Depuis près d’un an, un ballet d’engins de chantier fait sa ronde sur le cours d’Estienne-d’Orves. Plus de neuf de mois de travaux ont été nécessaires à la réalisation des grandes halles du Vieux-Port, où 150 personnes ont travaillé chaque jour. Un chantier qui ne s’est pas déroulé sans encombres, « entre la crise sanitaire qui a obligé à une interruption momentanée des travaux et la mairie de Marseille, qui n’a pas vraiment joué le jeu », selon les fondateurs du lieu.
Des Halles créées par des Marseillais, avec des Marseillais, pour les Marseillais
Les trois co-fondateurs du lieu, en l’occurrence Julien Fabre, directeur de l’agence Sunmade, Laurent Battisti, entrepreneur dans le domaine de la brasserie et restauration (le Pointu, c’est lui !) et Réza Zographos, entrepreneur dans le tourisme, l’hôtellerie, l’import/export et l’immobilier, en ont fait leur slogan : ces halles ont été créées par des Marseillais, avec des Marseillais et pour des Marseillais… même si les clients venus d’ailleurs seront évidemment les bienvenus.
« Nous sommes trois amis qui sommes partis de rien, raconte Réza, en charge de la logistique, soulignant qu’avec ses deux compères, nous sommes Marseillais et nous voulons proposer un lieu accessible à tous les Marseillais. » Même son de cloche chez Julien et Laurent, qui veulent faire de cet espace de commerces de bouche un lieu unique en son genre.
Une locomotive pour le quartier
« Nous souhaitons que les habitants s’approprient les grandes halles pour qu’elles deviennent un lieu de vie à part entière et un pôle d’attractivité pour le cours d’Estienne d’Orves, longtemps délaissé par la population marseillaise » enchaine Réza, se rappelant que pendant sa jeunesse, tout le monde se donnait rendez-vous sur la place Thiard toute proche. Julien confie avoir voulu créer « un quartier dans le quartier » avec tout ce que cela suppose.
Un lieu de partage et d’échange
« L’idéal est que chacun vive une expérience différente tous les jours, que ce soit pour le brunch dominical, le repas du midi ou encore celui du soir et ce 7 jours sur 7. Faire immerger les gens dans une culture, celle de Marseille « grande gueule, fine bouche » » s’amuse Julien pour qui ce lieu doit être un espace de convivialité où « on partage et on reçoit ». L’ADN de Marseille en somme.
« Un lieu de générosité » rajoute Olympe, l’architecte d’intérieur et designer en charge du projet. « On a utilisé des matériaux particuliers pour transmettre l’amour de la bonne chère ». Des matériaux d’ici, pierre, olivier ou chêne.
Des horaires d’ouverture étendus
Afin de faciliter le travail des échoppiers, ce sont les grandes halles qui se chargent de l’approvisionnement des fournitures (vaisselle etc…), de la plonge, du ménage et du marketing. En contrepartie, les échoppiers, en particulier les restaurateurs, sont tenus d’ouvrir dès 11h et de servir jusqu’à 22h à minima. « Quoiqu’il en soit, les grandes halles ouvrent de 7h à 2h du matin en été, jusqu’à minuit en hiver, 363 jours par an à l’exception du 25 décembre et du 1er janvier » explique Réza.
Une large fourchette de prix pour convenir à toutes les bourses
« Avec un prix d’appel de 7 euro pour les premiers prix, on souhaite faire venir tout le monde, quel que soit son budget. On est un peu moins cher que les voisins mais nous ne voulons pas casser les prix non plus » précise Julien avant de continuer : « On a imposé ce prix minimum à nos échoppiers. Après, il y en a pour toutes les bourses. Mais nous voulions offrir la possibilité à tous de venir se restaurer. »
« On a mis en place un droit de bouchon à 10 euro pour ceux qui souhaitent acheter le vin dans notre cave et le boire à table. Cela revient moins cher que quand on prend une bouteille dans un restaurant, d’autant plus que les prix des vins dans notre cave sont au même prix que dans les domaines » intervient Romain Larrieu, sommelier de formation, directeur d’exploitation des grandes halles du Vieux Port.
Côté gastronomie
Entrée marine avec les huitres d’Oléron, les gambas et autres boulots des coquillages Claude. Joseph nous régalera de ses mezzés libanais et autres spécialités culinaires dont il a le secret. En l’occurrence, ses fines tranches de rôti de bœuf froid condimentées avec une sauce chimichurri verte subtilement relevée, à faire pâlir un cuisinier argentin. Giovanni et Guillaume de la Trattoria Nonna Mina contenteront les amoureux de la cuisine italienne avec leur burrata à l’huile de truffe et leur délicieuse caponata. Avec Olivier Poizat aux manettes, le gourmet pourra aussi déguster une vraie pizza napolitana cuite à « 500 degrés », four déjà super star. Pour l’anecdote, le four a fait 2800 vues sur Youtube en deux jours !
Côté viandes et charcuteries, les amateurs ne seront pas en reste : la rôtisserie de la Garde est dotée d’une rôtissoire dernière génération avec un système de pré-cuisson du poulet à la vapeur pour conserver la jutosité de la viande. La fin de cuisson au grill traditionnel apporte tout le croustillant au poulet « pour qu’il soit bien gourmand » salive Julien. Il s’accompagne de sauces imaginées par le chef de l’Aromat’, Sylvain Robert. La cave à jambon offre quant à elle un espace de charcuterie espagnole, avec découpe du jambon à la demande pour la réalisation des sandwichs. Elle titillera les papilles des convives avec ses tapas et sa Pata Negra de Bellota, un jambon cru d’exception.
