« On a décidé de dire non »
Tout commence en 2020, à Frais-Vallon, quartier défavorisé du 13ème arrondissement de Marseille. À 16 ans et demi, Amine Kessaci fonde l’association « Conscience » avec quelques amis. Une démarche basée sur un constat dramatique : « des jeunes sont régulièrement assassinés dans les quartiers nord, on a décidé de dire non, cela ne doit pas se banaliser » explique le président et fondateur, alors que 33 enfants de Marseille ont été exécutés en 2022, et autant de familles brisées.
Un combat qui fait écho à son parcours de vie, lui qui a perdu son frère dans un règlement de comptes. C’est ainsi que les premières actions de l’association ont consisté à accompagner psychologiquement et matériellement les familles endeuillées par le trafic de drogue. Mais elles se sont rapidement élargies face aux immenses besoins des jeunes des quartiers populaires : « on leur trouve un emploi, on aide pour le transport, l’éducation, on procure de l’aide alimentaire aux personnes en situation de précarité, on essaye de lever tous ces freins ».
« Au début on était 4 à se lancer dans cette aventure, aujourd’hui on est 1700, répartis dans 22 antennes » à travers tout le pays, se réjouit-il. Le nom « Conscience » se veut rassembleur, pour évoquer l’engagement sociétal au sens large, sans se restreindre aux quartiers nord, ou à l’écologie, un des combats originaux du mouvement. Si l’association reste 100% Made in Marseille, elle a désormais changé d’échelle, pour atteindre une envergure nationale. « On vient des quartiers nord, on ne veut absolument pas se déplacer à Paris ni se boboiser. Mais on n’oublie pas les autres, on s’implante un peu partout ».
L’enfant des quartiers nord s’est révélé aux yeux du monde par un fait d’armes inattendu : lors de la visite d’Emmanuel Macron, venu en 2021 dans la cité phocéenne pour annoncer son plan « Marseille en grand », le jeune responsable associatif n’a pas hésité à l’interpeller, pour le sommer d’aider sa ville par un plan concerté avec les locaux, et pas élaboré depuis les hautes sphères parisiennes. Son audace lui vaudra finalement une subvention de l’État pour soutenir son action. C’est là que le Crédit Coopératif entre en jeu.
« Cette aventure a commencé dans l’urgence, Conscience devait toucher une subvention, mais sa banque ne donnait pas suite assez rapidement. On m’a appelé au secours, j’ai réussi à leur ouvrir un compte bancaire en 48h » raconte Stéphane Salord, président du Crédit Coopératif Paca. Depuis lors, l’établissement n’a jamais cessé d’accompagner Conscience, jusqu’à proposer à son fondateur d’intégrer les sociétaires de cette « banque très engagée sur les questions de société, et la plus décarbonée grâce à ses engagements financiers ». L’enjeu, c’est que « vous n’ouvrez pas votre journal le matin en voyant que le Crédit coopératif est lié à un scandale financier, les gens comprennent leur pouvoir bancaire, venir ici n’est pas neutre » détaille Stéphane Salord. Amine Kessaci est désormais le plus jeune sociétaire du conseil d’administration du Crédit Coopératif.
Dans les locaux de sa banque, ce dernier dévoile les dessous du dernier rebondissement de sa jeune carrière : le mois dernier, il s’est vu décerner le prix national des leaders positifs 2023, réalisé par l’ONG Positive Planète, pour l’ensemble de son œuvre en faveur des habitants des quartiers populaires. Une première place parmi un classement très concurrentiel de 35 personnalités sélectionnées, qui fait de cet étudiant en droit le « jeune le plus engagé de France ». Une sélection qu’il a failli manquer, perdue dans le flot de sollicitations et de mails qu’il reçoit chaque jour. « Ce prix, je le dédie à tous les jeunes Marseillais à qui on a dit que leur rêve est voué à l’échec, je leur dis croyez en vous et en vos projets ! » conclut le jeune associatif, dont Marseille et la France n’ont pas fini d’entendre parler.
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