L’Académie des sciences, lettres et arts de Marseille prépare déjà son 300e anniversaire

Le quidam connait peu l’Académie des sciences, lettres et arts de Marseille, sauf à passer par la rue Thiers, où un panneau de cuivre indique son emplacement. Outre qu'elle fêtera ses 300 ans en 2026, elle a eu pourtant compté parmi ses membres les esprits les plus brillants et les plus érudits de la ville comme Lamartine ou Voltaire.

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Au nombre de quarante, les membres de l’Académie de Marseille élisent chaque année un nouveau président en charge de la vie de la société savante. Jean Noël Bret, historien d’art, en était le président jusqu’en avril 2022. Il a laissé sa place à une femme, Elisabeth Mognetti, pour redevenir lui-même vice-président. Marina Lafon-Borelli en est la chancelière.

Naissance de l’Académie des sciences, lettres et arts de Marseille

Régis Bertrand et Jean Guyon, membres de l’Académie, écrivent à son propos : « A Marseille, vers 1715, quelques notables avaient formé une société scientifique et littéraire qui aurait continué à se réunir dans des bastides pendant la peste. Le maréchal de Villars, gouverneur de Provence, la prit sous sa protection et lui obtint des lettres patentes d’établissement en août 1726 », des lettres signées de la main de Louis XV.

Louis-Hector, duc de Villars (1653-1734), Maréchal de France et Gouverneur de Provence / Huile sur toile, 1880, don de l’auteur, Dominique-Antoine Magaud (Marseille, 1817-1899) ©Académie SLA, cl. C.Dureuil

Elle s’appelait alors l’Académie des Belles Lettres et était affiliée à l’Académie Française, fondée par Richelieu en 1635, avant de devenir en 1766 par lettres patentes, l’Académie des Belles Lettres, Sciences et Arts. Pour la petite histoire, Jean Noël Bret, nous révèle que le Roi signait ses lettres de son seul prénom.

Lettre patente signée Louis actant la fondation de l’Académie de Marseille ©Académie SLA

Elle « comptait initialement vingt fauteuils, tenait ses séances privées (réservées à ses membres) le mercredi après-midi et aussi une séance publique annuelle le jour de la Saint-Louis (25 août). Elle [… ] désignait aussi des membres associés – ainsi en 1746 Voltaire, à la demande de ce dernier » poursuivent les deux académiciens.

Une renaissance

Victime collatérale de la Révolution Française, elle fut supprimée en 1793. Elle renaîtra de ses cendres en 1799 à l’image du phénix orné de deux majestueuses ailes de son blason, et de sa devise, « aux premiers rayons [du soleil], je renais ». Pour la petite histoire, lors de sa constitution, ses membres étaient persuadés de l’existence d’une académie à Marseille dans l’Antiquité grecque.

Premier blason de l’Académie ©Académie SLA

Installée un temps au couvent des Bernardines, elle accueillait en 1832 Lamartine, de passage  à Marseille. C’est en 1901 qu’elle occupera la maison natale d’Adolphe Thiers, grâce au don de Madame Dosne, belle-sœur d’Adolphe Thiers : ce dernier pourtant ne fut jamais membre de l’Académie. Elle compte aujourd’hui de nombreuses femmes en son sein.

Des membres de valeur ayant œuvré pour Marseille

Des membres illustres de l’Académie ©DVDM

Parmi ses membres célèbres qui ont laissé leur empreinte en notre ville, on retrouve des spécialistes des sciences et de la médecine : Leverrier, Lautard, Clot-bey, Heckel, Charles Livon ; des écrivains : Joseph Méry, Bénédit, Horace Bertin, Edouard Peisson ; des peintres et sculpteurs : Loubon, Aldebert, Botinelly ; des musiciens : Louët, Albrand, Théodore Thurner, Pierre Barbizet ; des mécènes, tels Jules Cantini. Certains ont même une statue érigée en leur honneur à l’image de Frédéric Mistral, Frantz Mayor de Montricher, Fortuné Marion, Valère Bernard.

Et pourtant, elle reste une vieille dame méconnue

Au cours des dernières décennies, l’Académie a réalisé des ouvrages collectifs tels le « Dictionnaire des Marseillais » et le « Dictionnaire du parler marseillais ». Même si de l’aveu de Jean-Noël Bret ses activités restent encore très confidentielles, il espère que pour son 300ème anniversaire, elle rayonnera pleinement sur Marseille.

Illustration : devise, emblème et tenue des académiciens ©DVDM

Car bien que ses actions ne soient pas connues du grand public, ses membres organisent régulièrement des colloques et des conférences à l’adresse de tout un chacun. En l’occurrence, Barbara Cassin, philosophe et philologue, spécialiste de la Grèce antique, commissaire de l’exposition « Objets migrateurs, Trésors sous influence » propose une rencontre à la Vieille Charité à l’occasion d’une journée d’étude autour de l’exposition le 15 octobre (gratuit, plus d’infos https://sortiramarseille.fr/agenda/journee-detude-autour-de-lexposition-objets-migrateurs/).

De l’importance de la transmission du savoir et de son partage

L’institution est dotée d’une riche collection d’ouvrages anciens et modernes. Reconnue d’utilité publique en février 2021, elle commence à s’ouvrir à l’extérieur, participant à des manifestations publiques, notamment lors des Dimanches de La Canebière, afin de transmettre et partager son savoir avec le plus grand nombre.

Nouvel emblème de l’Académie ©Académie SLA

Jean-Noël Bret, un des maîtres d’œuvre de cette ouverture au monde, revient sur les pères fondateurs de l’Académie, son fonctionnement et son actualité, nous dévoilant les projets de colloque à venir pour son anniversaire.

 

Réception d’un nouveau membre associé

Jean-Noël Bret accueille le nouveau membre associé Benito Pelegrín ©DVDM

A l’occasion de la nomination d’un nouveau membre associé, nous avons recueilli le témoignage de Benito Pelegrín, l’heureux élu, dont les parents ont fui l’Espagne franquiste. La famille s’installe dans les quartiers Nord de Marseille où le jeune garçon, grâce à l’école de la République, réussit brillamment sa scolarité jusqu’à l’obtention de son doctorat.

Professeur, auteur de nombreux livres et pièces de théâtre, traducteur et critique artistique, lyrique et littéraire, également philosophe, spécialiste de Gracián auquel il consacre plusieurs ouvrages, cette nomination vient récompenser un parcours exemplaire.  Renouant avec une ancienne tradition de l’Académie, c’est tout ému qu’il entame sa conférence inaugurale autour de Baltasar Gracián sur la notion de héros.

Benito Pelegrín en conférence autour de la notion de héros développée par Gracián ©DVDM

Auréolé de la splendeur du blason de l’Académie orné de sa devise latine, notre conférencier du jour file la métaphore du héros caméléon, candidat à la gloire qui sait vaincre et séduire avec courtoisie, usant habilement des mots et avançant masqué. Il s’agit là de la définition du héros mondain doué des vertus nécessaires  – dont la prudence chère à Aristote- à la réussite dans la société, ce qui n’est pas sans rappeler les vertus dont doivent être dotés le Prince chez Machiavel ou encore le Roi de Concupiscence chez Pascal s’ils veulent gouverner au mieux et s’inféoder le peuple.

Applaudissements des membres de l’Académie suite au discours de Benito Pelegrín ©DVDM

Une conférence saluée par ses confrères et consœurs venus en nombre dans la salle des séances de l’Académie située  au premier étage de la bibliothèque de l’Alcazar.

Diane Vandermolina

Photo de une : Des élus à l’Académie ©DVDM

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