L’héritage sportif des JO, une occasion en or pour les anciens champions olympiques (5/5)

La participation aux Jeux Olympiques et une médaille d'or ont changé la vie et le destin de deux grands champions attachés à la Provence : Fabien Gilot, ancien membre de la génération dorée du Cercle des nageurs de Marseille, et l'ex-attaquant international de l'OM, Daniel Xuereb. Le premier est aujourd'hui un des piliers de la commission des athlètes mise en place par le patron des JO 2024, Tony Estanguet. Le second a été décisif dans le sacre historique pour le football, avec une première victoire face au Brésil en finale des JO de 1984 à Los Angeles. Témoignages.

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Retiré des bassins depuis 2016, Fabien Gilot, originaire de Denain (Hauts-de-France), a été adopté par Marseille. Avec la génération dorée du Cercle des nageurs de Marseille (CNM), aux côtés de Frédérick Bousquet, Camille Lacourt, Florent Manaudou ou Mehdy Metella, il a collectionné les titres et les médailles : champion olympique du relais 4 x 100 mètres nage libre à Londres en 2012, médaillé d’argent à Pékin en 2008 et à Rio en 2016, double médaillé d’or en 2013 lors des championnats du monde avec les relais 4 × 100 mètres nage libre et 4 × 100 mètres quatre nages…

Fabien Gilot ne le dira pas, mais il a été pendant une bonne dizaine d’années l’âme et le capitaine des relais historiques de la natation française. Fédérant les énergies et les ondes positives afin de les transmettre à ses différents partenaires à l’occasion des grands rendez-vous internationaux, il symbolise à merveille l’esprit d’équipe, dans une discipline où l’individualisme reste pourtant de mise.

Fabien Gilot et sa médaille d’or olympique. ©Cercle des nageurs de Marseille.

La commission des athlètes, un choix gagnant du  patron des JO 2024, Tony Estanguet

Des qualités rares dans le sport de haut niveau qui ont amené Tony Estanguet, le président de Paris 2024, à cocher son nom pour composer la commission des athlètes. « Pour ne rien vous cacher, je me suis engagé car j’apprécie beaucoup Tony sur le plan humain, et j’ai toujours admiré, bien sûr, son immense palmarès d’athlète », avoue Fabien au sujet du triple médaillé d’or olympique en canoé-kayak. « J’avais déjà beaucoup apprécié la manière brillante avec laquelle il avait su porter la candidature de Paris pour l’organisation des Jeux, poursuit l’ancien nageur. Et de façon très intelligente, il a tout de suite voulu créer la commission des athlètes, dès l’annonce de l’obtention des JO par la France. Choix judicieux, car il a pu très vite s’appuyer sur des athlètes français pour porter le projet avec lui. Nous nous déplaçons à plusieurs sur chaque gros événement en relation avec les JO, comme ce fut le cas fin mars à Marseille. Le fait de voyager à plusieurs pour rencontrer les différents partenaires et responsables des collectivités afin de mener à bien les différents dossiers, je remarque que cela change beaucoup de choses. Il est et nous sommes plus efficaces ensemble. »

Fabien Gilot en compétition, avec les anneaux des JO et l’esprit olympique dans le peau. © Cercle des nageurs de Marseille.

Faciliter au maximum la vie des athlètes durant les deux semaines de compétitions pendant les JO

La commission des athlètes français réunit 19 sportifs (1) ayant déjà participé à trois, quatre, voire cinq olympiades. Elle a pour mission principale d’accueillir les délégation des 204 nations qui devraient être présentes en 2024. « Notre feuille de route est précise, indique Fabien Gilot. Notre accueil doit commencer sur le tarmac même des aéroports, à la descente d’avion des sportifs. Nous devons nous occuper pour eux de toutes les questions liées à leurs déplacements pendant les Jeux. Nous devons  également veiller à leur bonne alimentation, hydratation, conditions d’accueil dans les hôtels… Pour résumer, nous devons faciliter au maximum la vie des athlètes et faire en sorte qu’ils ne perdent pas de temps et d’influx sur la durée des Jeux. Ils doivent pouvoir se concentrer uniquement sur leurs performances. (…) Nous avons bien sûr l’espoir de susciter le plus grand nombre de médailles pour le contingent français, mais notre rôle est de donner une chance égale à toutes les délégations en compétition. »

Fabien Gilot et son ancien partenaire des relais olympiques français et du club du Cercle des nageurs de Marseille, Florent Manaudou. © Cercle des nageurs de Marseille.

