L’aspirateur et les courgettes font reculer le cancer !

La campagne d'information sur le cancer colorectal organisée par MProvence s'est terminée à Marseille en plaidoyer pour un mode de vie plus équilibré. La recette pour éviter 1 cancer sur 2 tient en 6 points : un peu d'activité physique quotidienne, plus de légumes et moins de viande dans l'alimentation, cuisiner et fuir les produits transformés, arrêter le tabac, limiter l'alcool, faire le dépistage à partir de 50 ans.

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Oser venir s’informer sur les risques de l’un des cancers les plus mortels en France et repartir avec la banane. Ou la pêche. Voire la patate. Ce n’est pas commun. C’est pourtant ce qui s’est passé mardi soir à l’Université d’Aix-Marseille qui accueillait dans le prestigieux amphi du Pharo la conférence de clôture de la campagne de prévention sur le cancer du côlon et du rectum, organisée depuis début mars par MProvence.

C’est le 1er cancer évitable

Les participants – Madame et Monsieur tout-le-monde et en visio des professionnels invités par l’Agence Régionale de Santé et la présidente de l’Ordre des Médecins des Bouches-du-Rhône, la Dr Marie-Dominique Metras  – sont repartis avec des recettes faciles à appliquer pour limiter le risque de contracter ce cancer redoutable. II tue chaque année plus de 17.000 personnes en France. Sans oublier les 47.500 qui, rien qu’en 2023, ont été dépistées positivement et sont en traitement. Pourtant « c’est le premier cancer évitable, rappelle la Pr Laetitia Dahan, cheffe du service de gastro-entérologie du CHU Timone, car la moitié sont attribuables à notre mode de vie. C’est le 2e cancer le plus mortel chez l’homme et le 3e chez la femme. »

Insistant sur l’intitulé de cette campagne de sensibilisation « Sauver 10.000 vies, peut-être la vôtre ! », Mme Dahan estime qu’il faudrait être « encore plus ambitieux« . On est bien passé de 17.000 tués sur les routes françaises en 1972 à environ 3.000 en 2023. A force de volonté, de sensibilisation, d’amélioration des protections, et certes d’un peu de répression. Et les soignants ne peuvent qu’enrager quand ils savent tenir une partie de la solution mais que nous ne les écoutons pas.

Pr Laetitia Dahan, cheffe du service de gastro-entérologie du CHU Timone
Pr Laetitia Dahan, cheffe du service de gastro-entérologie du CHU Timone

 

La « flemme », une alliée du cancer

« Le problème, c‘est la flemme« , déplore la Dr Stéphanie Ranque-Garnier, spécialiste de l’activité sportive dans la prévention et la lutte contre les cancers (CHU Timone). La flemme de sortir faire une balade à un bon rythme – 4.500 à 7.000 pas par jour et 20 minutes d’activité où l’on est un peu essouflé 3 fois par semaine -; la flemme de faire les trajets courts à pied plutôt qu’en voiture ou en métro ; la flemme de prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur. La flemme tue.

Comme votre chaise d’ailleurs, oui, celle qui est vissée devant votre écran d’ordinateur au travail et à la maison. On croît se reposer, mais ce symbole de la sédentarité contribue à la catastrophe sanitaire. « Il faut se lever et marcher au moins 30 secondes toutes les 30 minutes. Rester assis 2 heures d’affilée augmente de 8% le risque de cancer du côlon. »

Dr Stéphanie Ranque-Garnier, spécialiste de l'activité sportive dans la prévention et la lutte contre les cancers (CHU Timone)
Dr Stéphanie Ranque-Garnier, spécialiste de l’activité sportive dans la prévention et la lutte contre les cancers (CHU Timone)

Vos muscles, votre arme anti-cancer

Jean-Louis, la petite soixantaine flamboyante mais bedonnante, est convaincu de l’utilité d’entendre ce message. Et de l’appliquer. Philippe, qui l’accompagne, a lui aussi emmagasiné les conseils. Comme celui-ci.

