Le futur des Alpes du sud au défi du réchauffement climatique

Menacées par la baisse des précipitations neigeuses et la hausse des températures, les 60 stations des Alpes du sud gardent foi en l’avenir de leurs activités, hiver comme été. A l’occasion d’Altitude 2023, un événement prospectif organisé par le Conseil régional, Renaud Muselier leur a redit sa volonté de soutenir leur adaptation aux conditions nouvelles et confirmé sa volonté de candidater pour les JO d’hiver de 2034 ou 2038

Montagne / Alpes du Sud

Locomotives du tourisme hivernal dans la région depuis les années 1960, les stations des Alpes du sud sont-elles suffisamment armées pour résister au réchauffement climatique et maintenir leur activité au cours des prochaines décennies ? Ces questions auxquelles réfléchissent les acteurs de la montagne depuis une bonne quinzaine d’années étaient au coeur d’Altitude 2023, l’événement organisé le 9 mars dernier à l’hôtel de Région pour « tracer l’avenir de nos stations » et anticiper les conséquences de la baisse annoncée de l’enneigement en altitude. Lui-même amoureux de la montagne, qu’il fréquente été comme hiver, le président (Ren) du Conseil régional, Renaud Muselier, est évidemment préoccupé par le futur des quelque 60 stations des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence et des Alpes-Maritimes. Outre le « plan de reconquête pour l’économie des territoires de montagne », lancé en 2021 à la suite de la crise sanitaire, les élus régionaux ont voté, fin 2021, sous son impulsion, un « contrat station 2030 » doté de 200 millions d’euros (100 millions destinés aux stations et 100 millions aux vallées) pour moderniser les remontées mécaniques, diversifier l’offre touristique et innover pour l’environnement, afin de garantir la viabilité économique des activités de montagne dans le futur.

Pour autant, rien ne permet de certifier que les offres touristiques développées dans les Alpes du sud depuis le milieu du XXe siècle resteront d’actualité sur l’ensemble des massifs d’ici la fin de ce siècle. La première incertitude concerne évidemment le niveau d’enneigement, qui ne cesse de baisser, et les températures, qui ne cessent de monter depuis qu’on mesure ces deux paramètres en altitude. Afin de savoir sur quel pied danser, le Région Sud a recours depuis 2021 aux services de ClimSnow, un consortium créé en 2020 par MétéoFrance, l’Inrae et le cabinet Dianeige, afin de fournir aux exploitants des stations des données prospectives fiables sur l’impact du changement climatique sur les conditions d’exploitation des domaines skiables. Et que disent les travaux de ClimSnow sur l’enneigement futur des Alpes du sud ? Pourra-t-on encore skier dans nos stations en 2050 ? « Dans la plupart des cas, oui », assure Carlo Carmagnola, de MétéoFrance, qui pilote l’étude ClimSnow sur 48 stations de la région. Selon lui, tout dépend de l’altitude, de l’exposition et des équipements comme les canons à neige, mais « ce qui est sûr, c’est que les stations qui seront fermées dans 30 ans sont celles qui sont déjà en difficultés aujourd’hui ». En clair, les stations de moyenne montagne exposées au sud ont peu de chance de s’en sortir, alors que celles dont l’essentiel du domaine skiable est situé entre 2000 et 3000 m d’altitude devraient pouvoir poursuivre leurs activités en hiver, surtout si elles sont principalement exposées au nord. Carlo Carmognola rappelle néanmoins qu’aujourd’hui, les massifs des Alpes du sud éprouvent des difficultés d’enneigement naturel « environ une année sur cinq » et prédit que dans 30 ans, « ce sera plutôt une année sur deux. »

Comment assurer une viabilité économique dans ces conditions ?

En jouant sur la production de neige de culture, comme le font déjà la grande majorité des stations de la région ?

C’est l’une des armes à la disposition des exploitants,  même s’il ne faut guère se bercer d’illusions sur la capacité de ces technologies à pallier l’absence de neige naturelle. D’une part parce que la baisse annoncée des précipitations risque de fragiliser les ressources en eau indispensables à la production de neige artificielle. D’autre part parce que le réchauffement pourrait bien compromettre le recours à cette solution, qui nécessite des températures négatives pour fonctionner correctement. Sans compter les quantités d’énergie phénoménales qu’il faut consommer pour amener l’eau dans les enneigeurs et la transformer en cristaux blancs. Ni l’opposition d’une fraction grandissante de la population, plus inquiète pour la préservation de la ressource en eau des vallées alpines que pour le plaisir et le confort des skieurs.