Et pour finir, de bons fromages d’ici et d’ailleurs et toute une palette de desserts dont des spécialités végans originales composées par Camille Mohr et Marc Moroni de la Serre, à tester leur petit sorbet thym/citron sur son lit de crumble.
Côté vins
Parmi les 500 références de vin du canon du Vieux Port, nous retrouvons les vins de Mars créés par Lionel Boillot, directeur de We wine, Marseillais d’origine, et son associé Michel Assadourian, le cofondateur des téléphones Wiko, également propriétaire du grill, de la rôtisserie et de la trattoria italienne des grandes halles. Les cuvées du chai de Mars sont à l’effigie de leur mascotte, un petit singe noir et espiègle. Parmi les cinq cuvées, on y trouve « on grain dégun », décliné en rouge, rosé ou blanc, et « la baie des singes », baptisé en clin d’œil aux calanques de son enfance, en rouge et blanc.
L’heureux fondateur des vins de Mars va planter ses premières vignes en septembre du côté de Marseille pour produire un vin marseillais 100% bio. Une première en notre région. Pour la petite histoire, Lionel a vécu plus de 20 ans en Asie en tant que négociant en vin. Il a voulu créé un vin marseillais afin de proposer « des vins de qualité à des prix abordables », les Bandol ou Cassis étant souvent bien plus onéreux. Il revient pour nous sur les nombreux projets qu’il a en tête, parmi ces derniers, la création d’une cuvée musicale.
Côté cocktails
Pour Vivian, en charge du grand bar central, le plus grand comptoir de Marseille, ce dernier doit être un lieu familial et convivial dans l’esprit du bar de quartier ou d’un bar des amis. « La chance qu’on a d’avoir autant de places en terrasse et de travailler sur la quantité, c’est qu’on peut proposer des produits de qualité à des prix abordables et pour tout le monde surtout. On veut garder le côté populaire. Pour ça, on travaille sur une grosse carte d’apéritifs. Pour le pastis, on travaille surtout avec Casanis. On travaille aussi avec Avèze, une liqueur de gentiane de type Suze. »
Il précise que la carte des cocktails varie entre 9/10 en entrée de gamme à 14€ pour une moyenne de 12 €. « On est sur une gamme de cocktails de prix moyen pour que quelqu’un qui n’a pas forcément de très gros moyens puisse gouter un très bon cocktail à un prix abordable sans rogner sur la quantité ni la qualité ».
Les cocktails sont composés par Victor, mixologue de métier qui a travaillé dans de nombreux bars classés parmi les 50 meilleurs au monde, et mettent en valeur les produits locaux. En dehors des classiques, dans la carte concoctée par le jeune homme et conçue spécialement pour le bar des Halles, on peut y découvrir l’Odéal, à base de whisky, menthe fraiche et citron. « On est sur une carte estivale. Tous les deux mois, la carte va changer et d’ici un mois, on va passer de 6 cocktails création à 12. On essaie de proposer un maximum de cocktails méditerranéens. »
Le responsable, qui a roulé sa bosse à la Réunion en passant par Paris, nous dévoile « on va créer et c’est une exclu, nos propres rhums et gins. On travaille avec la maison Ferroni sur ce projet : on se charge d’élaborer la recette et ils vont s’occuper de la distillation. On travaille déjà avec leurs produits pour nos cocktails, notamment les ti punch. » Parmi la gamme de cocktails aux saveurs provençales proposés à la carte, se trouvera « un Gin du sud avec un tonic qui rappelle les saveurs d’ici, à base de romarin, de pamplemousse, voire de lavande. On travaille avec des aromates frais, du basilic, du romarin, du thym car on essaie de rester au maximum sur des produits provençaux. »
Le petit plus : un espace dédié à des expositions
Au-dessus du rez-de-chaussée dédié aux plaisirs de bouche, au premier étage, se trouve un espace exposition. Jean-Jacques Léonard offre au curieux de découvrir des artistes contemporains vivants : parmi eux, le graffeur brésilien Nhobi dont les fresques murales représentant des scènes urbaines ou rurales de la vie quotidienne sont visibles au Panier. Inspiré par les cultures urbaines, ses œuvres plongent le spectateur dans un univers fantasmagorique teinté d’humour où la couleur est première et la réalité distordue avec ses personnages aux visages si caractéristiques de son art.
In fine, le temps nous dira si le pari de nos marseillais est tenu. Reste à savoir si le public sera au rendez-vous !
Diane Vandermolina
Les Grandes Halles en chiffres
Coût total : entre 6 et 7 millions d’euros sur un prévisionnel de 4 millions
Chiffre d’affaires estimé : avec un panier moyen de 20/25€ par personne et une fréquentation estimée à 500 000 personnes/an, les fondateurs tablent sur un CA de 10 millions d’euros en fourchette basse.
Composées de deux sites reliés entre eux par une terrasse avec un mange-debout et 400 places assises, les Grandes Halles s’étirent sur 2000 m2 dédiés à la bonne chère avec 400 m2 de terrasse, 700m2 au rez-de-chaussée et 300m2 au premier étage pour le côté restauration et exposition/1000 m2 en rez-de-chaussée pour le côté marché avec à l’étage, une taverne de marin et un tatoueur.
A terme, se seront 120 emplois dont 40 pour le fonctionnement général et 5 à 7 salariés par échoppe pour le côté restauration – qui compte 12 échoppes et un grand bar central – ainsi que 70 emplois pour le côté marché.
Photo de une : e que devrait donner les Grandes Halles du Vieux Port à son ouverture ©Olympe Architecture
cet article vous a plu ?
Donnez nous votre avis
Average rating / 5. Vote count:
No votes so far! Be the first to rate this post.