Une des solutions pour prévenir le cancer, c’est de faire travailler ses muscles. « A chaque fois que vos muscles se contractent, ils sécrètent des myokines qui luttent contre le risque de cancer« , explique Stéphanie Ranque-Garnier.  C’est l’effet anti-inflammatoire qui joue à plein. Passer l’aspirateur, cuisiner debout, promener son chien ou prendre un appel téléphonique en marchant plutôt qu’assis, c’est déjà lutter contre le crabe ! « L’activité physique diminue le risque d’apparition d’un cancer colorectal de 25% à 40%. Et cela vaut aussi pendant et après le traitement. Elle diminue le risque de récidive et fait reculer la mortalité de 40 à 50%. » Vite, à vos baskets Jean-Louis et Philippe !

Un peu de vin, zéro tabac

Bon OK, Doc Stéphanie a convaincu tout son monde, et les auditeurs de l’amphithéâtre du Pharo ont des fourmis dans les jambes à l’heure de se séparer. Mais surgit une autre interrogation du quotidien : qu’est-ce qu’on va bien pouvoir manger puisque la bouffe industrielle est délétère ? Le docteur Yves Rinaldi s’est chargé de remettre d’équerre tous les participants. Là encore avec des conseils simples : pas trop de viande rouge (maximum 500 grammes par semaine) et mollo sur la charcutaille.

Le vin ? Pourquoi pas, mais un verre maximum par repas et deux jours consécutifs dans la semaine sans aucune consommation d’alcool – « c’est vraiment très important cette rupture« , prévient M. Rinaldi. Le tabac sous quelque forme que ce soit : c’est Niet ! « Fumer augmente le risque de développer un cancer colorectal de 20% car la cigarette favorise la croissance des polypes précancéreux. Quant à l’alcool, même topo : il fait grossir les polypes et augmente également le risque de 20%. »

Oncologue digestif, Hôpital Européen, Marseille
Le docteur Yves Rinaldi, oncologue digestif, Hôpital Européen, Marseille

La courgette, baromètre de la malbouffe

Il faut privilégier les légumes – verts, rouges, oranges – ils sont top ! Comme les céréales complètes, et ne pas négliger les laitages à faible teneur en graisse car ils présentent un effet protecteur. Mais on part de très loin : 1 jeune âgé de 15 à 24 ans sur 5 ne sait pas reconnaître une courgette et 15% ne font pas la différence entre une orange et un pamplemousse ! C’est grave docteur ? En soi, pas forcément. Mais selon le gastro-entérologue, cela révèle une méconnaissance de l’alimentation préjudiciable pour leur santé. Ils se gavent de produits bourrés de gras, de sucres et d’additifs. Et ça, c’est catastrophique.

Le surpoids et l’obésité progressent de manière fulgurante dans la population occidentale. En Europe c’est même classé comme « épidémie » par l’OMS. Près d’un adulte français sur 2 est en surpoids, 17% étant carrément obèses avec une espérance de vie réduite d’une dizaine d’années pour les cas les plus sévères. Le surpoids est un facteur aggravant du cancer.

 ancien chef du service de chirurgie digestive et hépatique à l’Hôpital Saint-Joseph
Ancien chef du service de chirurgie digestive et hépatique à l’Hôpital Saint-Joseph

Cuisiner fait baisser le risque de cancer de 10%

Selon une étude de février 2024 rapportée par le bon docteur Rinaldi, 44% des 15-24 ans consomment des plats transformés – nuggets, pizzas et lasagnes industriels, pasta box, glaces…- plusieurs fois par semaine versus 23% en population générale. Certains pensent même que c’est meilleur pour leur santé que les produits frais et bruts. « Apprendre à cuisiner soi-même des produits de saison coûte moins cher que l’achat de produits transformés et diminue l’obésité et le risque de cancer de 10%« .

Pour parfaire la prévention, il convient évidemment de passer un test immunologique fécal (FIT) à partir de 50 ans, et ensuite tous les deux ans. Théoriquement, vous devez recevoir une lettre d’invitation de la Sécu pour le retirer. Vous avez un doute ? Parlez-en à votre médecin traitant ou à votre pharmacien, ce dernier étant désormais habilité à vous remettre le FIT (gratuit) à faire à la maison. Comment ça se passe ? Enfantin : on fait caca sur une tige qu’on met dans un tube, puis le tube dans une envelope prétimbrée qu’il suffit de poster le jour même et le tour est joué. Si le laboratoire trouve du sang – invisible à l’oeil nu – dans vos selles, symptôme peut-être de la présence de polypes pré-cancéreux – c’est le cas dans 4% des tests -, un médecin vous contactera pour vous inviter à passer une coloscopie.

