Quatorze Prix décernés
Chaque année, l’Académie des Sciences Lettres et Arts de Marseille récompense des auteurs d’œuvres en plusieurs domaines : littéraires, scientifiques, artistiques ainsi que des structures œuvrant dans les domaines sociaux et éducatifs. Cette année, chapeautés par Patrick Boulanger, les Prix au nombre de 14 ont été remis à des personnalités et associations qui ont retenu par la qualité de leur ouvrage ou l’exemplarité de leur action l’attention des membres rapporteurs de l’Académie.
Patrick Boulanger est bienheureux de présenter les lauréats des Prix remis au Palais du Pharo le 15 décembre prochain à 17h et pour cause, « c’est un moment heureux et un encouragement » pour les lauréats mais également les associations récipiendaires, en l’occurrence en ces temps difficiles. Rajoutant « nous essayons d’être le plus juste dans l’attribution des Prix. Ils sont au nombre de 14 répartis en trois classes : Arts (2), Lettres (5 dont un exæquo) et Sciences (1) auxquels s’ajoutent deux grands prix historiques et quatre prix d’encouragement ».
Lors de la séance solennelle de remise des prix, les académiciens revêtiront leurs habits de cérémonie : ce temps fort est l’occasion pour les membres « d’échanger avec les lauréats, également rencontrer un plus large public ».
Deux Grands Prix ou prix spéciaux
Parmi les élus, un spécialiste d’Edmond Rostand qui raconte les tourments et les turpitudes, les passions et les réussites du père de Cyrano. Patrick Boulanger, en rapporteur, rappelle qu’à l’âge de 20 ans à peine, Rostand a reçu ce même prix historique. Une anecdote qui en dit long sur la filiation entre les esprits depuis les débuts de l’Académie. Il s’agit du Prix du maréchal de Villars, Grand Prix historique de Provence. Le maréchal Claude-Louis-Hector de Villars (1653-1734), gouverneur de Provence, membre de l’Académie française, protecteur de l’Académie de Marseille au moment de sa fondation en 1726, créa en 1727 le plus ancien prix de ceux qu’elle décerne. C’est le prix le plus prestigieux qui a été décerné à Thomas Sertillanges, pour son livre Edmond Rostand, les couleurs du panache, éd. Atlantica.
Le lauréat du second prix spécial, le Prix du duc de Villars, a été donné à La Ligue de Protection des oiseaux pour son livre collectif La Faune des Bouches-du-Rhône, éd. Biotope (rapporteur Nardo Vincente). Une belle œuvre sur la faune « des corniches rocheuses aux fonds marins ». Pour la petite histoire, le duc de Villars Honoré-Armand, fils du maréchal, protecteur de l’Académie depuis 1734, favorisa l’intégration des Sciences à l’Académie de Marseille. Le prix qu’il a fondé en 1767 est décerné à un ouvrage scientifique sur Marseille et la Provence.
Prix de la classe des Sciences
Le Prix Henri Fabre est décerné en partenariat avec l’Union régionale Provence des ingénieurs et scientifiques de France (IESF Provence) qui l’a fondé. Il porte le nom de l’ingénieur marseillais concepteur du premier hydravion qui a décollé de l’étang de Berre le 28 mars 1910. Il sera remis à l’ensemble des équipes du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille pour leur travail sur les astres (rapporteur Bernard Tramier).
Prix de la classe des Lettres
Le Prix Mr et Mme Amphoux couronne une œuvre d’un auteur né ou domicilié en Provence : fondé par un couple de Justes, il récompense Jérémie Foa, maître de conférences HDR en Histoire moderne à Aix-Marseille Université, pour son livre Tous ceux qui tombent, Visages du massacre de la Saint-Barthélemy, éd. La Découverte (rapporteur Jean Noël Bret). Un livre qui dresse, à l’issue d’un travail de recherche dans les archives des notaires de l’époque, le portrait de 25 victimes et de leurs assassins. L’occasion de découvrir une autre facette de cet événement tragique qui secoua la Renaissance au temps des Médicis.