La volonté affichée de proposer des « Jeux uniques, avec avec une qualité de spectacle sportif encore jamais vue »

Cent ans tout juste après la première (et dernière) olympiade d’été organisée en France, Tony Estanguet et ses équipes ont décidé d’utiliser plusieurs monuments parisiens pour les épreuves. Ils proposent également une cérémonie d’ouverture jamais vue, avec la Seine plutôt que le stade olympique comme théâtre du traditionnel défilé des délégations. Pour la première fois encore, le marathon sera ouvert au grand public dans Paris. L’idée, pour les athlètes membres de la commission, est de tout mettre en œuvre pour que l’on se souvienne des JO 2024 « comme des Jeux uniques, avec une qualité de spectacle sportif encore jamais vue. », martèle Fabien Gilot.

Fabien Gilot, Florent Manadou, Mehdy Metella et Clément Mignon sacrés champions du monde en 2014 en relais à Doha au Qatar. ©Kempinaire / KMSP / DPPI

 » Il était temps de rendre aux autres sportifs tout ce que le sport a pu m’apporter « 

Depuis qu’il a accepté cette mission, l’ancien nageur partage son temps entre son activité professionnelle et ses déplacements avec les 18 autres athlètes de la commission. « Ce n’est que la deuxième fois que nous accueillons les JO d’été en France, rappelle-t-il. Il était donc difficile de refuser un tel investissement, car je pense également que les JO arrivent en France à point nommé pour le sport de haut niveau, afin de montrer que nous sommes capables de recevoir un tel événement. Et parce que je suis persuadé que ces JO 2024 resteront dans l’histoire olympique. Ils seront un moment magique à vivre. A titre personnel, le sport a changé ma vie, en me permettant des rencontres formidables. Il était temps de rendre tout ce qu’il m’a apporté. On arrive à des âges où il est temps de faire profiter de notre expérience, de notre expertise, aux plus jeunes champions qui arrivent et nous succèdent. »

 » Les JO qui sont rentrés dans l’Histoire ont été ceux qui ont été capables d’associer plusieurs villes connectées à la principale « 

Les 19 membres de la commission se répartissent les responsabilités entre les sports olympiques et paralympiques, les épreuves masculines et féminines, les disciplines individuelles et collectives. « C’est une commission très éparse qui réunit toute la population des athlètes français, détaille Fabien. Sur le terrain, nous sommes très complémentaires. Et cela se ressent dans notre manière d’épauler Tony, qui a toujours souhaité mettre en avant Marseille et son territoire à travers l’organisation des épreuves de voile et des tournois féminin et masculin de football. Par le passé, les JO qui sont rentrés dans l’Histoire sont ceux qui ont été capables d’associer plusieurs villes connectées à la principale. Ce qui arrive en France avec Paris, Marseille ou Tahiti, est en effet très fréquent pour des olympiades d’été, où on retrouve très souvent 3 ou 4 villes organisatrices. Les compétitions de voile et de football ont tout pour être magnifiques. Nous sommes plusieurs ambassadeurs à représenter le site de Marseille et je peux vous assurer que depuis toute la Corniche, une majorité de spectateurs pourra suivre les régates dans les meilleures conditions. »

Florent Manaudou, Jeremy Stravius, Fabien Gilot et Mehdy Metella sacrés champions d’Europe en relais en 2014 à Berlin. ©Stephane Kempinaire / KMSP / DPPI

Un tournant pour mieux considérer la place du sport et de la pratique d’une activité physique dans le pays ?

Sur la notion d’héritage qu’entendent laisser les JO dans le pays, le champion olympique a un avis tranché. Selon lui, « on va vivre les premiers Jeux responsables de l’histoire. Paris 2024 va marquer un tournant dans ce sens, quand on sait que nous avons une enveloppe financière d’organisation moins importante que chaque JO d’été précédent. Nous allons baisser l’empreinte carbone, qui sera divisée par deux par rapport aux dernières compétitions. L’aspect écologique est respecté à la lettre dans le cahier des charges du COJO. La magie de Paris 2024, et c’est pour ça que je me suis investi, résidera dans cette notion d’héritage. C’est à dire que dès la fin des compétitions, il faudra avancer au plus vite pour donner envie aux Français de faire davantage de sport, avec des solutions pour en pratiquer davantage. Les vrais sujets à porter sont l’inclusion sociale par le sport, la santé et le bien-être par le sport, le mieux vieillir par le sport. Toute la population française doit avancer sur ces sujets. Je pense que notre pays est en retard sur ces questions et Paris 2024 signifiera pour moi le point de départ, la bascule tant attendue, pour pouvoir activer les changements. »

