteurs. Finalement, heureusement, le plus souvent ce sont des porteurs sains. C’est-à-dire qu’on dépiste le papillomavirus sur des examens de dépistage systématique. quand on va chez le gynécologue, mais il y a pas de lésion associée. Les patientes doivent bien comprendre que, quand on a un papillomavirus, ça ne veut pas dire qu’on a une lésion précancéreuse, ni qu’on a un cancer ! C’est juste qu’on est porteur du virus et que, dans 90% des cas, il va guérir tout seul. S’il n’ y a pas d’anomalie sur les cellules liées au papillomavirus, il n’y a pas de traitement particulier à faire, à part éventuellement arrêter le tabac.
Prenons l’exemple d’un couple où la femme se découvre touchée par ce virus. Que doit faire ce couple ?
C’est tellement fréquent que probablement le Monsieur est aussi porteur. Certains disent que quand la charge virale du papillomavirus est importante, avoir des rapports protégés peut éviter une réinfestation régulière. Mais, finalement, il n’y a pas tellement de mécanismes de protection, d’autant plus que le préservatif n’est pas efficace à 100% pour la protection du papillomavirus.
Gynécologue, urologue et maintenant le proctologue !
On a parlé de prévention. Vous avez dit qu’il y avait un test pour les femmes, mais qu’en est-il pour les hommes ?
Il n’y a pas de dépistage systématique organisé pour les hommes. D’abord parce que les organes génitaux sont externes et visibles et pas internes comme la femme. Le suivi du col ne peut se faire que par un gynécologue, mais il faut encourager les gens, s’ils voient des verrues génitales, à consulter éventuellement, c’est l’urologue plutôt dans ce cas-là. Si ce sont des verrues autour de l’anus, c’est un proctologue (NDLR : gastro-entérologue ou chirurgien digestif spécialiste des pathologies de l’anus et du rectum) qu’il faut voir. Et si par exemple on sent dans la bouche des verrues, des choses comme ça, des petites excroissances, allez voir un ORL. Je précise juste aussi qu’il est de plus en plus recommandé chez les gens qui sont porteurs de HPV de consulter un proctologue pour voir s’il n’y a pas des lésions aussi au niveau anal.
Est-ce que les médecins généralistes sont informés de toutes ces maladies, de ces problèmes, et savent les repérer également avant d’adresser à un spécialiste ? Parce qu’on va plutôt voir son médecin généraliste en première intention…
Oui, les médecins généralistes sont bien formés. De plus en plus de médecins généralistes font aussi de la gynécologie, du dépistage, du frottis et ils ont bien l’habitude. On peut tout à fait commencer par voir son médecin généraliste. Il saura de toute façon à qui référer s’il y a besoin d’avoir plus d’informations.
Vaccin possible jusqu’à un an après les 1ers rapports sexuels
En résumé, comment agir si je suis parent d’adolescents et surtout s’ils ne sont pas en classe de 5e ? Parce qu’on va leur proposer la vaccination en classe de 5e, mais les autres ?
Entre 11 et 14 ans, c’est la cible vaccinale. Je répète que la vaccination concerne les jeunes filles, mais aussi les jeunes garçons. Donc vous pouvez très bien aller voir votre médecin traitant pour qu’il vous fasse une prescription pour faire le vaccin pour vos enfants, et je vous encourage vivement à le faire !
Et si l’adolescent a déjà une vie sexuelle plus ou moins active depuis un an, 2 ans, 3 ans, comment agit-on dans ce cas-là ? Est-ce qu’il y a quelque chose à faire ou bien on croise les doigts ?
Il n’y a pas vraiment de consensus là-dessus. Je dirais que l’avantage de la cible entre 11 et 14 ans, c’est que l’activité sexuelle des adolescents à cet âge est quasi existante. C’est pour ça qu’on cible cette tranche d’âge. On peut faire une vaccination de rattrapage dans l’année qui suit les premiers rapports sexuels. Actuellement, on n’a pas assez d’arguments pour dire que, au-delà, il y a un vrai bénéfice. Mais c’est possible qu’il y ait quand même un bénéfice. Ça, c’est à voir au cas par cas avec le gynécologue ou le médecin traitant.
« Parents, refaites de l’éducation sexuelle ! »
Et on le redit, on se protège de toute façon parce qu’il y a d’autres maladies, d’autres MST qui sont en train de flamber…
Tout à fait, ça c’est vraiment capital : refaire l’éducation sexuelle. On a eu beaucoup, dans la génération sida, l’éducation sur la protection pour les rapports sexuels. Je pense qu’il y a un petit relâchement au niveau des jeunes aujourd’hui, donc il ne faut pas hésiter à refaire l’éducation sexuelle. Le préservatif est vraiment indispensable.
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