La Provence mise officiellement en vente

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La mise sur le marché des 89% d’actions du groupe de presse marseillais que détenait Bernard Tapie a été confirmée hier aux salariés. Deux candidats se sont déjà déclarés : NJJ, la holding de Xavier Niel, qui possède déjà 11% du capital de La Provence, et l’armateur CMA/CGM, dont le siège est situé à moins d’un km des actuels locaux du journal. Les autres éventuels repreneurs ont jusqu’au 30 novembre pour se faire connaître.


Alors que la prise de contrôle du groupe La Provence par Xavier Niel semblait couler de source après le décès de Bernard Tapie, son propriétaire depuis 2013 (1), la mise en vente du grand quotidien marseillais aiguise visiblement d’autres appétits. Mercredi 20 octobre, c’est la Lettre A qui révélait l’existence d’une deuxième offre, celle du groupe CMA/CGM, 3e armateur mondial, qui a son siège social à La Joliette, à quelques jets de pierre des locaux de La Provence. Dirigé par Rodolphe Saadé, CMA/CGM avait déjà tenté d’entrer au capital du groupe de presse, en vain. Rien n’a filtré sur le détail de cette nouvelle offre, qui a été confirmée aux représentants des salariés jeudi, à l’occasion d’un conseil social et économique (CSE) extraordinaire. L’armateur aurait toutefois indiqué qu’en cas de succès, il conserverait l’actuelle direction. Jean-Christophe Serfati, le Pdg en titre du groupe La Provence, aurait déjà dit sa préférence pour ce projet.

Xavier Niel pour le moment favori

Pour autant, rien n’est joué. Et le mot de la fin reviendra quoi qu’il advienne au tribunal de commerce de Bobigny, qui avait placé le Groupe Bernard Tapie (GBT) en liquidation judicaire le 30 avril 2020 et nommé un mandataire liquidateur. Qui suit de près la situation du journal. Selon nos informations, lors du CSE de jeudi, un représentant du tribunal de commerce aurait informé les salariés de La Provence qu’un processus de vente des 89% du groupe La Provence que détenait Bernard Tapie allait être enclenché sans délai. Les repreneurs éventuels ont jusqu’au 30 novembre pour se faire connaître et détailler leur projet de reprise au mandataire liquidateur, qui transmettra ensuite ses conclusions au tribunal. Lequel tranchera entre toutes les offres, après que les candidats repreneurs auront rencontré les salariés, qui pourront émettre un avis – purement consultatif.

Pour l’heure, ils sont deux en lice, même si des rumeurs commencent à circuler sur d’autres candidats éventuels. Et des deux à s’être officiellement déclarés, c’est Xavier Niel qui semble tenir la corde. Non seulement il possède les 11% restants du groupe La Provence, mais il est également propriétaire du quotidien Nice-Matin, dont il a pris le contrôle au moment de son entrée au capital du quotidien marseillais, en 2019. Autre atout, le projet d’imprimerie commune aux deux groupes de presse qui doit se concrétiser en 2023 par l’ouverture d’un centre d’impression unique au Luc-en-Provence (Var), que Xavier Niel et Bernard Tapie avaient imaginé et lancé dès leur rapprochement. Sans compter le pacte d’actionnaires conclu entre NJJ et GBT, qui accordait à Xavier Niel une sorte de priorité sur le rachat des 89% de GBT.

Les jeux ne sont pas faits pour autant. Si CMA/CGM ou un autre candidat formulait une offre sensiblement meilleure que celle de NJJ, à la fois sur le volet social et financier, le tribunal pourrait se laisser tenter.

Des salariés favorables à NJJ, la direction à CMA-CGM

Du côté de la rédaction de La Provence et des autres services du quotidien, on s’était déjà fait à l’idée de passer dans le giron du patron de Free, qui est aussi l’un des principaux actionnaires du quotidien Le Monde depuis plus de 10 ans. Mais on estime que l’offre de CMA/CGM n’est pas forcément une mauvaise chose, même si la perspective d’avoir l’armateur franco-libanais comme propriétaire ne déchaîne pas l’enthousiasme. Surtout chez les journalistes, qui se sont longtemps heurtés à l’obsession du secret que cultivait Jacques Saadé, le père de Rodolphe et fondateur du groupe, disparu en 2018.

« Le fait qu’il y ait plusieurs candidats peut pousser les uns et les autres à améliorer leur offre, ce qui est bon pour nous« , commentait jeudi un membre de la rédaction, satisfait néanmoins que « la situation soit a priori en train de se clarifier, alors qu’on était dans l’incertitude depuis l’annulation de l’arbitrage Tapie, avec une direction qui soutenait que nous ne serions pas vendus, en dépit des difficultés qui s’accumulaient et du rapprochement de plus en plus évident avec Nice-Matin. »

En toute hypothèse, le tribunal devrait se prononcer d’ici la fin de l’année ou début 2022 au plus tard. En faveur de Xavier Niel, de Rodolphe Saadé ou d’un troisième larron.

Hervé Vaudoit

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