Le combat victorieux de Cyril contre le cancer… continue !

Cyril Sarrauste a dû affronter le cancer du côlon à l'âge de 50 ans. On lui a retiré 60 centimètres d'intestin. Aujourd'hui en rémission, il a imaginé de monter une association de patients "Mon réseau cancer colorectal" afin de répondre aux questions comme à l'angoisse des personnes touchées par ce cancer qui est le 2e plus mortel. Il milite pour le dépistage chez tous les Français de plus de 50 ans car, repéré tôt, ce cancer se guérit 9 fois sur 10. Ce Montpelliérain participe à la campagne lancée par MProvence.

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Vous êtes responsable de l’association de patients « Mon réseau cancer colorectal » et vous avez été vous-même confronté à ce cancer. On a l’habitude d’entendre des médecins s’exprimer mais plus rarement des patients qui ont eu à affronter le cancer. Vous militez depuis plusieurs années pour faire entendre leur voix mais aussi pour les rassembler. Quelle est l’origine de votre engagement ?

Cyril Sarrauste : Comme pour tout le monde, ce cancer m’est tombé dessus. Je n’étais au courant de rien. Je n’avais quasiment jamais entendu parler de campagne de dépistage alors que je venais juste d’avoir 50 ans. Donc j’étais en plein dans la période. Et je n’ai pas pu passer par ce dépistage parce que j’avais déjà des symptômes, donc je suis allé directement à la coloscopie. En fait pendant mon parcours de soins, eh bien j’ai tout découvert de A à Z. Je me suis dit « C’est pas normal, pourquoi personne n’est au courant ? » Je suis quand même issu d’un milieu de la bio santé, c’est mon travail, donc même dans ce milieu là j’en avais rarement voire pas du tout entendu parler. Je me suis dit qu’il fallait que je communique auprès des autres via une association.

Du sang dans les selles

Vous dites que ça vous est « tombé dessus », comme ça. Qu’est-ce qui s’est passé ?

J’ai eu du du sang dans les selles et ça a duré une semaine. De mes cours de secourisme, je me rappelle que ce n’est pas bon d’avoir du sang qui sort par les voies naturelles. Donc j’ai demandé à avoir une coloscopie directement. Mais comme c’est asymptomatique, il n’y avait aucun signe avant-coureur. Je ne m’attendais pas du tout à avoir un cancer à 50 ans et un cancer colorectal dont je n’avais quasiment jamais entendu parler.

Et vous avez été pris en charge rapidement ?

Une fois que la coloscopie de ville s’est faite, le diagnostic de cancer a été posé. Mon gros avantage, c’est d’habiter dans une grande ville (Montpellier). Je suis dans le milieu de la science, donc en 2, 3 coups de fil j’ai pu avoir un suivi avec un chirurgien et un oncologue. Mais mon gastro-entérologue de ville m’a dit « il faudra trouver un chirurgien », et c’est tout. Il m’a laissé partir là-dessus.

Je ne peux plus courir

Aujourd’hui vous êtes guéri ?

Je suis en rémission, avec par contre des effets secondaires dus aux traitements, qui perdurent 5 ans après les derniers traitements.

Quels sont-ils ?

Ce sont des effets secondaires liés comme souvent avec ce cancer à des problèmes de transit irrégulier, transit compliqué, transit douloureux. Il y a des supers astuces pour améliorer le transit mais il ne reviendra pas forcément comme il était avant. J’ai des problèmes de neuropathie périphériques – perte de sensibilité, fourmillements au niveau des pieds et des mains et essentiellement des membres inférieurs qui typiquement m’empêchent de courir.  Je ne peux plus courir. Je peux marcher vite mais plus courir car je ne sais pas comment je pose mon pied sur le sol donc ça crée un danger.

Vous êtes également obligé de faire attention sur le plan de la vie quotidienne, dans l’hygiène de vie, l’alimentation ?

Pas du tout au niveau de l’alimentation – sauf évidemment en post opération où au début on nous demande de faire attention. Mais moi j’ai voulu réintroduire tous les aliments dans mon alimentation, vraiment tout ce que je mangeais, même du piment parce que j’ai vécu beaucoup sous les tropiques et j’adore ça. Ce n’était peut être pas forcément une bonne idée mais finalement le corps est bien fait et le corps s’habitue. Je connais des gens qui ont banni certains aliments et qui au bout de 4 ou 5 ans se sont dit  » Ah tiens, je vais le remettre » et après ils ne peuvent plus.

86% des Français veulent parler de leur pathologie avec des gens comme eux

Il y a donc une histoire personnelle à l’origine du réseau de patients que vous animez. Pourquoi ce besoin de partager ce combat, et qui vous a rejoint sur ce réseau ?