Le Prix Edouard Saman, du nom d’un membre correspondant de l’Académie de Marseille, né en 1912 à Beyrouth, est décerné à un ouvrage d’Histoire ou d’imagination portant sur les échanges culturels entre Marseille et la Méditerranée : il honore Rémi Duchêne, pour son livre L’Escale des géants, Marseille et les écrivains 1850-1900, éd. Presses universitaires de Rennes (rapporteur : Danièle Giraudy). On y retrouve Daudet, Sand ou encore Flaubert pour ne citer qu’eux.
Le Prix Jean Tourette, pour un ouvrage retraçant un moment de l’Histoire de Marseille ou de la Provence, récompense, quant à lui, Judith Aziza, pour Une Histoire de Marseille en 180 lieux, éd. Gaussen, 2021 (rapporteur : Catherine Dureuil). Un bel ouvrage qui permet de redécouvrir Marseille, ses lieux incontournables et ses ruelles méconnues, grâce à une présentation historique de chaque lieu des origines de la ville à aujourd’hui. Avis aux amateurs !
Le Prix Constantin Casteropoulos du nom d’un poète marseillais né au Pirée (1915-1989), fondateur, en 1979 du mouvement de la nouvelle École romane, est décerné à une œuvre poétique : cette année, le prix est remis à Tricio Dupuy, pour son dictionnaire provençal-français, Di Pescaire, de la pesco et di pèis d’eici, Edicioun dóu C.I.E.L. d’Oc, 2021 ; ex aequo avec Carles Diaz, pour son livre Polyphonie landaise, précédé de Paratge, éd. Gallimard, 2022 (rapporteur : Patrick Boulanger). Deux prix exceptionnels qui récompensent pour le premier, le travail d’un spécialiste de la langue d’oc ; pour le second, les poésies d’un auteur chilien, ardent « défenseur des langues régionales et des idiomes menacés » indique le rapporteur.
Prix de la classe des Arts
Le Prix Pierre Barbizet (1922-1990) du nom d’un des grands pianistes de sa génération, membre de l’Académie, directeur de 1963 à sa mort du Conservatoire de Marseille auquel son nom fut donné, ce prix est décerné à un musicien, créateur, interprète et critique musical marseillais : Olivier Bellamy pour son Dictionnaire amoureux de Chopin, éd. Plon, 2021 (rapporteur : Evelina Pitti). Pour information, Olivier Bellamy est en charge de la programmation d’une série de concerts à l’Eglise de Notre Dame du Mont où Frédéric Chopin fut amené à jouer pendant trois minutes à l’orgue de ladite église. Ces concerts sont organisés par La Société Marseillaise des Amis de Chopin une fois par mois.
Le Prix des arts visuels Albert Detaille a été créé en hommage à Albert Detaille (1903-1996), peintre et photographe, membre de l’Académie. Le prix a été fondé par son fils Gérard Detaille, membre de l’Académie. Il est destiné à un ouvrage ou une œuvre en rapport avec Marseille ou sa région mettant en valeur la photographie ou relevant de ses techniques. Il est attribué à l’équipe ayant réalisé la restitution de la Grotte Cosquer : Laurent Delbos, chargé de mission Restitution et ses collaborateurs, Gilles Tosello et Bernard Tofoleti (Atelier Création Décor), Alain Dalis (Atelier Art et os), Stéphane Kyles et Romain Senatore (Atelier Perspective(s)). Gérard Detaille, qui en est le rapporteur, souligne, émerveillé, l’extraordinaire magnificence de la Grotte Cosquer : cette dernière, à l’heure où nous écrivons, a déjà dépassé les 500 000 visites. Fruit d’un travail de longue haleine « liant prouesse technique et artistique, mêlant techniques d’il y a 36000 ans et techniques modernes usant des nouvelles technologies, le jumeau numérique de la grotte Cosquer permet à tout un chacun de replonger dans nos racines » précise-t-il.
