Les troubles du rythme cardiaque, ça se soigne très bien !

Vous ressentez votre coeur battre la chamade ? Ce n'est peut-être pas que vous êtes amoureux, mais simplement que vous souffrez d'un trouble du rythme cardiaque. Mauvaise nouvelle : de nombreux Français en sont victimes. Bonne nouvelle : on les soigne très bien, grâce à des innovations thérapeutiques. Rencontre avec la référence en la matière, le professeur Jean-Claude Deharo, chef du service de cardiologie et rythmologie à l'Hôpital de la Timone, à Marseille (AP-HM).

Santé

Qu’appelle-t-on des troubles du rythme cardiaque ?

Pr Jean-Claude Deharo : Ce sont des situations où le cœur est anormalement trop rapide ou, au contraire, trop lent. Ces troubles sont assez fréquents dans la population, une consultation cardiologique sur 3 est due à un trouble du rythme ou va déboucher sur un tel diagnostic. Ces troubles peuvent toucher des patients qui ont des maladies cardiaques, qui de par leur maladie ont modifié le fonctionnement électrique du cœur et se trouvent par conséquent en présence d’un cœur trop rapide, ou trop lent. Et puis il y a près de 20% des patients qui ont un trouble du rythme alors qu’ils ont un cœur strictement normal. On dit qu’il s’agit de troubles du rythme sur cœur sain.

Est-ce suffisamment dépisté en France, et comment un patient peut-il suspecter qu’il a un tel trouble ?

Il n’est pas forcément nécessaire de faire du dépistage, sauf pour la fibrillation atriale qui le mériterait. Les patients vont en fait ressentir un certain nombre de symptômes, et ce sont ces symptômes qui vont les conduire à consulter et à faire le diagnostic. Par contre, il existe une arythmie – qui s’appelle la fibrillation atriale – extrêmement fréquente et qui a pour particularité d’augmenter en fréquence avec l’âge.

Elle devient assez prévalente lorsqu’on a passé 70, 75 ou 80 ans, et elle est associée à un sur-risque d’accident vasculaire cérébral parce que le cœur, qui ne fonctionne plus à la bonne fréquence, peut fabriquer des petits caillots qui peuvent éventuellement aller vers le cerveau. On peut penser qu’il est utile de dépister cette arythmie atriale. Il y a plusieurs façons de le faire : soit en allant consulter son médecin généraliste, soit en se prenant soi-même le pouls si on a appris à le faire, soit en utilisant des objets connectés, comme des montres, qui vont dépister à un moment donné une anomalie du rythme cardiaque. Cette suspicion devra être ensuite confirmée par le cardiologue.

« Les palpitations, ce n’est pas tout à fait normal »

On peut donc s’auto-dépister ?

Les symptômes des troubles du rythme sont en général des palpitations. C’est-à-dire le fait de sentir des battements cardiaques. Ce n’est déjà pas tout à fait normal. On ne les ressent pas à l’état normal en dehors de l’émotion, du stress, de l’effort. Si on les ressent battre de manière anormale, irrégulière, trop rapide, trop forte, eh bien on appelle cela des palpitations, qui peuvent amener à un diagnostic de troubles du rythme.

Existe-t-il des traitements efficaces contre cela ?

Il existe énormément de traitements. Historiquement, les premiers traitements proposés sont les antiarythmiques, des médicaments qui visent à réguler le rythme cardiaque. Ils nécessitent des précautions de prescription très encadrées, car ils peuvent modifier le fonctionnement de la cellule cardiaque de façon non prévisible.

Fort heureusement, aujourd’hui, ces antiarythmiques sont remplacés par des traitements curatifs par ablation endocavitaire. Ce sont des traitements au cours desquels on va repérer le groupe de cellules cardiaques à l’origine du trouble et on va aller le cautériser, le brûler. Cette technique est arrivée maintenant à parfaite maturité. Elle est relativement invasive puisqu’on passe par les vaisseaux, mais elle se fait à cœur fermé, ce n’est pas une intervention chirurgicale. Elle nécessite quelques heures d’hospitalisation ou bien quelques jours dans certains cas. Ceci, c’est pour les cas où le cœur est trop rapide.

Pour les cas où il est trop lent, on a des stimulateurs cardiaques, là aussi la technologie a tellement évolué qu’on a des stimulateurs qui se font totalement oublier. Ce sont de tout petits appareils que l’on peut introduire par voie veineuse, c’est une des dernières innovations (NDLR : notamment mise en œuvre par l’équipe du Pr Deharo à la Timone). Et puis il y a le défibrillateur qui permet de traiter le cœur trop rapide, et qui remplace le choc électrique des pompiers, que l’on peut faire en urgence, donc il est implanté chez des sujets qui peuvent faire des arythmies graves et dangereuses.

