La santé de nos enfants est une « bombe à retardement »

La pratique sportive des Français n'est pas satisfaisante. La sédentarité et l'obésité gagnent dangereusement du terrain. Et les prévisions sont encore plus sombres pour les 10-20 ans dont la capacité cardiovasculaire s'est effondrée. Médecin du sport, le docteur Hervé Collado (APHM et clinique Saint-Martin Sport) tire la sonnette d'alarme. Et il liste les bienfaits incroyables de l'activité physique : croissance osseuse, développement du coeur, oxygénation, bien-être mental, prévention des maladies et notamment des cancers. Le 17 novembre il interviendra à Marseille devant 500 lycéens et leurs parents à la conférence de l'association M24-Massilia Sport Santé, sur le thème "Le sport peut vous sauver la vie".

Santé

On observe un certain recul du nombre de pratiquants, adultes comme enfants, dans les clubs. Et pourtant le sport c’est « bon pour la santé ! » comme le proclame l’adage. Mais pour quelles raisons précisément?

Docteur Hervé Collado : Le sport est bon pour la santé d’abord dans le cadre physique pur. On sait très bien que l’activité au niveau cardiovasculaire ou osseux apporte un bénéfice net. Les jeunes qui font moins de sport maintenant ont 30% de capacité cardiovasculaire en moins. Ensuite, mentalement, moralement, psychologiquement, on vit des temps compliqués et le sport est un exutoire. Tous les gens qui arrivent à faire un peu de sport, ne serait-ce que 30 minutes par jour, comprennent ce que le sport apporte au bien-être global psychique et psychologique.

Le sport apprend à se dépasser jusque dans sa vie sociale et professionnelle

Quelles sont les fonctions essentielles que stimule la pratique sportive ?

Il y a le physique, la capacité cardiovasculaire, c’est-à-dire ne pas être essoufflé au bout du 2e étage. Le sport développe les capacités musculaires, on repousse la fatigue. Il y a également le côté « dépassement de soi ». Le sport est un exemple dans la vie, et quand on arrive, grâce au sport, à se dépasser, à sortir de sa zone de confort, on va peut-être aussi pouvoir le faire dans sa vie professionnelle, dans sa vie sociale. En ce sens, plus encore que de capacités physiques, le sport est porteur de valeurs.

Connaît-on les risques précis auxquels s’exposent les personnes qui ne font pas de sport ?

Loin de moi l’idée de terroriser ces personnes ! On est dans une période où beaucoup de gens donnent des leçons et je ne veux absolument pas être moralisateur auprès d’elles. Néanmoins, mon rôle est de sensibiliser et de dire que faire de l’activité physique va repousser les problèmes cardiovasculaires. C’est protecteur par rapport au risque de diabète, de développer certains cancers. Le sport en général – et on ne parle pas de compétition, de courir le 100 mètres en 10 secondes ! -, l’idée de mettre son corps en activité, permet de rééquilibrer un peu les choses.

A 70 ans, 30 mn de marche c’est déjà très bien !

Sait-on combien il faut pratiquer chaque jour pour que cet exercice soit efficace ?

Si vous faites 5 minutes, c’est déjà bien. Plus vous allez en faire, mieux ce sera, tout en mettant des limites. Il ne faut pas non plus tomber dans la bigorexie (l’addiction, une dépendance à la pratique excessive, NDLR) où l’on fait du sport tout le temps. Si vous arrivez à faire 3 fois (par semaine) un footing de 45 minutes, c’est déjà pas mal ! Cela dépend de l’âge également. Quand vous dépassez 70, 75 ans, ne serait-ce que faire une promenade d’une demi-heure le soir, c’est une activité physique. Le sport doit être adapté à chaque personne.

Comment se remettre au sport après une longue coupure due éventuellement à une maladie, un changement de vie, un rythme de travail trop soutenu ? Jusqu’au jour où l’on se dit : je m’y remets !

Quand on a été arrêté pendant longtemps, notre corps a oublié. Par contre, notre cerveau n’a pas oublié ! On veut faire ce que l’on faisait avant mais avec le corps qui a soit vieilli, soit grossi, qui n’est plus en état. On peut avoir des blessures, des tendinites, ou de plus gros problèmes. L’un des plus importants, c’est la conséquence cardiovasculaire. Donc, quand on veut se remettre au sport après une inactivité prolongé, il faut voir un médecin pour savoir si on est apte à la reprise. Déjà son généraliste, voire son médecin du sport, car il y a probablement des bilans à faire, afin d’éviter un risque cardiovasculaire ou autre.

La boxe est un sport génial… si elle est bien encadrée

Déconseillez-vous certaines disciplines qui ont des effets délétères à long terme, comme des sports de combat ou même le running qui va finir par abîmer les articulations ?

Je suis médecin du sport et j’ai un adage : je ne déconseille aucun sport. Dans la mesure où quelqu’un aime un sport, si on lui fait faire quelque chose qu’il n’aime pas, ça ne va pas tenir plus d’un mois, deux mois ou six mois. Par exemple la boxe, on a l’impression que c’est délétère. Mais bien encadrée, avec de bons entraîneurs, c’est génial au niveau cardiovasculaire et musculaire. Aucun sport n’est déconseillé. Après, certains sont plus adaptés à certaines personnes. Si on a des articulations douloureuses, on va dire de ne pas aller faire du footing parce qu’on sait que ce n’est pas bon pour les genoux. Mais encore une fois, il faut pas proscrire un sport quelconque.