 » Le Français est un bon épicurien qui a toujours aimé bien boire et bien profiter de la vie « 

Pour lui et les organisateurs des JO en France, cette préoccupation doit aussi concerner le sport en milieu scolaire. « Depuis la rentrée dernière, on a commencé à repenser la pratique du sport dans les écoles, confirme Fabien Gilot. Plusieurs établissements testent ainsi de nouvelles pratiques, en proposant aux enfants de se lever chaque jour pendant quelques minutes pour se détendre. C’est un premier pas. Je travaille avec de nombreuses entreprises et beaucoup d’entre elles tissent de plus en plus de partenariats avec des salles de sport ou décident d’aménager des salles sur le lieu de travail. Je pense que les questions du comment et du mieux vieillir arrivent chez nous. Le Français est un bon épicurien qui a toujours aimé bien boire et bien profiter de la vie, mais on sent poindre depuis peu une prise de conscience pour pousser tout le monde à faire davantage attention aux excès. Nous sommes en retard sur l’exercice sportif qui doit être quotidien, c’est une certitude, au moins jusqu’à l’adolescence. Le sport est une merveilleuse école de la vie qui vous inculque des valeurs incroyables sur lesquelles vous allez pouvoir capitaliser toute votre existence. Le sport vous apprend à ne jamais vous plaindre et à aller de l’avant, à vous relever de certaines situations. Je pense que l’esprit de 2024 sera formateur pour les prochaines générations. Et plus nos jeunes pratiqueront du sport, plus on aura des gens qui iront de l’avant et seront conquérants, c’est ma profonde conviction. »

 » J’encourage vraiment les gens à aller voir les Jeux Olympiques « 

Fabien Gilot mise par la même occasion sur les valeurs originelles de l’esprit olympique à l’honneur pendant les deux semaines intenses qui seront à vivre entre le 26 juillet et le 11 août 2024. A savoir « le partage, le dépassement de soi, la remise en question » qu’incarnent les meilleurs athlètes du monde dans toutes les disciplines. Des notions qui représentent à ses yeux ce dont la société a le plus besoin : la cohésion. « Seul le sport est capable de réunir toutes les catégories sociales dans et autour des terrains, gymnases et piscines, observe-t-il, encourageant le public à se déplacer, y compris celles et ceux qui n’auront pas de billet. « Je leur demande quand même d’aller se promener autour des lieux des épreuves, des villages olympiques des différents sites, pour voir l’ambiance des JO. Il y réside vraiment une énergie et une bonté magnifiques que vous ne pouvez que ressentir », assure Fabien.

Le relais composé de Fabien Gilot, Florent Manadou, Mehdy Metella et Clément Mignon champions du monde en 2014 en relais à Doha au Qatar. ©Cercle des nageurs de Marseille.

 » La majorité des plus grands duels de l’Histoire du sport ont eu pour cadre les JO « 

Cet esprit des Jeux a toujours su, au fil des olympiades, attirer de nombreuses stars des sports les plus populaires comme Ronaldinho, Messi ou Neymar en football ; Federer, Nadal ou Djokovic en tennis, Michael Jordan et la « dream team » américaine en basket… « Pour eux, les JO ne sont pas un évènement majeur au départ, mais ils sont curieux de venir vivre ce moment différent, observe Fabien. Neymar s’est fait tatouer les anneaux olympiques après sa victoire avec le Brésil. C’est vraiment une compétition à part. Quand vous pensez à l’Histoire du sport, vous vous apercevez d’ailleurs que la majorité des plus grands duels ont eu pour cadre les JO. Enfin, lors de plusieurs championnats du monde ou d’Europe, vous avez toujours des athlètes qui décident de déclarer forfait et faire une pause dans leur carrière pour pouvoir récupérer. Ce qui est rare pour des JO, où les athlètes espèrent tous  être au top de leur forme. On y retrouve du même coup une concurrence que l’on ne voit pas ailleurs. »

Les JO 1984 de Los Angeles gravés dans le marbre du football et du sport collectif français

Fabien Gilot, vrai ambassadeur du sport, de l’olympisme et de tous ses bienfaits, n’avait que quelque semaines le 11 août 1984, puisqu’il est venu au monde le 27 avril de la même année. Ce 11 août-là, au stade Pasadenas, également appelé le Rose Bowl, en Californie, Daniel Xuereb et ses camarades de jeu allaient marquer l’Histoire en décrochant, contre le Brésil, la première victoire aux Jeux Olympiques d’une équipe de France de football. Originaire de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, et installé dans le Vaucluse depuis la fin de carrière sportive, l’attaquant avait inscrit cinq buts durant les JO de Los Angeles, avec à la clé le titre de meilleur buteur de la compétition. Il avait véritablement porté l’équipe vers un titre olympique resté dans la mémoire collective du pays, l’année où les Bleus de Michel Platini, Alain Giresse et Jean Tigana glaneront leur premier titre européen face à l’Espagne.