Ce besoin vient du fait que c’est quand même dommage d’avoir trouvé toutes ces solutions sur la pré opération, la pré stomie et pour améliorer ma qualité de vie. Je ne vais pas jouer mon égoïste dans mon coin à trouver des solutions pour améliorer ma qualité de vie sans partager avec les autres. Donc c’était vraiment ça le but. Et quand j’en ai parlé à des personnes qui sont malades depuis très longtemps, depuis bien plus longtemps que moi, elles n’en avaient jamais entendu parler. C’est ça qui m’a motivé.

Alors, qui m’a rejoint ? Finalement, comme on est la seule association en France qui parle du cancer colorectal, des cancers colorectaux on devrait dire, nous rejoignent tous les malades qui ont besoin de discuter avec nous. 86% des Français veulent parler de leur pathologie avec des gens ayant la même pathologie. Voilà, on est là ! Et on a aussi une entrée dans cette asso pour les aidants et les aidantes qu’il faut soutenir et qui sont pleins de questionnements et de questions par rapport à la maladie de leur conjoint/conjointe.

La grande question, c’est la poche sur le ventre…

Quelles questions reviennent le plus souvent ?

Il y a toujours la question avant opération : comment se passe une chimiothérapie, comment se passe une radiothérapie par exemple. Après, il y a la grande question de la stomie. La stomie, c’est quand même quelque chose qui fait très peur. La stomie, c’est l’abouchement d’une partie de l’intestin sur le ventre et c’est par cette partie là que vont sortir les selles de façon temporaire ou définitive dans une poche en plastique. Et ça, c’est vraiment quelque chose qui traumatise, qui est traumatisant psychologiquement, parce que votre corps est complètement changé. Cela va forcément impacter votre vie intime hein !

Est-ce que vous allez pouvoir vous montrer déshabillé voire nu, si on parle vie intime et sexuelle, devant un partenaire et cette poche collée au ventre sur laquelle vont arriver des excréments. C’est très compliqué. Donc il y a tout un accompagnement à faire et avant que ces gens ne passent à l’opération, souvent ils se posent la question. On leur dit qu’il ne faut pas avoir peur et surtout qu’il faut avoir un accompagnement psychologique si on a besoin, si on est traumatisé par ça.

Connaître sa maladie permet de mieux l’accepter

Est-ce que les médecins prennent le temps d’écouter cette parole de patient, qui prend forcément du temps pour un médecin ? Qu’est-ce que cet avis des patients apporte finalement aux soignants ?

Vous avez certainement entendu parler de la notion de « patient partenaire ». On en voit de plus en plus dans différents centres. Il y a toujours ces questionnements, est-ce qu’il faut rémunérer un patient partenaire ou pas ? Mais bon, les patients partenaires sont là. Ce sont des patients qui ont vécu une maladie cancéreuse, puisque c’est le sujet, qui sont diplômés d’une université et qui accompagnent le patient, qui accompagnent la co-construction de parcours de soins, voire qui accompagnent des soignants par exemple sur des consultations d’annonce. C’est vraiment du win-win, on leur fait gagner du temps (aux médecins) parce qu’il y a des choses qu’ils ne pourront pas expliquer ou pas forcément vulgariser pour le patient. Et le patient, lui, comprend mieux le message que veut lui faire passer le médecin.

Les patients qui s’informent, qui échangent, notamment sur votre réseau, qui partagent sur leur maladie, sont-ils mieux à même de l’affronter ?

Je n’aime pas trop la phrase suivante mais on l’entend partout : « Un patient éduqué est un meilleur patient ». Et quand je dis « éduqué », c’est vraiment pour qu’il comprenne ce qui se passe. Il faut comprendre sa maladie, comprendre ne serait-ce que l’anatomie. On parle d’un cancer colorectal, mais franchement qui fait vraiment la différence de fonction entre le côlon ascendant et le côlon descendant, le côlon transverse et le sigmoïde et le rectum ? Tout le monde pense que c’est le même bout de tuyau. Eh bien non, ils ont des fonctions différentes. Si on ne sait pas ce que ça fait, quelles sont les différences, si on ne comprend pas les traitements, on va moins bien accepter les traitements. Je pense effectivement que connaître les choses permet de mieux les accepter.

Il faudrait arriver à 60% de personnes dépistées

Quels sont les demandes ou les revendications de votre association ?