« On peut vivre tout à fait normalement »

Quels sont les effets secondaires ? 

Il y en a pour les antiarythmiques, les traitements médicamenteux, c’est pour cela qu’on limite et qu’on encadre leur prescription. Pour les techniques par ablation ou la mise en place des dispositifs, il y a des effets secondaires liés à la procédure, mais au-delà le patient n’a strictement aucune complication et ne ressent aucun mal-être à cause de cette procédure, au contraire il en tire un grand bénéfice !

Peut-on vivre normalement avec une arythmie une fois qu’elle est traitée ?

Absolument. S’il s’agit d’une arythmie sur cœur sain, alors là on tire un plein bénéfice d’un traitement curatif par exemple par ablation, car on enlève la seule chose qui clochait, c’est-à-dire l’anomalie du rythme cardiaque. Et on laisse le patient avec un rythme normal, et un cœur normal.

Peut-on recommencer à faire du sport ?

On autorise les patients à faire le plus d’activités possible, on est de moins en moins restrictifs. Cela dépend évidemment de chaque cas. On pourrait dire globalement que les patients atteints de troubles du rythme doivent garder un grand espoir. Ils ne vont pas être forcément restreints dans leur vie courante et dans la pratique d’activités sportives.

« Après 50 ans, il faut consulter »

Est-ce une pathologie héréditaire ?

Certains troubles du rythme le sont. Il y a des maladies uniquement électriques du rythme cardiaque qui se transmettent à travers les gènes. Il y a par ailleurs des maladies cardiaques héréditaires et qui ont un fort potentiel de troubles du rythme. Mais la fibrillation atriale, qui est l’arythmie la plus fréquente, est exceptionnellement héréditaire.

Si mon père ou ma mère a un problème cardiaque sérieux, dois-je consulter par précaution ?

Si on élargit aux problèmes cardiaques en général, si dans la famille il y a de très lourds antécédents cardiovasculaires, il est recommandé passé la cinquantaine de consulter. On fera un électrocardiogramme, un examen clinique, un bilan biologique, et on pourra quelquefois réaliser des examens de dépistage peu invasifs comme un coroscanner, permettant de fixer le risque d’un patient.

Globalement, même sans antécédents familiaux, à quel âge convient-il d’effectuer un contrôle ?

Le bénéfice d’une consultation systématique ou de la réalisation systématique d’examens est toujours très difficile à appréhender. Parce qu’il faut mettre en balance tout le stress qu’on va générer, puis tous les faux positifs qu’on va générer, et le bénéfice que va réellement en tirer le patient. Je dirais qu’il n’est pas inconcevable de consulter un cardiologue vers l’âge de 60 ans quand il n’y a pas d’antécédents dans la famille (sinon 50 ans), pour faire un bilan, une consultation simple.

Tabagisme, surpoids, sédentarité : les ennemis du coeur

Les femmes et les hommes sont-ils égaux devant les troubles du rythme cardiaque ?

Relativement, oui, en sachant que la femme étant protégée par son statut hormonal pendant toute une bonne partie de sa vie. Souvent, ce qui se produit chez elle se produit un petit peu plus tard par rapport à l’homme. Par ailleurs, les femmes ont des règles de vie un peu plus strictes que les hommes, ce qui fait qu’elles vont être moins touchées par les cardiopathies.

Les effets du stress sur le cœur sont-ils prouvés ?

Il est très difficile d’appréhender le rôle d’un agent aussi répandu et difficilement quantifiable. Mais oui, le stress est un facteur qui peut largement jouer sur le cœur. A l’extrême, on sait très bien que lorsque des gens assistent à des drames sous leurs yeux, ils peuvent développer comme ça, de façon extrêmement aiguë, une maladie cardiaque que l’on appelle une myocardite de stress.

Le stress plus chronique peut également jouer un rôle. Mais il y a d’autres facteurs que l’on peut supprimer avant le stress, donc ne nous retranchons pas derrière lui ! Ces autres facteurs sont le tabagisme, le surpoids, l’hypertension artérielle, l’apnée du sommeil, la sédentarité, qu’on peut corriger plus facilement.

Quels conseils donner pour garder un cœur en bonne santé au quotidien ?

Mener une vie raisonnable, donc essayer de supprimer les agents dont on sait qu’ils agissent lourdement sur le cœur. J’ai parlé du tabagisme, du surpoids, de la sédentarité. Lorsqu’on essaie de corriger ces facteurs-là, on se donne beaucoup plus de chances d’avoir un cœur en bonne santé. Il n’y a jamais de certitudes bien entendu, mais on met beaucoup de chances de son côté.

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