Les Vénus de Sosno reviennent à Nice

A Nice, l’exposition « Vénus Vénus », consacrée à Sacha Sosno, revient sur le parcours singulier de l’artiste, presque dix ans après sa disparition. Présentée jusqu’au 1er novembre à l’Elysée-Palace, dont il a réalisé les façades latérales, elle rappelle sa contribution au monde de l’art et de l’architecture.

culture

Le marseillais Alexandre Joseph Sosnowsky, dit Sacha Sosno, est un peintre, photographe et sculpteur internationalement reconnu pour ses œuvres singulières qui représentent les grandes figures de la mythologie gréco-romaine. Témoin privilégié de l’aventure artistique des Nouveaux réalistes des écoles de Nice dans les années soixante, parmi  lesquels César, Yves Klein, Christo, Ben, et Niki de Saint-Phalle, il a exposé en France, en Europe, en Chine et aux Etats-Unis.

Sosno et les vestiges antiques

Depuis son adolescence niçoise, à proximité du site archéologique de Cimiez, Sosno a toujours été passionné par l’archéologie. Dans les années 1960, durant son service militaire, il fait partie des archéologues qui ont découvert des tombes gallo-romaines du IIème siècle avant J-.C. à Toulouse, avant de devenir photoreporter de guerre.

Il a également réalisé des fouilles sous-marines dans les années 2000 à Nice, découvrant par hasard un amoncellement de blocs grossièrement taillés dans les environs de Rauba-Capeù. Les restes qu’il pensait être ceux de l’ancien port gréco-romain sont encore aujourd’hui étudiés par le service d’archéologie de Nice, avec la collaboration de la Direction des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) du ministère de la Culture.

Sacha Sosno, Grande Vénus de l’AC Hotel, bronze et granit, hauteur 26 mètres © P. Véran

L’oblitération

L’antique cité de Cemenelum, avec ses vestiges d’arènes et de thermes, ont probablement inspiré la démarche artistique qu’il a lui-même théorisé : l’oblitération. Le principe de ce concept est de « cacher pour mieux voir » ou plus précisément de « ne révéler qu’une partie de la réalité pour mieux la dévoiler » que ce soit par le vide, avec une découpe intérieure selon une forme géométrique, ou par le plein, avec l’application de blocs, plaques de métal ou aplat de peinture.

« Les statues sont comme les mots. A peine les a-t-on prononcés qu’ils font ce qu’ils veulent dans l’âme des autres », disait-il.  Avec ses sculptures oblitérées, il va à rebrousse-poil de la démarche archéologique qui consiste à découvrir les vestiges. Il pousse à voir autrement, à stimuler son imaginaire, à devenir co-créateurs de ses œuvres qui représentent les grandes figures de l’Antiquité, à l’image d’Apollon, Artémis, Auguste, Alexandre, Aphrodite, Poséidon, Agrippa…

Une exposition-hommage à un artiste international

L’exposition est présentée par Nicolas Martin, directeur de l’AC Hotel by Marriott Nice, et organisée par Macha Sosno, sa femme, avec la participation d’Hervé Nys, Christine et Raph Hutchings pour l’installation et la scénographie, Stéphan Da Ponte pour la mise en lumière, sous les conseils artistiques de Gabriel Tamagni. Au total, 22 Vénus de Sosno, toutes différentes, sont présentées à l’Elysée-Palace, à l’intérieur et dans le jardin. L’oblitération est déclinée dans toute sa diversité et différents matériaux : aluminium, bronze, marbre, résine…

Ce parcours, parsemé d’images de la « Venus Italica » réalisée en 1812 par Antonio Canova (1757 – 1822), qui inspira Sosno, retrace la genèse des sculptures monumentales de la façade de l’hôtel qui accueille l’exposition. Ce dernier est une sculpture-bâtiment de 26 mètres de haut, 21 tonnes de bronze, 420 tonnes de granit. Elle est l’incarnation même de la pensée de Sosno, pour qui « la sculpture monumentale ne doit pas être ornement mais partie intégrante des structures architecturales, du paysage urbain ».

Sacha Sosno, « Il faut en toute chose préférer l’intérieur a l’extérieur, 1984, bronze et marbre © Sacha Sosno

Un hôtel à son image

Les deux sculptures qui constituent, depuis plus de 30 ans, les façades latérales de l’Elysée Palace, représentent deux Vénus géantes de bronze oblitérées et encastrées dans le granit. A l’origine, on trouve une première œuvre de Sosno, créée en 1984 et intitulée “Il faut en toute chose préférer l’intérieur à l’extérieur“.

Cette sculpture de 52 cm de haut représente une Aphrodite en bronze, oblitérée par deux blocs de marbre. Elle a été acquise par l’architecte Georges Marguerita qui, en 1987, fait part à son ami Sosno de son projet de construction d’un grand hôtel à Nice. Il lui demande s’il a une idée à lui suggérer quant à la conception des façades du futur établissement. Aussitôt, Sacha Sosno répond en lui montrant la sculpture qui trône dans le bureau de l’architecte et qu’il présente comme la maquette de son projet. L’architecte imagine ensuite une grande façade frontale de verre parée de deux frontons latéraux qui  intégrent deux Vénus monumentales de Sosno insérées entre des blocs de granit. Pour ces Vénus, il s’est inspiré de la « Vénus Italica » de Canova, et l’a personnalisée en créant sa version de « Vénus entre 2 blocs », où la déesse semble disparaître entre les murailles de granit.

Cette réalisation, véritable prouesse artistique et technique, a nécessité des travaux titanesques. Elle est et reste encore de nos jours unanimement et  internationalement saluée par les critiques d’art et les architectes. Elle offre un écrin magnifique pour accueillir une exposition rare et exceptionnelle d’un artiste singulier.

Diane Vandermolina

Plus d’infos :

Exposition « Vénus Vénus », jusqu’au 1er novembre 2022. Entrée libre – hôtel Elysée-Palace –  59, promenade des Anglais (entrée rue Honoré-Sauvan) 06000 Nice.  Tel: 04 93 97 90 90

Bon à savoir : la rencontre de Sosno avec le philosophe Emmanuel Lévinas donnera lieu à l’édition d’un livre « De l’oblitération », avec Françoise Armengaud, aux éditions La Différence – Paris.

En une,  Sacha Sosno lors de l’installation de la grande Vénus ©DR

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