Le salon Euromaritime, organisé,du 28 au 30 juin à Marseille par la Société d’organisation et de gestion d’événements navals (Sogena) pour le compte du groupe Ouest-France/le Marin, proposait jeudi 30 juin une table ronde sur « le transport de passagers et la croisière de luxe face aux changements de la société ». Un sujet brûlant, au moment où un peu partout en Méditerranée, de nombreuses villes réfléchissent à suivre les exemples de Venise, Dubrovnik ou encore Palma de Majorque, qui ont limité le nombre de navires et de croisiéristes, en réponse au ras le bol des populations locales devant ce tourisme de masse et la pollution engendrée.
Jean-François Suhas, président du Club de la croisière Marseille-Provence, se dit conscient du problème. « Nous devons nous adapter, expliquer et convaincre que nous agissons, plaide-t-il. L’acceptabilité de la croisière se joue en mer, à quai et sur terre ». Une problématique à considérer donc dans sa globalité, car mal maîtrisées, les nuisances concernent la pollution de l’air et de la mer, la destruction des fonds marins lors des mouillages, le bruit pour les riverains mais aussi pour la faune marine, la saturation des sites touristiques. « Nous nous heurtons à de très grandes difficultés, » constate Jean-François Suhas, regrettant que « trop de gens oublient que, dans des villes comme Marseille, beaucoup de monde vit grâce au port et aux croisières. »
Trouver un nouvel équilibre
L’adjoint au préfet maritime de la Méditerranée, Thierry Duchesne, se pose la question du gigantisme. « L’avenir est-il dans cette voie ? Ne vaut-il pas mieux utiliser des navires de taille raisonnable, plus acceptables par la population ? Il faut trouver le bon équilibre car la croisière génère d’importantes retombées économiques en France, que ce soit dans la construction ou dans le tourisme. Son rejet par une partie de nos concitoyens doit alerter. »
Alors que les plus grands armateurs misent sur la démesure pour améliorer leur rentabilité, la compagnie du Ponant joue la carte de la croisière à taille humaine, avec des unités modernes et de petite taille. « Je comprends que la population soit choquée quand elle voit la fumée noire que dégagent les paquebots géants à quai » souligne Charles Gravatte, secrétaire général du groupe Ponant. « Nous avons déjà réduit de plus de 80% nos émissions polluantes en optant pour de nouveaux carburants et en privilégiant le branchement électrique à quai (qui permet de couper le moteur des navires durant les escales, ndlr). » Bien sûr, encore faut-il que l’électricité ne soit pas produire par des groupes électrogènes fonctionnant au fioul. « Pour l’instant, nous n’arrivons pas à la neutralité carbone, regrette Charles Gravatte, soulignant néanmoins que la recherche avance ».
Responsable des relations institutionnelles chez Armateurs de France, Laurène Niamba confirme. « En liaison avec les ONG, les scientifiques, les élus, les administrations, les armateurs sont engagés pour améliorer les performances environnementales des navires. Nous demandons seulement de la visibilité et que les règles soient les mêmes pour tous. Il existe tout un panel de d’actions à mettre en œuvre : l’optimisation de la vitesse, le branchement à quai, l’utilisation de carburants performants et bien d’autres solutions techniques. Ici, à Marseille, La Méridionale a réalisé une première mondiale en utilisant des filtres à particules. Nous devons poursuivre dans cette voie ».
Extension des zones Seca et Pelagos
Quand les armateurs font du sur place, ou avancent très lentement, l’autorité publique doit intervenir. « J’ai constaté avec satisfaction que le 6 juin, le port de Nice a expulsé l’Aegean Odyssey, car jugé trop polluant (en termes de bruit et de fumées). Cannes l’a refusé et il a finalement accosté à Marseille », relate Thierry Duchesne. « Parfois, il faut mettre les gens dos au mur pour qu’ils agissent. Nous recevons beaucoup de plaintes des populations littorales s’indignant des nuisances des navires ». Thierry Duchesne avertit que ses services se mobilisent sur les problématiques de bruit, de rejets atmosphériques, mais aussi de destruction des fonds marins et de pollution lumineuse. « Les cartographies de nos fonds marins son inquiétantes. Dans des endroits comme Calvi ou le golfe de Juan les Pins, 30% des herbiers de posidonies ont disparu », déplore-t-il, annonçant toutefois l’extension du sanctuaire Pelagos, cet espace maritime créé il y a plus de 20 ans entre l’Italie, Monaco et la France pour la protection des mammifères marins. Il s’étendra désormais à tout le nord du bassin occidental méditerranéen et sera transformé en Zone Maritime Particulièrement Vulnérable. Les navires les plus bruyants et les plus polluants en seront écartés.
Déjà, les coffres remplacent progressivement les mouillages à l’aencre, destructeurs des herbiers de posidonie. « Nous avançons à marche forcée pour répondre aux contraintes réglementaires », souligne Jean-François Suhas, expliquant que « des navires vont devoir quitter les eaux européennes. Les mouillages ne seront bientôt plus acceptés que sur coffre et sur batteries. À terre, les bus devront fonctionner à l’électricité. Toute la Méditerranée sera en zone Seca (1) en 2025. Le monde des croisières change, de façon globale. Nous arrivons, grâce au numérique, à gérer les flux de touristes, à éviter les saturations. A Cassis, nous avons travaillé avec la mairie pour mettre en place un moratoire qui limite le nombre de mouillages, de taille des navires, avec seul site où jeter l’ancre, loin des herbiers de posidonie. Nous avons fait de même à La Ciotat ».
Gérard Tur
- (1): Zone où les émissions d’oxydes de soufre ne doivent pas excéder à 0,1% des volumes de fumées émis.
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