Daniel Xuereb, à gauche de la photo avec sa célèbre moustache, et son partenaire de club alors au RC Lens, François Brisson, ici en 1984 avec la médaille d’or olympique. ©DR – Daniel Xuereb

Daniel Xuereb :  » Les gens me racontent encore qu’ils s’étaient levés à 4 heures du matin pour voir notre finale contre le Brésil ! « 

Le Provençal, aujourd’hui âgé de 62 ans, est passé par Lyon, Lens, Paris, Montpellier et Marseille, où il sera champion de France à l’issue de la saison 1991-92, avant de finir sa carrière à Toulon. Bien entendu, il suit toujours les grandes affiches de football à la télé. Surtout les plus belles, comme les quarts et demi-finales de la Ligue des Champions qui ont opposé le Real Madrid à Chelsea et Manchester City. « Je suis impressionné par Karim Benzema, avoue l’ex avant-centre à la moustache. Il est certainement le plus grand attaquant français de tous les temps. On verra ce que deviendra Killian Mbappé, mais ce que fait Benzema, à 35 ans, c’est fantastique, et j’espère qu’il aura le Ballon d’or cette année, ce serait plus que mérité. »

Les souvenirs olympiques de  » Monsieur Xu  » passé par l’OM en 1991-1992

Après cette échappée belle sur l’actualité, celui que le stade Vélodrome et les fans marseillais appelaient affectueusement « Monsieur Xu » lors de son unique saison à l’OM, se souvient encore avec précision de cet été doré de 1984, avec l’Euro et l’or olympique, qui resteront à tout jamais les deux premiers titres pour la France dans un sport collectif. Deux victoires qui changeront d’ailleurs les mentalités, avec des  équipes nationales enfin capables de jouer la victoire dans toutes les grandes compétitions.

De gauche à droite, François Brisson, l’entraîneur Gérard Houllier et Daniel Xuereb, tous membres du club du RC Lens en 1984, photographiés à l’arrivée en France des deux joueurs sacrés aux JO de Los Angeles. ©DR – Daniel Xuereb

 » Le sacre olympique a été pour les joueurs comme pour l’entraîneur un magnifique tremplin « 

Albert Rust, William Ayache, Michel Bensoussan, Michel Bibard, Dominique Bijotat, François Brisson, Patrick Cubaynes, Patrice Garande, Philippe Jeannol, Guy Lacombe, Jean-Claude Lemoult, Jean-Philippe Rohr, Didier Sénac, Jean-Christophe Thouvenel, José Touré, Jean-Louis Zanon. Entraîneur : Henri Michel. Voici le groupe des Bleus sacrés en 1984 au stade Pasadena, dans la banlieue de Los Angeles, après des exploits répétés contre la Yougoslavie de Dragan Stojkovic en demi-finale et le Brésil de Dunga en finale. Daniel Xuereb va droit au but pour affirmer que la médaille d’or reste son plus beau souvenir de carrière. « J’ai pu disputer la Coupe du monde au Mexique en 1986 (où la France termina 3e, comme en 1982 en Espagne, ndlr), mais j’avais été moins concerné car j’avais très peu joué. 1984 reste une aventure humaine exceptionnelle, avec des entraîneurs comme Henri Michel, Henri Émile pour encadrer le groupe, et des joueurs qui avaient tous à peu près le même âge : 23-24 ans. Nous n’étions pas assez mûrs pour pouvoir jouer en équipe de France A, et l’épopée américaine a constitué pour nous la meilleure manière d’élever notre niveau sur le plan international. On a constaté par la suite que beaucoup de champions olympiques 84 ont pu rejoindre la grande équipe de France. Le sacre olympique a été pour les joueurs comme pour l’entraîneur un magnifique tremplin. »

Une aventure collective débutée dès 1982, année du mythique France-RFA de Séville