Existe-t-il alors un sport qui est plus épanouissant, des disciplines plus vertueuses ?

Si on fait fi du plaisir, il y a des disciplines qui sont toujours les mêmes. Parlons du triathlon ! C’est quoi ? C’est courir, nager tout simplement, et faire du vélo. Ne parlons pas de compétition, mais ces trois activités là, quand on parle de pathologies ostéo-articulaires, ce sont des choses basiques mais très importantes pour l’activité physique.

La musculation comme unique sport chez l’ado, c’est comme l’anorexie mais en sens inverse

Depuis 3-4 ans, bien des clubs ont vu baisser leurs effectifs, notamment dans la tranche des adolescents. Pourquoi nos jeunes lâchent-ils ces pratiques encadrées ?

C’est un sujet plus sociétal que médical et je ne sais pas si je suis la bonne personne pour répondre. Je pense que la compétition importe peu à leurs yeux. Dans les années 80-90, on regardait les tournois de tennis comme Roland-Garros, on voulait être les mêmes, on avait des rêves. Je crois que les rêves des générations actuelles ce n’est plus la compétition, mais le bien-être, le plaisir. On voit maintenant des jeunes qui font du free-ride pour le plaisir, pas pour la compétition. C’est en ce sens à mon avis que les clubs sont délaissés.

On voit beaucoup de ces adolescents faire de la musculation, dans des clubs, des salles. Est-ce une tendance inquiétante ? 

Bien encadrée, non. Là où ça devient inquiétant, c’est quand ils ne font que ça. La musculation doit rentrer dans un schéma d’une autre activité sportive. Par contre, quand ils ne font que cela, qu’ils commencent à être obsédés par leur corps, c’est comme l’anorexie mais en sens inverse. Le culte du corps dans le sens musculation peut entraîner des dérives, comme prendre des produits. La musculation  pourquoi pas, mais pas de manière unique pour un jeune.

Nos jeunes risquent de devenir de « mauvais vieux » dans 40 ans !

Etes-vous inquiet de cette tendance de fond à moins bouger chez les jeunes, mais finalement comme dans la population générale ?

C’est une grosse inquiétude au sein du monde médical sportif. Ce n’est pas un secret, les jeunes passent beaucoup plus de temps sur l’ordinateur que dans la rue en train de jouer au football, au basket ou autre. Les études prouvent qu’au niveau cardiovasculaire ils ont perdu entre 20 et 30% de leurs capacités par rapport aux jeunes des années 80 et 90. C’est une bombe à retardement selon moi. J’espère me tromper. Attention à ce que les jeunes d’aujourd’hui, qui ont entre 10 et 20 ans, ne fassent pas des « mauvais vieux » dans 30-40 ans… C’est une vraie inquiétude. D’où la sensibilisation à l’activité sportive.

Faire du sport dans l’enfance, c’est acquérir un capital pour toute sa vie…

Oui. Et c’est pour donner le goût du sport. Car quand on a le goût du sport à 10 ans, on en fera à 20 ans, 30 ans, 40 ans, 50 ans. Le problème actuel, c’est d’avoir une société où il y a un choix considérable d’activités, ludiques, avec les ordinateurs; ça fait très vieux de parler ainsi, mais c’est une vérité. Dans les années 80-90, on avait moins de possibilités. On n’avait que le sport ! Maintenant, le sport est une chose parmi beaucoup d’autres et, de fait, il est délaissé. Malheureusement, avec les conséquences dont on parle.

C’est maintenant qu’il faut « se bouger les fesses », dans 10 ans il sera trop tard

Vous êtes inquiet pour la santé de nos enfants ?

Oui je suis inquiet. Mais je ne veux pas culpabiliser. Dans notre société on vous dit ce qu’il faut manger, boire, comment se conduire. Je ne veux pas être le énième à dire « il faut faire ça ! ». Si on ne pousse pas un peu nos enfants à se bouger les fesses, on risque de le regretter plus tard, oui !

Vous allez participer le 17 novembre à la conférence inaugurale de l’association M24-Massilia Sport Santé dont vous êtes le vice-président, et qui est intitulée « Le sport peut vous sauver la vie ». Que direz-vous ce jour-là aux lycéens et collégiens de l’établissement Sainte-Trinité, et à leurs parents ?

Je leur dirai que c’est maintenant qu’il faut faire des choses. Pas dans dix ans. Ce sera trop tard. Ce qui prime d’abord, c’est le plaisir, on ne va pas les obliger à pratiquer des activités ! Donc il faut retrouver ce goût du plaisir de faire du sport. Dire « faites ci, faites ça parce que c’est bon pour votre santé », ça ne passe pas. Quand on a 15 ans, on s’en fout complétement. On peut bien sûr leur faire comprendre que c’est important pour leur vie future, mais peu d’entre eux y seront sensibles. Leur faire connaître des activités, et pourquoi pas le goût de la compétition, ce n’est pas péjoratif de parler de compétition, c’est sain. C’est par le plaisir que l’on permettra aux jeunes de revenir faire une activité physique.

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