Le docteur Yves Rinaldi Oncologue digestif, Hôpital Européen, Marseille ouvre un test FIT
Le docteur Yves Rinaldi Oncologue digestif, Hôpital Européen, Marseille ouvre un test FIT

L’IA peut améliorer la détection des polypes

La colo justement ! Brrrrrrrr ! On en fait tout un plat. A tort. Le plus désagréable, c’est la veille du jour J, quand il faut boire 2 ou 3 litres d’une solution destinée à purger l’intestin avant de passer l’examen qui va durer 20 à 30 mn sous anesthésie. Certes, c’est un peu désagréable, mais si c’est le prix pour éviter un cancer, je suis prêt à boire dix litres !

Le Pr Philippe Grandval (CHU Timone) loue les progrès en matière d’équipements permettant cet examen visuel qu’est la coloscopie à l’aide d’un tube souple doté d’une caméra glissé dans le gros intestin via l’anus. « Maintenant, on bénéficie du concours de l’intelligence artificielle et c’est précieux, indique le Pr Grandval. L’IA va lisser des manquements ou des erreurs que le médecin pourrait avoir. Par exemple un petit polype pourrait nous échapper à un moment où l’on cligne de l’oeil.  »

Cette remarque n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd, en l’occurrence celle de notre Jean-Louis, l’alerte retraité qui doit justement passer une coloscopie de contrôle mardi prochain en raison de la présence de sang dans les selles. « Je vais leur demander s’ils ont aussi l’IA dans mon hôpital« , glisse-t-il après la conférence.

Pr Philippe Grandval chef du service d'endoscopie digestive et de gastro-entérologie de l’Hôpital de la Timone
Pr Philippe Grandval, chef du service d’endoscopie digestive et de gastro-entérologie de l’Hôpital de la Timone

Le cancer en cadeau empoisonné pour ses 50 ans

Ces progrès considérables touchent également les soins. Le Pr Emmanuel Mitry, oncologue digestif à l’Institut Paoli-Calmettes, a présenté la très étendue gamme de traitements dont il dispose selon le profil du patient. « Il y a 30 ans , on n’avait qu’une ou deux chimiothérapies et l’espérance de vie médiane (pour les cancers avancés) était de 15 mois. Aujourd’hui, on peut essayer plusieurs lignes de traitement successives. On arrive à des durées de survie plus que triplées. » Quand le cancer n’est tout bonnement pas guéri !

Cyril Sarrauste est ingénieur et a reçu le cancer en cadeau (empoisonné) pile pour ses 50 ans. Il n’a eu ni le temps ni le loisir de passer le test immunologique FIT. Constatant la présence de sang dans ses selles – rappelons que ce n’est jamais normal -, il a consulté son généraliste qui l’a orienté vers un gastro-entérologue. Direction la coloscopie. Son parcours, il l’a confié à l’auditoire mardi au Pharo. « Le médecin m’a annoncé que j’avais un cancer du côlon. J’ai eu une radiothérapie puis une chimiothérapie adjuvante sous forme de comprimés, mais au final il a fallu m’opérer. »

Pr Emmanuel Mitry, oncologue digestif à l'Institut Paoli-Calmettes
Pr Emmanuel Mitry, oncologue digestif à l’Institut Paoli-Calmettes

Un réseau de patients pour les patients

Cyril se retrouve avec 30 centimètres de gros intestin en moins et une stomie sur le ventre, cette poche pour recueillir les matières fécales. Prévue pour y rester 3 mois, il devra la conserver 8 mois. « On m’a aussi fait une petite chimio injectée pour être sûr qu’on avait bien tout nettoyé. »

Le chirurgien Bernard Pol (Hôpital Saint-Joseph) a insisté sur les progrès chirurgicaux « qui font que la stomie définitive d’emblée est devenue l’exception. » Il souhaite rassurer les patients qui doivent être opérés. Et de citer « l’amélioration de la préparation du malade, de la réhabilitation après le passage au bloc, la sécurité des interventions, et des innovations permettant des abords mini-invasifs. » Il ajoute que les perspectives d’avenir laissent entrevoir « peut-être la fin des résections rectales si morbides. » Bref, les innovations se multiplient tous azimuts.