Le groupe vainqueur du tournoi olympique avait commencé à écrire son histoire dès 1982, la même année que la mythique demi-finale perdue contre la RFA à Séville par la sélection de Michel Hidalgo. Avec de longues et difficiles qualifications à passer pour pouvoir obtenir le ticket pour les JO et des adversaires redoutables à écarter : RFA, Espagne, Belgique, « que des grands noms du football ! Je pense que ces matches ont peut-être été plus compliqués à remporter que ceux des JO. Tout est parti en fait de là : notre groupe s’est constitué dans le dur. A l’époque, nous avions en France une très grande génération de footballeurs. Nous étions l’antichambre des A. Les dirigeants du football français avaient voulu créer cette équipe olympique, une équipe nationale B, pour répondre aux attentes et préparer la suite. »

Le groupe tricolore entraîné par Henri Michel sur la plus haute marche du podium en 1984 au stade de Pasadena après sa victoire contre le Brésil, 2-0, avec un but signé Daniel Xuereb. ©DR – Daniel Xuereb

Les rencontres et déjeuners avec Edwin Moses, Carl Lewis, Joseph Mahmoud, Muriel Hermine…

Avec cinq buts inscrits dont le second libérateur en finale contre le Brésil (victoire 2-0), Daniel Xuereb, alors buteur du Racing Club de Lens pour former une doublette gagnante avec son partenaire de virée olympique, François Brisson, terminera meilleur buteur des JO. « L’organisation aux USA était grandiose, se souvient-il. Nous étions installés dans un grand campus universitaire. Question confort, c’était très moyen. On avait mis les matelas par terre pour dormir, car on était dans des appartements sur plusieurs étages qui ne disposaient que de quelques chambres. C’était vraiment à la bonne franquette, mais on était bien entre nous et le village olympique vivait d’une façon intense. On a pu se mélanger à d’autres champions, et quand vous avez la chance de déjeuner à côté de Edwin Moses, Carl Lewis, Joseph Mahmoud ou Muriel Hermine… ce sont des moments que vous ne pouvez pas oublier ! L’ambiance olympique fait que vous vous attachez à tous ces sportifs rencontrés au village pour en devenir des supporters et aller les soutenir pendant la compétition. C’est ça l’esprit des JO sur lequel il faut insister dans la perspective de Paris 2024. »

 » Les instances du football doivent faire le maximum pour sanctuariser la compétition « 

Une communion née par le sport qui s’était prolongée par l’engouement exceptionnel des fans américains pour le « soccer » olympique, puisque 100 000 personnes avaient assisté coup sur coup à leurs victoires face à la Yougoslavie et au Brésil. « Cela reste un souvenir inoubliable, magique, pour chacun d’entre nous et on en reparle entre anciens à chaque fois qu’on se revoit. Quand je constate que la plupart de nos sélections qui se sont succédé n’ont pas pu se qualifier aux JO, ou n’ont pas pu présenter une équipe digne de ce nom pour représenter le pays, j’en éprouve de l’écœurement… de cette manière, on prive les joueurs de grands moments. Les JO doivent être enfin reconnus comme une véritable épreuve inscrite dans les calendriers de l’UEFA et de la Fifa. Les instances doivent faire le maximum pour sanctuariser la compétition. Lorsque des gens me reconnaissent dans la rue, ils ne me parlent que de leurs souvenirs des JO et de la finale contre le Brésil ! Beaucoup me racontent qu’ils s’étaient levés à 4 heures du matin pour voir le match. Vous imaginez, 40 ans après… »

Le groupe tricolore entraîné par Henri Michel et Henri Emile photographié à Los Angeles en 1984 après la victoire contre le Brésil, juste avant de regagner le sol français et y être fêté pendant plusieurs mois. ©DR – Daniel Xuereb

Un Brésil qui alignait pourtant une équipe de très haut niveau, avec Dunga et plusieurs joueurs devenus par la suite des stars de l’équipe nationale. « De notre côté, nous étions une équipe sans vedettes, on était simples, humbles, assure Xuereb. On a su aller au bout, car Henri Michel nous avait installé dans les meilleures conditions. Pour lui, ce titre est d’ailleurs resté comme l’un de ses plus beaux souvenirs. On se voyait régulièrement avec nos familles sur Aix-en-Provence avant son décès. Nous étions restés très proches après nos carrières respectives. »

 » Ce serait très intelligent de voir un joueur de l’OM dans cette équipe olympique « 

