L’avenir du maraîchage est au bioclimatique

La serre pilote de Gérard Daumas à Mane (Alpes-de-Haute Provence) démontre que l'on peut faire du maraîchage dans les Alpes sans dépenser des sommes folles pour réchauffer semis et cultures. Visite commentée !

Economie

Céréalier et maraîcher bio depuis plus de 30 ans au mas de l’Aurore, à Mane (Alpes-de-Haute-Provence), Gérard Daumas a investi il y a quatre ans dans une serre trois murs bioclimatique. La struc­ture est constituée d’un mur d’eau au nord, où les bidons accumulent et conservent la chaleur en journée pour la restituer la nuit. « Autrement dit, s’il fait -10°c dehors, il fera 5°c dedans. Et tout cela, sans électricité, ni fuel, ni gaz, ni énergie fossile », pré­cise Marc, partenaire technique du Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab), partenaire de cette opération pilote qui implique également l’association Geres et Agrithermic. Quelques conditions doivent être réunies pour profiter de telles performances.

Les plants potagers se portent à merveille dans cette couveuse ultra performante. ©AM

Cinq principes à respecter

Selon Marc, qui intervenait lors d’une visite de la serre organisée par les partenaires de l’opération, cinq grands principes condi­tionnent ce type d’installation : un ensoleillement suffisant, obtenu avec une exposition sud ; une masse thermique au nord pour capter l’énergie, en l’occurrence l’eau des fûts, la terre dans les parpaings et les pierres ; une enveloppe en polycar­bonate, qui isole en laissant passer la lumière, plus performant que le plastique qui n’a aucun pouvoir isolant ; la ventilation, assurée par des portes latérales et des ouvrants au plafond, actionnés automatiquement par des vérins hydrauliques en fonction de la température, et, bien entendu, le bon usage de l’exploitant.

Amélie du Geres, Marc du Grab (à gauche) et Gérard (à droite), l’exploitant agricole. ©AM

Un seul épisode de gel en 4 ans

Gérard Daumas peut d’ailleurs en témoi­gner. Malgré quelques petites amé­liorations à prévoir, il est très satisfait du résultat. « Quand on n‘a pas cet outil, on s’en passe, admet-il,  mais dès qu’on le connaît, il devient vraiment indispen­sable ». Ses semis se portent bien. En quatre ans, il n’a constaté qu’un seul épisode de gel à l’intérieur de la serre, dû à un mois de janvier 2021 avec un ciel couvert en journée, donc sans soleil, et dégagé la nuit, laissant tomber le froid. Mais aucune perte à déplorer, les semis n’étant pas encore en place en janvier. Seuls trois plants d’Aloe vera ont un peu souffert.

Coût de l’installation : 136 € le m²

La construction de cette serre de 77 m² a nécessité un budget de 10 400 euros de matériaux et 700 heures de travail à l’agriculteur pour la mettre en place, soit 136 euros le mètre carré. Il a suivi les plans, « en essayant de respec­ter les proportions, précise l’exploitant, et en adaptant la masse thermique aux dimensions de la serre ». Tout l’enjeu était de trouver « l’incli­naison du plafond idéalement per­pendiculaire à l’ensoleillement. À refaire, ce serait plus rapide », affirme Gérard, comme pour rassurer les jeunes agriculteurs. Les difficultés n’ont pas manqué durant la construction. Notamment avec le polycarbonate, qui ne doit pas être en contact avec la structure métallique. Il a donc fallu trouver le moyen d’ajuster l’en­semble à l’aide de chevrons de bois qui ont également permis de renfor­cer les panneaux pour qu’ils tiennent sans gondoler sous leur propre poids, y compris avec de la neige sur le toit.

Le maraîcher recommande de choisir des panneaux de polycarbonate bleuté et de bonne
qualité pour autant de chaleur mais un peu moins de luminosité aveuglante. ©AM

La masse thermique de la serre est constituée de 60 bidons de 220 litres cha­cun, disposés sur trois niveaux avec un isolant en panneaux « sandwich » à l’arrière et au-dessus des fûts, tous peints en noir pour une meilleure captation de la chaleur. Même si « pour éviter les ravages des souris », Gérard doit disposer ses semis sur une table en hauteur, il apprécie de n’avoir « jamais eu de problème de maladie dans cette serre ».

Expérience partagée

Côté irrigation, il indique arroser une fois par jour, voire deux fois lors des épisodes de grande chaleur. Durant ce périodes, il ventile davan­tage en ouvrant les portes latérales, en complément des ouvrants hydrauliques qui fonctionnent de façon autonome. Il n’a ainsi pas eu besoin d’installer de bru­misateur.

Cette précieuse expérience, il la partage volontiers avec les jeunes agriculteurs venus visiter la serre, répondant à toutes leurs questions.

Selon Amélie Himpens, char­gée de projets « biomasse – énergie – agriculture – territoire – climat » du Geres, une serre bioclimatique correctement gérée permet des économies non négligeables. « Celle du lycée agri­cole de Carpentras a permis de réduire la consommation de fioul de 60 % en gardant la serre à une température constante de 8 degrés », indique-t-elle. Au mas de l’Aurore, la température extérieure est descendue jusqu’à – 2° la nuit précédant la visite, mais s’est maintenue à + 6° à l’intérieur. Selon Marc, du Grab, il est vrai que la serre de Gérard Daumas est la plus performante des dix serres pilotes actuellement suivies. Une réussite !

Aurélie Mendez

L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin.fr

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