En développant une offre touristique « quatre saisons » dans les Alpes du sud, comme le suggère Eliane Bareille, la présidente (LR) du département des Alpes-de-Haute-Provence ? C’est une des pistes privilégiées par les acteurs du tourisme, mais là encore, on ne peut guère en attendre de miracle. D’autant que les stations n’ont guère attendu l’alerte climatique pour développer des offres estivales, avec d’ailleurs un certain succès. Dans l’Ubaye, par exemple, cela fait déjà près de 20 ans que le chiffre d’affaires de l’été a dépassé celui de l’hiver. Mais les opportunités de développement restent néanmoins nombreuses, y compris en termes démographiques. « Les prévisions nous disent que la population des Alpes devrait augmenter de 25% dans les trente prochaines années, contre 9% au niveau national », a indiqué Arnaud Murgia, maire de Briançon et président du parc national des Ecrins, soulignant toutefois la nécessité de développer des accès routiers plus adaptés à la demande et, surtout, une offre ferroviaire réellement attractive. « Si on continue de mettre deux heures de plus pour faire Marseille-Briançon en train par rapport à la voiture, les gens continueront de venir en voiture », a-t-il pronostiqué, rappelant que la plus grosse part du bilan carbone des stations tenait aux déplacements de la clientèle depuis son lieu de résidence.

Quoi qu’il en soit, élus, exploitants, professionnels de la montagne et sportifs de haut niveau, à l’image des champions olympiques Pierre Vaultier et Christine Rossi, veulent tous croire en l’avenir des Alpes du sud, y compris en hiver. Car, comme l’a souligné Pierre Vollaire, maire des Orres et vice-président de l’association nationale des maires de stations de montagne, « l’activité ski a une valeur ajoutée inégalable » pour l’économie des zones de montagne. La crise sanitaire est d’ailleurs venue le rappeler à ceux qui en doutaient : « Quand les domaines skiables sont fermés, c’est 50% de fréquentation en moins », a redit Alexandre Maulin, président de domaines skiables de France, même si « 60 à 65% du chiffre d’affaires touristique dans les Alpes est fait hors stations », selon Frédi Meignan, vice-président de Mountain Wilderness France.

Renaud Muselier est le premier à y croire, lui qui a annoncé fin 2021 son intention de candidater à l’organisation des jeux olympiques d’hiver 2034 ou 2038 ; intention confirmée à l’occasion d’Altitude 2023. « La totalité des présidents de départements, les chambres de commerce, les chambres de métiers, le monde de la montagne dans sa globalité… sur le principe, j’ai le soutien de tout le monde », a-t-il martelé, convaincu que « ce territoire béni des dieux » disposait de tous les atouts pour convaincre le Comité olympique international de venir y planter ses anneaux dans 12 ou 16 ans. D’autant plus volontiers que le président de Région envisage des jeux « un peu comme ceux de Lillehammer » en 1994, c’est-à-dire « l’inverse de Sotchi et de Pékin », où la Russie et la Chine ont englouti des sommes astronomiques sans trop se soucier des questions climatiques et environnementales. Il se dit néanmoins prêt à soutenir les projets susceptibles d’assurer la pérennité des stations à long terme, même si « on n’est pas là pour financer des projets pas viables », expliquant qu’il entendait « s’appuyer sur les scientifiques » pour décider. Parmi ces projets figurent notamment les « ascenseurs valléens », de gros porteurs partant du bas des vallées pour hisser la clientèle jusqu’aux stations, afin de limiter le trafic routier en altitude, comme cela existe déjà en Suisse. Dans la perspective de la candidature olympique, Renaud Muselier pousse aussi les stations à se fédérer, à l’image de « l’Espace Lumière » qui doit sécuriser la liaison entre les domaines de Pra-Loup et de la Foux d’Allos, qui offrent à eux deux 180 km de pistes. Vingt-cinq après la candidature malheureuse de Vallouise-Pelvoux-Ecrins pour les JO de 2018, la deuxième tentative sera peut-être la bonne.

Hervé Vaudoit

 

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