Les producteurs d’huiles essentielles vent debout contre l’Europe

Economie

Inquiets pour leur avenir, les professionnels des huiles essentielles ont convaincu le président (LR) de la Région Sud, Renaud Muselier, d’aller en personne défendre leurs positions à Bruxelles.

La réglementation européenne REACH (pour Registration, evaluation and authorisation of cHemicals) qui pourrait aboutir au classement des huiles essentielles comme des produits dangereux, au même titre que les produits de syn­thèse, ne cesse de préoccuper les producteurs qui se mobilisent.

Pétition citoyenne

Au début de l’été, une pétition citoyenne a été lancée par les agri­culteurs et distillateurs de la filière Plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), représentés par PPAM de France, l’Union des professionnels des PPAM. Elle a déjà recueilli plus de 135 000 signatures. Dans ce texte, ils demandent la prise en compte de la spécificité des produits natu­rels, en particulier celle des huiles essentielles.

La mobilisation face à cette menace a été immédiate, aussi bien au niveau de la population que des élus de tous bords. Tous se sont emparé du problème et l’ont relayé. Des pan­neaux d’avertissement ont même « fleuri » dans de nombreux champs au bord des routes pour dénoncer le danger qui plane.

Avec la rentrée, les élus et les mem­bres de la profession ont décidé de mener des actions fortes et de mon­ter au créneau.

Le 23 août dernier, André Bernard, le président de la chambre régio­nale d’agriculture, Georgia Lambertin, présidente de la chambre d’agri­culture de Vaucluse, Gérard Brun, vice-président de la chambre d’agri­culture des Alpes-de-Haute-Provence, Sandrine Faucou, secrétaire adjointe, Guillaume Burcheri repré­sentant des producteurs du plateau d’Albion et du Pays de Banon, et Magali Malavard, productrice de Sault, ont ainsi pris la parole à Revest-du-Bion pour exprimer leurs inquiétudes.

©AG

Lanceurs d’alerte

André Bernard a débuté son inter­vention en assurant les producteurs du soutien le plus total de la cham­bre régionale, incitant le maxi­mum de personnes à signer la péti­tion. « Il est impossible d’imaginer la Provence sans la lavande, se désolait-il. Ces cultures doivent vivre et prospérer. Le rôle de la chambre régionale est de jouer le rôle d’inter­médiaire et de mettre en place diffé­rents moyens pour que les agricul­teurs puissent s’épanouir. Nous devons être innovants pour les accompagner. ».

Outre ce problème de réglementa­tion européenne il a insisté sur l’im­portance de la question de l’eau qui est centrale dans la région afin de préserver les cultures et d’éviter des catastrophes comme les incendies ravageurs qui se sont produits dans le Var et en Vaucluse cet été. Il a été rejoint sur cette question par Magali Malavard qui expliquait que dans un territoire où l’accès à l’eau était réduit voire inexistant les cultures de plantes aromatiques et médici­nales étaient les seules possibles. « Qu’en serait-il si elles étaient inter­dites ? », questionnait-elle.

Gérard Brun qui représentait Frédéric Esmiol, le président de la CA 04 retenu sur son exploitation, déplo­rait, quant à lui, que les décisions soient prises par des fonctionnaires. « Nous aimerions les rencontrer, leur faire remonter les informations pour que les parlementaires soient vrai­ment au courant de nos problèmes », expliquait-il.

Tous se positionnaient en tant que lanceurs d’alerte et rappelaient que c’était les politiques qui avaient le pouvoir.

Des cultures modernes et d’avenir

Des élus qui s’étaient donné rendez-vous à l’appel de la Région quelques jours plus tard, jeudi 26 à Puimoisson dans les locaux de la coopérative SCA3P.

Conseillers régionaux, départemen­taux, communautaires, maires, représentants syndicaux, du monde économique et touristique, produc­teurs, etc. tous étaient présents autour de Renaud Muselier, le prési­dent de la région Sud qui effectuait là son premier déplacement officiel depuis sa réélection.

Il était notamment accompagné par ses vice-présidents David Géhant et Bénédicte Martin en charge de l’agriculture et de la pré­sidente du département de Vaucluse Dominique Santoni.

Accueilli par Éliane Barreille, prési­dente du Conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence, Laurent Depieds président de la FDSEA, Jean-Michel Cotta, président de la SCA3P et du Crieppam Renaud Muselier a débuté sa visite par une présentation de la coopérative et de ses locaux avant de participer à une table ronde qui réunissait les élus et des producteurs inquiets.