Prix d’encouragement
Le Prix Marie Bouffier fut fondé en 1920 par Marie Bouffier, co-fondatrice avec l’abbé Dassy, son beau-frère, membre de l’Académie de Marseille, de l’Institut des jeunes aveugles de Marseille, aujourd’hui IRSAM, sur la colline de La Garde, institut dont elle fut pendant quarante ans la Supérieure générale. Selon la volonté de la fondatrice, ce prix est décerné chaque année à un élève particulièrement méritant de l’un des établissements de l’Institut, alternativement un mal voyant et un mal entendant. Il est décerné à Monsieur Yann Chane-Fui, qui reçoit un chèque de l’Académie (rapporteur : Eliane Richard). A 19 ans, le jeune réunionnais souffre de cécité depuis son jeune âge mais « il n’en est pas moins un grand sportif, excellant dans le cécifoot, le ski et la course à pied » glisse admiratif Patrick Boulanger.
Le Prix Mr et Mme Gravier, dont le rapporteur est Gérard Detaille, est destiné à une œuvre d’utilité publique. L’Association « La Bourguette », basée La Tour-d’Aigues, pour son travail avec les autistes auxquels elle propose des activités artistiques dans les domaines des arts plastiques, de la photographie, de la sculpture ou encore de la faïence, en est la lauréate. Gérard Detaille, ému, rappelle les mots d’un des usagers à l’adresse d’un tiers : « Pourquoi me regardez-vous comme ça ? Je suis autiste mais je suis comme vous ». Une belle leçon d’humanité et d’humilité.
Vient ensuite le Prix de l’Ecole de la Deuxième Chance (rapporteur : Jean Hubert Ceccaldi). Depuis plusieurs années, l’Académie de Marseille s’est rapprochée de l’École de la Deuxième chance de Marseille (E2C) et soutient son action par un prix financé par le Crédit Industriel et Commercial décerné à un groupe d’élèves ayant réalisé un travail particulièrement remarquable au cours de sa scolarité à l’E2C. Le choix des lauréats est fait par le CIC en accord avec l’Académie sur proposition des enseignants de l’E2C. Cette année, ils ont travaillé sur la question des rapports hommes/femmes en partenariat avec le Film Femmes Méditerranée. Aujourd’hui, on compte plus de 110 établissements de l’E2C en France : « Marseille en a deux et fut pionnière en la matière » précise Marina Lafon-Borelli.
Cette dernière est le reporteur du Prix Etienne Zafiropulo. Ce prix, créé par un important industriel et banquier, représentant des entrepreneurs transméditerranéens issus de la diaspora grecque qui ont basé leur activité à Marseille, Etienne Zafiropulo (1817-1894), bienfaiteur de l’Académie, a été remis à l’ordre du jour par ses descendants en 2017. A l’origine le prix devait récompenser une jeune « orpheline méritante » précise Marina Lafon-Borelli. Cette année, il est attribué à l’Association L’Abri maternel, à Marseille (avec remise d’un chèque). « L’association compte en permanence 150 pensionnaires » explique Marina Lafon-Borelli : à sa création, il s’agissait de « créer un abri pour les filles-mères. Aujourd’hui, l’abris accueille des mères seules avec enfants, voire des couples même si c’est plus rare. Son objectif est de leur offrir les moyens de se réinsérer dans la vie via l’apprentissage d’un métier en 12 à 15 mois : les femmes, la plupart victimes de violences et de harcèlement, sont hébergées dans une cinquantaine d’appartements réhabilités ». Une bien belle œuvre qui permet aux femmes de se retrouver dans une ambiance familiale, sereine et chaleureuse, afin de faire face aux vicissitudes vécues. Un beau projet qui mérite qu’on s’y attarde.
Et, c’est bien là le rôle de l’Académie SLA de Marseille que de distinguer par une récompense fiduciaire, d’une valeur symbolique forte, des actions solidaires de ce type. L’Académie de Marseille, incarnée par des hommes et des femmes motivés par une volonté de transmission, se veut résolument tournée vers l’autre, vers les autres. Diane Vandermolina
En une, la médaille remise aux récipiendaires des Prix de l’Académie SLA de Marseille ©DVDM
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