Daniel avoue aujourd’hui être impatient de se déplacer à Marseille ou Nice pour se replonger dans l’été californien 1984 et assister aux rencontres des tournois olympiques masculin et féminin. « Le stade Vélodrome est un fief, rappelle-t-il, et il y aura toujours du monde pour le football ici. Et davantage si une équipe de France compétitive se mettait à avoir des résultats. Elle serait alors supportée par les Provençaux et les autres. Dans le sud, avant toute chose, on aime le beau football. Pour l’identité, j’adresse un petit message au sélectionneur : ce serait très intelligent de voir un joueur de l’OM dans cette équipe. J’espère aussi que notre équipe masculine ne sera pas ridiculisée, comme elle l’a été à l’occasion des derniers JO, où une semaine avant le coup d’envoi, l’entraîneur ne savait toujours pas quels joueurs allaient être mis à disposition par les clubs. »

Pousser Mbappé et les stars professionnelles du foot à participer aux JO

Une situation à ses yeux « impensable », qui a mené au fiasco d’André-Pierre Gignac et de sa bande aux JO de Tokyo. « Je suis favorable pour au fait que les meilleurs joueurs professionnels puissent participer aux JO s’ils le souhaitent, insiste Monsieur Xu, rappelant que Killian Mbappé avait affiché son envie, en vain. On doit faciliter sa sélection pour 2024. Les JO représentent une autre face du milieu du foot, différente de l’habituelle. On y retrouve la passion originelle, un certain esprit amateur, même si aujourd’hui la plupart des athlètes qui y participent sont des professionnels. L’esprit olympique fait que l’on parvient à se dépasser. Les JO, c’est autre chose qu’une Coupe du monde. Pendant les Jeux, on vit deux semaines intenses avec tous les sports confondus et le public adore cet esprit. » En 1984,  « on savait su créer quelque chose à distance, car on était vraiment une équipe de copains et cela se voyait, tout le monde se retroussait les manches. On était heureux d’être ensemble et on est allé au bout alors même que nous n’imaginions pas une seule seconde être champion olympique avant le début de la compétition. Nous n’avions pas cette prétention, mais quand vous prenez goût aux victoires dans une telle ambiance, ça vous donne des ailes ! »

Les souvenirs de l’épopée de Xuereb et sa bande aux JO avec les buts de la victoire en finale contre le Brésil

 » A notre retour en France, on recevait des fleurs et des cadeaux avant tous les matches ! « 

Dernière montée collective sur le podium du stade Pasadena devant 100 000 supporters « tous debout et qui applaudissent », remise de la médaille d’or, Marseillaise qui « résonne très fort », Daniel se revoit comme si s’était hier dans l’atmosphère électrique californienne. « J’ai alors ressenti une fierté que je n’ai jamais pu connaître autre part. Je me dis aujourd’hui que j’ai eu la chance de pouvoir vivre un tel moment. A notre retour en France, je dois vous avouer qu’il avait été très long pour nous tous de redescendre un peu sur terre ! Nous n’avions pas eu trop d’échos sur l’engouement suscité par la victoire. Cinq jours après la finale, nous avions joué avec François Brisson pour le Racing Club de Lens, devant 40 000 fans venus nous féliciter. Et la réception que nous avons eue pendant plusieurs mois sur tous les terrains du pays fut incroyable : on recevait des fleurs et des cadeaux avant tous les matches ! » Le buteur à la moustache quitte sa panoplie de finisseur pour adresser une dernière passe décisive aux organisateurs de Paris 2024. « Il y a 40 ans, on avait pu s’apercevoir que les Français étaient loin d’être insensibles aux JO. C’est cet esprit esprit olympique qu’il faudra faire régner d’ici deux ans dans tout le pays pour rendre les gens heureux. »

Bruno Angelica

1 – La composition des 19 membres de la commission des athlètes : Martin Fourcade (biathlon) qui en est son président, Perle Bouge (para aviron), Julien Benneteau (tennis), Florian Rousseau (cyclisme sur piste), Gévrise Emane (judo), Théo Curin (para natation), Hélène Defrance (voile) Michaël Jérémiasz (tennis fauteuil), Marie Bochet (para ski alpin), Astrid Guyart (escrime), Stéphane Diagana (athlétisme), Jessica Harrison (triathlon), Guillaume Gille (handball), Diandra Tchatchouang (basketball), Lucas Créange (para tennis de table), Gwladys Epangue (taekwondo), Fabien Gilot (natation), Fanny Horta (rugby à 7), Romain Girouille (tir à l’arc).

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