Renaud Muselier, part en campagne pour défendre la lavande ©AG

Le président de la Région Sud au soutien

Renaud Muselier a lancé la rencon­tre par cette phrase révélatrice « Si on est là, c’est qu’on a un problème ! » avant de laisser la parole à Laurent Depieds qui rappelait à quel point ces productions étaient embléma­tiques de la région. « Ce sont des cul­tures modernes et d’avenir qui identi­fient la région Sud comme un territoire des senteurs et des saveurs. Elles s’inscrivent dans le patrimoine territorial du département mais aussi de la région. Elles ont un gros impact en termes d’économie et de dévelop­pement territorial », précisait-il avant de rappeler les chiffres de la filière notamment au niveau de l’emploi : 9 000 directs, 17 000 indirects. Il a terminé son allocution avec une petite provocation récurrente à l’égard du président : « Vous êtes bon, très bon mais vous pouvez être encore meilleur ! ».

Jean-Michel Cotta pour la SCA3P et Bernard Granet pour la coopérative Parfums Provence Ventoux, respec­tivement première et deuxième coopératives de plantes à parfums de France, ont présenté leurs struc­tures et les enjeux qui les concer­naient.

Défendre un patrimoine et un art de vivre

Alain Aubanel, président du syndi­cat PPAM de France a débuté son intervention par des remarques pleines d’ironie et de second degré en rebondissant sur le fait que Renaud Muselier venait de sentir des produits classés comme dange­reux par l’Europe et qu’il tenait à sa disposition le numéro du centre antipoison.

Reprenant son sérieux il soulignait : « avec les producteurs nous avons démarré un combat pour défendre nos productions, non pas dans un souci mercantile mais pour défendre un patrimoine et un art de vivre. La réglementation européenne va rendre impossible l’utilisation des produits naturels. Si c’est dangereux sur la peau, quelle est la prochaine étape ? C’est une attaque injustifiée sur des produits naturels. Mais c’est vrai, nous n’avons que 2 000 ans de recul et des médecins qui disent que c’est fantas­tique…, raillait-il. On confond le dan­ger et le risque… Je pense que Bruxelles a oublié que le naturel exis­tait. Nous sommes un peu assommés par ce qui va nous tomber dessus. Nous avons besoin de votre aide et du soutien des élus locaux. L’État français doit avoir une position ferme. »

Philippe Soguel, vice-président PPAM de France et président du col­lège des distillateurs a ensuite pris la parole en expliquant qu’il s’était « passionné » pour le sujet depuis de nombreuses années et que la ques­tion n‘était pas fondamentalement de sortir de la réglementation REACH car les consommateurs avaient besoin de ces réglementa­tions mais que certains points étaient très préoccupants dont celui des sensibilisants cutanés. « Aujourd’hui il n’y a rien d’écrit mais des discussions sont en cours et c’est là qu’il faut y aller sinon c’est fini pour nous », assénait-il. Il a prôné un retour d’une mission interministé­rielle afin défendre une position nationale. « La France doit être au ren­dez-vous ce coup-ci ! », martelait-il.

Pour conclure la table-ronde Renaud Muselier a assuré les pro­ducteurs de son engagement. « C’est un combat noble qui entraîne un sou­tien fort et immédiat. Vous vous êtes mobilisés avec élégance et venant du monde agricole c’est appréciable, insistait-il. Les enjeux sont très impor­tants pour la Région, nous sommes héritiers de ce patrimoine. On est là, on sera là et on ne lâchera rien ! », scandait-il, avant de révéler qu’il se rendrait lui-même à Bruxelles fin septembre ou octobre, selon l’avan­cement du dossier, pour le défendre. « À la Région nous avons la capacité de faire pression directement sur l’Europe ce qui est parfois plus facile que de passer par l’État. Nous allons prendre le leadership et faire du lob­bying en commun, il est important de tous se fédérer », poursuivait l’ancien député européen.

Lavande et lavandin au cœur de l’identité régionale

Dans son allocution Éliane Barreille, nouvelle présidente du départe­ment des Alpes-de-Haute-Provence a rappelé à quel point la lavande et le lavandin sont au coeur de l’iden­tité, de la réputation et de l’écono­mie du département avant de citer quelques chiffres représentatifs : 16 000 ha de plantes à parfum, 43 % des superficies nationales, 438 exploitations. Elle a également insisté, elle aussi, sur la nécessité d’union autour de cette question et a même qualifié de « Dream team » les énergies qui se sont mobilisées, avant de conclure en affirmant que « le Département des Alpes-de-Haute-Provence était de retour ».

Le sujet devrait revenir sur la table vendredi 10 septembre à Corbières, où se tient Terres de Jim, la grande fête annuelle de l’agriculture, à l’occasion de la visite annoncée du président de la Rpéublique, Emmanuel Macron, et du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.

Alexandra Gelber pour L’Espace Alpin

L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin

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