Elles ont d’ailleurs fort bien réussi à Cyril Sarrauste. Aujourd’hui, en sciences basé à Montpellier sillonne le Sud pour faire connaître l’association de patients qu’il co-anime : Mon Réseau Cancer colorectal. Un site internet qui vient en aide aux malades dans tout le pays. Ils sont déjà un millier à s’informer et s’entraider. « Un truc important à savoir : il ne faut pas se demander « Mais qu’est-ce que j’ai fait de mal pour mériter ça? » Personne ne le mérite. Notre chance est qu’il existe plein de traitements, on est sur de la médecine personnalisée, adaptée à chacun. »

M. Cyril SARRAUSTE, association de patients « mon réseau cancer colorectal ».
M. Cyril SARRAUSTE, association de patients « mon réseau cancer colorectal ».

« Je suis guéri ! »

Cyril a terminé ses traitements depuis cinq ans, il mange ce qui lui plaît, fait du sport, et le plus beau est ce qu’il a confié l’autre soir : « Je suis désormais considéré comme guéri. » Ce qui ne l’empêche pas d’être un ardent apôtre du dépistage.

Le dépistage, c’est le dada du Pr Jean-François Seitz. Le vice-président du Centre régional de dépistage des cancers Sud-Paca, également réputé gastro-entérologue au CHU Timone, martèle la nécessité de l’accomplir, chiffres à l’appui : « Cette maladie devient fréquente à partir de 50 ans et son incidence double ensuite tous les dix ans. »

Augmentation des cas chez les femmes avant 50 ans

Les études montrent depuis 2010 une légère baisse des cas de cancer chez les hommes (-0,3%) et à l’inverse une hausse de 0,2% chez les femmes. « L’augmentation concerne particulièrement les femmes de 40 à 50 ans, c’est un phénomène mondial. » Ce qui explique peut-être pourquoi les Etats-Unis recommandent le test à partir de 45 ans alors qu’il est accessible à 50 ans en France.

Vous l’aurez compris, on a quand même tout sous la main pour prévenir et stopper bien amont, 9 fois sur 10, ce cancer, très méchant lorsqu’il est déclaré. Mais alors pourquoi tant de morts ? « Même quand on sait qu’on doit faire ce dépistage, eh bien on ne le fait pas, concède le Pr Nicolas André, oncologue à la Timone-Enfants et vice-président délégué à la Santé d’Aix-Marseille Université. Et nous les mecs, on est moins bons que les femmes sur le dépistage. L’université a un rôle crucial à jouer pour participer à ces campagnes de sensibilisation. Les médecins ont aussi une responsabilité. Ils n’arrivent pas à s’emparer suffisamment du dépistage, on doit progresser là-dessus. »

Pr Jean-François Seitz. Le vice-président du Centre régional de dépistage des cancers Sud-Paca
Pr Jean-François Seitz. Le vice-président du Centre régional de dépistage des cancers Sud-Paca

 

La zumba et le FIT, c’est chic !

Clôturant les interventions au nom de l’Agence Régionale de Santé, la Dr Elodie Cretel-Durand a résumé le tryptique : se faire dépister avec le FIT, bien manger, faire du sport. « J’ai la chance que mon mari fasse la cuisine, et je vais danser la zumba avec mes copines dans un cours deux fois par semaine et nager de temps en temps. » Avant de lancer ce slogan, paraphrasant l’entêtant tube disco-funk du groupe Chic en 1978 : « Le FIT, c’est chic ! » 

Merci docteur de nous avoir collé cette ritournelle dans les oreilles ! Le genre de truc dont on ne peut plus se débarrasser de toute la journée. Bon, si ça sert à sauver des vies en prévenant le cancer colorectal, on veut bien vous pardonner…

 

 

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