Hypertension artérielle : difficile d’y échapper mais facile à traiter

15 millions de Français auraient une hypertension artérielle. Beaucoup l'ignorent et risquent l'infarctus ou l'AVC. Or cette maladie qui s'accentue avec l'âge (70% de la population touchés après 65 ans !) se contrôle très bien grâce aux médicaments. Le Pr Gabrielle Sarlon, chef du service de médecine vasculaire et hypertension artérielle au CHU Timone (APHM), explique comment la repérer, la traiter et vivre avec (+ de sport, - de charcuterie, de fromage et de sel, maigrir).

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15 millions de Français souffriraient d’hypertension artérielle. Pourquoi une telle « épidémie » ?

Professeur Gabrielle Sarlon : L’hypertension artérielle est une mesure pratiquée en consultation avec un appareil automatique qui va mesurer la pression artérielle systolique, lorsque le coeur se contracte, et la pression artérielle diastolique, quand le coeur se relâche. C’est donc une mesure de pression dans les artères. Quand les valeurs sont supérieures à 140 millimètres de mercure en systolique et/ou supérieures à 90 millimètres de mercure en diastolique, on retient le diagnostic d’hypertension artérielle (HTA). On peut parler d' »épidémie », car en effet l’HTA est presque une maladie physiologique : avec l’âge, certains patients vont vieillir en faisant de l’hypertension artérielle, mais pas d’autres personnes. Mais c’est fréquent avec l’âge.

Est-ce quasi inéluctable ? A partir de quel âge doit-on redouter de faire de l’hypertension ?

30% de la population française est hypertendu, quel que soit son âge. Avec l’âge le risque devient plus important. Passé 65 ans, 70% des gens ont de l’hypertension artérielle. Plus on vieillit, plus on va développer de l’HTA. Ce n’est pas grave. La seule chose qui compte est de bien la prendre en charge pour éviter les complications.

L’artère finit par éclater à cause de la pression

Quels sont les signes devant faire penser à cette maladie ?

La plupart du temps on n’a pas de signes. D’où l’importance du dépistage en mesure de consultation. On peut avoir des petits signes cardio-respiratoires, c’est-à-dire un petit essoufflement à l’effort, une fatigue, des palpitations qui amèneront à une consultation cardiologique et à une mesure de tension. Des signes montrent la gravité des niveaux de pression artérielle, par exemple des maux de tête, des céphalées « en casque » ou des saignements de nez peuvent alerter. C’est souvent le signe d’hypertension grave. Après, malheureusement, il peut y avoir des complications. On découvre l’hypertension quand quelqu’un fait un AVC, une dissection aortique, un infarctus du myocarde. C’est un peu trop tard…

Quelles sont les conséquences sur l’organisme de l’hypertension?

L’hypertension, c’est des artères trop rigides. Au fur et à mesure, l’artère peut se rétrécir et parfois se boucher. Cela va créer un manque d’oxygène dans les organes. Cela peut être le cerveau, donc avec un accident vasculaire cérébral (AVC), un infarctus du myocarde au niveau cardiaque, une insuffisance rénale due à un rétrécissement de l’artère rénale, ou une artériopathie au niveau des jambes. Cela est en lien avec une hypertension un peu ancienne. De façon plus brutale, ce qui peut survenir c’est un AVC par saignement : l’artère, qui est un tuyau, va finir par éclater sur l’hyper-pression, et provoquer un saignement dans le cerveau.

Faire du sport et maigrir, c’est aussi efficace qu’un médicament

Doit-on absolument prendre un traitement si on a de la tension, et est-ce un traitement à vie ?

Oui, il faut un traitement systématique avec des mesures hygiéno-diététiques. D’abord en pratiquant une activité physique régulière, et j’insiste sur ce terme. Le sport est comme un médicament par la bouche. Pratiquer au moins 30 minutes, 3 fois par semaine, d’activité consécutive puisque c’est le fait de faire du sport pendant 30 minutes qui va aider la tension à baisser. Perdre du poids : perdre 5 kilos, ça fait moins 5 millimètres de mercure. C’est presque aussi efficace qu’un médicament.

Il faut manger moins salé, éviter la charcuterie, le fromage. Ce qui ne veut pas dire de ne pas en manger, mais moins en manger. C’est la base pour tous les patients hypertendus. Ensuite, en fonction du niveau de chiffres obtenus – 160, 180 – ou des complications (le patient a fait un AVC, un infarctus), on met des médicaments en place. 1, 2 ou 3 médicaments, donnés à vie, sauf s’il y a des règles diététiques importantes. Si une patient obèse perd beaucoup de poids, on peut parfois arrêter ces traitements.

Ces traitements sont-ils difficiles à supporter ?

Un patient sur 2 est équilibré quand il prend son traitement. Pourquoi seulement 1 sur 2 ? Il y a beaucoup d’inobservance en lien avec les effets secondaires. L’important est de prévenir le patient des effets secondaires des médicaments – de la toux sèche, un excès d’urine avec les diurétiques… Il faut prévenir les patients et leur dire que si ça survient, il faut en parler et les effets sont réversibles. Ce qui permet de les rassurer et de changer le traitement.

