C’est en 1977, sous l’impulsion de Philippe Lamour, que le parc naturel régional est créé. Un pari tout autant qu’une nécessité, voilà ce que justifiait cet instant majeur pour le devenir du territoire et de ses habitants. Il fallait un homme d’exception, visionnaire et d’une autorité naturelle, pour y parvenir. Bien que n’étant pas Queyrassin de souche, et c’est peut-être là la clef de la réussite, Philippe Lamour a su rallier la population.
Le devenir de cet espace vanté pour sa beauté environnementale, la richesse de sa flore et de sa faune, la persévérance de ses hommes et de ses femmes, a connu un point d’étape important les 21 et 22 janvier. Un colloque scientifique a ainsi abordé quatre thématiques : l’eau ; la faune, la flore, la forêt ; l’humain dans son environnement et l’agriculture. « Les vertes prairies qui s’étendent en fond de vallées sont les fruits d’un héritage agricole ancien, témoignant de pratiques traditionnelles encore en vigueur. Ressource en fourrage indispensable pour les éleveurs, les prés de fauche recèlent des trésors de biodiversité. »
Plus haut, au-dessus des derniers boisements, les pelouses d’altitude accueillent les transhumants et leurs milliers de bêtes lors de l’estive. Comment concilier les pratiques agricoles et, plus globalement, les activités humaines avec le maintien en bonne santé d’un espace au sein duquel l’homme est en certaines circonstances considéré comme un intrus ?
L’activité pastorale est un facteur de diversité floristique
Sylvain Abdulhak, botaniste et phytoécologue au Conservatoire botanique national alpin, Rémi Duthoit, paysagiste, Dominique Gauthier, éco-pathologue, et Jacques Lasseur, spécialiste du pastoralisme à l’Inrae, ont tour à tour déroulé les enjeux que la future charte doit prendre en compte. La question du développement se posant aux différents acteurs de ce territoire, comment y parvenir ? La flore et la biodiversité du Queyras étant d’une richesse exceptionnelle, quelle place pour l’homme ? Quand on sait que « les prairies de fauche sont remarquables, au point de contenir plus de 100 espèces florales, parfois 40 à 50 au mètre carré », l’agriculteur a posé son empreinte de manière harmonieuse. « L’activité pastorale est un facteur de diversité floristique » ont entendu les participants au colloque.
La vigilance est de mise pour limiter les dégradations, par exemple les sols qui sont modifiés là où le bétail est trop présent. Les parcours d’estive et lieux de chaume des bêtes doivent être davantage épargnés. Afin d’atténuer la pression sur les alpages d’altitude, des équipements pour les bergers sont bienvenus, leur évitant des retours à la cabane, leur camp de base. Ainsi, des cabanes mobiles se mettent à parcourir la montagne plutôt que le troupeau. Dans l’espace forestier, la pression de l’élevage est utile pour éviter que les espaces se ferment. « Il n’y a jamais eu autant de forêt en France ! » Un juste équilibre est donc à trouver entre les espaces et leurs usages.
La faune sauvage n’est pas un troupeau !
Les choses se compliquent un peu plus quand vient le moment d’aborder l’écosystème sanitaire, entre la faune sauvage, la faune domestique et la présence de l’homme. Et vice-versa… Les interactions deviennent la règle.
En 2004, la pestivirose du chamois a sévi dans le Queyras, notamment dans le secteur de Ristolas. La mortalité a augmenté, la reproduction a baissé, la cause était ovine. Et cette alerte selon laquelle « la faune sauvage n’est pas un troupeau. » Dans le même temps, l’aspiration de notre société – de consommation – porte sur des produits plus authentiques, plus naturels, plus proches également.
La dynamique agricole et l’enjeu de développement durable croisent la route de cette aspiration sociétale. Le territoire queyrassin est astreint en outre à un rôle de « paysage admirable ». Rappelons-nous cette idée mise en avant il y a quelques décennies, que l’agriculteur en montagne était ou pouvait être « un jardinier du paysage ». Concept rejeté, car ledit agriculteur se considérait, à juste titre sans doute, comme un producteur. De nos jours, souvent jugé par des critiques « hors sol », il prend le contrepied. « Qui entretient l’environnement ? Nous, les agriculteurs ! » Ce qui est vrai au demeurant.
Autre problématique queyrassine, la démographie. Dans l’optique d’une croissance se pose la question suivante : quel type d’habitat et à quel endroit ? La réponse tiendra dans des solutions originales puisque le climat, qui se réchauffe à l’excès, vient apporter son impact, en particulier sur le plan touristique, avec une nouvelle donne pour le tourisme hivernal. Déjà, des exemples sortent de la réflexion d’étudiants, comme la mutation de pistes de ski devenues obsolètes en vergers de fruits rouges. Ou encore, plus inattendue, la transformation d’une chapelle en réservoir d’eau… Le nouveau souffle proviendra, à coup sûr, de l’imagination contributive.
Qu’est-ce qu’un parc naturel régional ?
C’est un territoire rural habité, reconnu au niveau national pour sa forte valeur patrimoniale et paysagère. Pour diverses raisons, il est aussi identifié comme étant fragile.
Ses missions :
• Préserver et valoriser les patrimoines naturels et culturels.
• Favoriser le développement économique et la qualité du cadre de vie.
• Aménager le territoires.
• Informer et sensibiliser les habitants et les visiteurs.
• Conduire des actions expérimentales ou innovantes.
Fiche d’identité du Parc naturel régional du Queyras
• 610 km²
• 2 400 habitants
• 2 300 m d’altitude moyenne
• Point culminant : Pic de la Font-Sancte, 3 385 m
• Dix communes : Abriès-Ristolas, Aiguilles, Arvieux, Ceillac, Château-Ville-Vieille, Eygliers, Guillestre, Molines-en-Queyras, Saint-Véran, Vars
Maurice Fortoul
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