Aujourd’hui (NDLR : cet entretien a eu lieu à Marseille lors de la présentation devant la presse de « Mars Bleu », le mois du dépistage colorectal) on parlait de dépistage. Effectivement, il faut simplifier le système de dépistage. La revendication c’est que vraiment tout le monde soit au courant pour qu’il y ait beaucoup plus de personnes dépistées. L’Europe a émis le souhait – qui à mon avis est un peu irréalisable – qu’il y ait 90% des personnes éligibles qui se fassent dépister en 2025. On part de loin. Mais bon, si déjà on pouvait monter à 60% en France – ça veut dire doubler le nombre de personnes dépistées aujourd’hui – ça serait pas mal et ce serait assez extraordinaire (en France le dépistage est proposé tous les deux ans à tous les assurés sociaux entre 50 et 74 ans).

Les revendications, c’est avoir accès aux soins de support. Ce n’est pas encore le cas. Une fois qu’on a été malade, il y a beaucoup de soignants qui ne proposent pas ces soins de support alors qu’il y en a 5 qui sont obligatoires selon l’Institut National du Cancer, et il y en a 4 qui sont optionnels. Je n’aime pas le terme « option » pour du soin… Il faut surtout démystifier les choses, accompagner et écouter le patient dans ses soins. Parce que l’hôpital c’est bien, la clinique c’est bien, on est soigné, mais une fois que le cancer est « parti », on vous lâche dans la nature. Quid du retour au travail ? Or on a pu le perdre pendant longtemps. Quid de la reconnaissance de soi-même, de son image, du partage et de sa qualité de vie ?

Le retour au travail est très compliqué

Tout à l’heure en conférence de presse, vous disiez que l’après cancer justement c’est très compliqué, y compris dans les couples. Pourquoi ?

L’après cancer est très compliqué. Déjà dans le travail c’est certain. Lorsqu’on y retourne, peut-être qu’on n’a pas vu ses collègues pendant plusieurs semaines, plusieurs mois voire plusieurs années, et vous revenez là tout d’un coup. Ils vous regardent un peu bizarrement, si ça se trouve il y a eu du turnover et ils ne savent même pas qui vous êtes ! Donc il est compliqué de reprendre une place qui a été « vacante » pendant quelque temps. D’ailleurs il y a énormément de patients qui changent de métier après un cancer ou parce que leur entreprise n’en veut plus, ou parce qu’eux-mêmes réalisent finalement qu’on est différent après un cancer, on n’est plus le même. On n’est pas forcément moins bien, on n’est pas forcément mieux, mais on est différent.

Sexualité impactée

Dans les couples c’est compliqué. Il y a des conjoints et des conjointes qui ne supportent pas la maladie de l’autre, qui ne supportent pas ce que ça renvoie ou à soi-même ou l’image de l’autre. Souvent c’est quand même une des grosses raisons des problématiques sexuelles puisque la radiothérapie et la chimiothérapie – particulièrement la radiothérapie au niveau du petit bassin de cette zone là, ça a de l’impact aussi bien chez les hommes que chez les femmes – et donc cela a une répercussion. Après, il suffit, si on ne parle que du côté sexuel, de réinventer sa sexualité. Mais tout le monde n’a pas envie et tout le monde n’est pas apte à le faire. Et la maladie fait peur quand même ! Est-ce qu’on peut supporter quelqu’un qui est malade ou qui a été malade ? Finalement il y a toujours cette épée de Damoclès puisque quelqu’un qui a eu un cancer a toujours plus de « chance » d’en avoir un autre que quelqu’un qui n’en a jamais eu.

Qui va me répondre si je me connecte sur votre site Mon réseau cancer colorectal ?

Quand vous vous connectez, vous remplissez un petit formulaire avec un pseudo parce que c’est complètement anonyme. On vous demande si vous voulez parler de votre histoire médicale, à savoir quel type de cancer vous avez, dans quelle région vous êtes… C’est comme un fil de discussion, vous pouvez discuter avec différents patients et s’ils ont rempli leur historique vous savez comment les situer. Il y a différents sous-groupes sur des thématiques particulières. Il y a un sous-groupe stomie, un sous-groupe cancer canal anal, même si ce n’est pas un cancer colorectal, un autre sur la sexualité, etcetera. Vous êtes accueillis par les gens qui sont là le jour où vous vous connectez et par une modératrice qui très gentiment accueille tous les nouveaux membres. Cela fait deux ans et demi qu’on existe, on ne doit pas être loin des 1 500 abonnés.

Plus d’informations : https://www.monreseau-cancercolorectal.com/

Cyril Sarrauste sera présent dimanche 10 mars à la course Mars Bleu au Parc Borély de Marseille (entre 9h30 et 12h30).

Il interviendra lors de la conférence publique sur le cancer colorectal organisée par MProvence mardi 16 avril à 18h à Aix-Marseille Université, Jardin du Pharo, 58 Bd Charles Livon, 13007 Marseille (entrée libre) : « Sauver 10 000 vies, peut-être la vôtre ! » Hygiène de vie, alimentation, activité physique, dépistage : comment prévenir ce cancer.

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