Un nouveau traitement disponible à la Timone

Existe-t-il des avancées thérapeutiques pour alléger le traitement médicamenteux ?

La Timone est un centre d’excellence européen en hypertension artérielle. On s’occupe de l’hypertension classique et des hypertensions résistantes, qui doivent nécessiter beaucoup de traitements pour être équilibrées. Des thérapeutiques se développent, comme la dénervation rénale. Ce dispositif vise à aller ablater (supprimer) l’inférence nerveuse au niveau rénal et aider le patient à uriner.

Depuis un mois il y a l’autorisation en France pour utiliser ce dispositif médical hors recherche, pour tout patient qui passerait dans un centre d’excellence comme le nôtre et pour qui on poserait l’indication de ce traitement. Sinon, il y a beaucoup de recherches sur les médicaments par voie orale ou par voie sous-cutanée. Il y a notamment de l’immunothérapie en cours pour essayer de bloquer certaines hormones qui provoquent de l’hypertension artérielle, via des traitements tous les 6 mois par voie injectable pour améliorer l’observance.

A partir d’un certain âge, est-ce que je peux surveiller moi-même ma tension ?

La valeur de consultation est juste un signe d’alerte. On demande toujours, après une consultation, de vérifier les mesures en ambulatoire car il y a parfois un effet de stress qui fait monter la pression en consultation et qui nécessite d’être surveillé en ambulatoire pour ne pas porter le diagnostic d’hypertension artérielle à tort. On contrôle 3 mesures le matin, 3 mesures le soir, d’affilée, pendant 3 jours consécutifs et on fait une moyenne de ces 18 mesures. Si elle est inférieure à 135/85 millimètres de mercure, on n’a pas d’hypertension artérielle. Au-delà, oui. Cela doit être expliqué par un professionnel et les mesures vues par un professionnel.

Yoga, sophrologie, relaxation… ou le psychiatre !

Peut-on prévenir l’hypertension par notre mode de vie ? Etre tendu, stressé, a-t-il un rapport avec l’hypertension ?

Souvent les patients confondent la tension nerveuse et l’hypertension artérielle qui est une maladie des artères, une rigidité, une vraie maladie des artères. La tension nerveuse, c’est un tempérament, alors certes d’être tendu, anxieux, nerveux, ça peut faire monter la pression artérielle. Et c’est d’ailleurs pour cela que l’activité physique va jouer sur la tension nerveuse et faire baisser la pression artérielle. Parfois je demande aux patients de faire de la relaxation, du yoga, de la sophrologie, voire pour certains de consulter un psychologue, un psychiatre. De vraies dépressions provoquent de l’hypertension artérielle et pour lesquelles on va donner un antidépresseur pour traiter la pression artérielle.

Si j’observe le régime que vous préconisez – faire du sport, manger moins salé, pas de charcuterie, etc -, cela me permettra-t-il d’éviter d’avoir de l’hypertension ?

Oui. Cette bonne hygiène de vie – sport et alimentation – retarde l’apparition d’une hypertension artérielle.

La femme est protégée jusqu’à 50 ans, après ça se complique…

Cette pathologie est-elle héréditaire ? 

Il y a une grande part d’hérédité mais pas de gène connu, un peu comme le diabète de type 2, mais les personnes qui ont un antécédent familial – le père ou la mère – d’hypertension artérielle, sont plus à risque de développer de l’hypertension artérielle. Chez elles, il est bon d’avoir une bonne hygiène de vie et de se surveiller la pression artérielle auprès d’un médecin passé 50 ans et détecter au plus tôt possible et prendre en charge rapidement.

Les femmes et les hommes sont-ils égaux face à cette maladie ?

On essaie d’avoir une égalité hommes-femmes… (sourire). Mais sur ce sujet on n’est pas non plus égales. La femme est protégée jusqu’à l’âge de 50-60 ans, jusqu’à la ménopause. Donc on a un effet vaso-relaxant, les oestrogènes probablement, qui limite l’hypertension artérielle. Après 50 ans, on est justement l’égale de l’homme en termes de chiffres et après 70 ans l’hypertension artérielle est plus importante chez la femme. Des études épidémiologiques récentes ont montré que par rapport à l’homme et sur l’intervalle de dix ans, les femmes hypertendues traitées et contrôlées sont en nombre plus faible qu’il y a dix ans. Sans savoir vraiment pourquoi, les femmes sont moins bien contrôlées que les hommes passé 60 ans. Comme s’il y avait une négligence ou une difficulté à s’occuper d’elles.

Une tension trop basse n’est pas forcément bon signe

On parle également parfois de tension artérielle basse. Que signifie-t-elle et est-elle aussi dangereuse que l’hypertension ?

La tension artérielle basse, quand elle est spontanée, qu’il n’y a pas de médicaments qui la font baisser, ce n’est pas grave. Il faut parfois faire attention, on peut faire des malaises avec une tension basse. Il y a des petites astuces comme manger un peu plus de sel, faire du sport pour essayer de se tonifier et faire monter la tension. Le plus problématique est la tension basse à cause des médicaments et donc, en effet, quand on prend un traitement contre l’hypertension il ne faut pas que la tension soit trop basse, 9 ou 10. Cela peut provoquer des accidents cardiaques ou vasculaires.

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