L’hydrogène : le pétrole de demain ? (1/5)

Alternative au pétrole et au gaz, l'hydrogène fait partie de l'arsenal de nouvelles énergies sur lesquelles parient les gouvernements et les industriels pour décarboner l'industrie, les transports et toutes les activités qui pourront l'être, au gré des progrès technologiques futurs de cette nouvelle filière.

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Piliers de la révolution industrielle et carburants du développement technologique, les énergies fossiles ont leur avenir derrière elles, c’est désormais entendu. Mais les sources sur lesquelles reposera la société de demain ne sont pas encore clairement identifiées. Avec les renouvelables et la fusion nucléaire, l’hydrogène semble toutefois une alternative crédible pour répondre à l’urgence climatique, dont le dernier rapport du Giec vient une nouvelle fois de souligner la gravité. Une nécessité planétaire à laquelle est venue s’ajouter un enjeu géostratégique fondamental, ravivé à la fois par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine : l’indépendance énergétique de la France et de l’Union européenne.

Avant même la crise pétrolière et gazière que nous connaissons, le gouvernement a fait le pari de développer une filière hydrogène dans l’hexagone, afin de décarboner notre industrie et nos transports, mais aussi pour disposer d’une source d’énergie imperméable aux crises.

Quels sont les atouts et les freins au développement de l’hydrogène comme énergie du futur ? Quels défis technologiques et économiques devra-t-on relever pour y parvenir ? La Région Sud est-elle armée pour devenir un territoire leader de l’hydrogène en France et en Europe ? Ces questions, ce sont celles que nous nous sommes posées et auxquelles nous essayerons de répondre tout au long de cette semaine, à l’occasion de notre grande enquête mensuelle consacrée ce mois-ci à cette simple molécule qui pourrait révolutionner nos habitudes en matière énergétique.

Un carburant qui brûle sans polluer…

De l’eau pure qui s’évanouit en vapeur en sortant du pot d’échappement de la voiture. Ce n’est plus de la fiction, mais une réalité. Et les projets foisonnent désormais. L’heure de l’hydrogène semble en effet avoir sonné et, dans le cadre de ce qu’on a appelé « la transition énergétique » sans jamais vraiment y entrer jusqu’à présent, cette molécule constitutive de l’eau pourrait à terme remplacer le pétrole et le gaz. Ses propriétés, connues pourtant de très longue date, suscitent un engouement sans précédent de la part de la communauté internationale, qui s’interroge encore sur la meilleure façon de sortir du tout fossile.

Pourquoi l’hydrogène soulève-t-il autant d’espoirs ? Quelles sont ses propriétés chimiques ? Où le trouve-t-on ?

Seul combustible non carboné, l’hydrogène est très abondant sur terre, principalement sous forme combinée (dans l’eau et les hydrocarbures, par exemple), et plus rarement à l’état pur, sous sa forme moléculaire. On le retrouve ainsi dans quelques gisements aux États-Unis, au Mali ou en Espagne, mais dans des quantités anecdotiques par rapport aux besoins. Actuellement, l’hydrogène est utilisé dans la production d’ammoniac (pour les engrais), de méthanol, de carburant et pour le raffinage de produits pétroliers.

Parmi ses atouts, on notera que ce gaz est deux fois plus énergétique, à masse équivalente, que l’essence ou le gaz naturel et trois fois plus que le gasoil. Sa chaleur ne rayonne pas, donc il présente moins de risque d’enflammer des objets à proximité. En revanche, il est inodore, donc indétectable, tout comme sa flamme parfaitement incolore.

« Il est capable de produire de la chaleur et de faire fonctionner des moteurs par combustion directe; des moteurs thermiques à pistons, des turbines à gaz et des moteurs de fusée, avec dans tous les cas de l’eau pure comme seul rejet. Mais surtout, dans les piles à combustible, il peut produire directement de l’électricité et de la chaleur récupérable avec, là encore, comme seul résidu, de l’eau », écrit l’association France Hydrogène.

Si le gaz naturel liquéfié, qui émet encore 60% de CO2, est considéré comme le carburant de transition, tous les experts et les grandes puissances parient désormais sur l’hydrogène vert comme solution d’avenir pour décarboner l’industrie et les transports.

…mais très polluant à produire

L’hydrogène actuellement utilisé dans l’industrie existe sous trois formes, caractérisées par trois couleurs : le gris, le bleu et le vert.

L’hydrogène gris est produit à partir d’énergies fossiles par vaporeformage, un procédé très polluant avec 10 tonnes de CO2 émises par tonne d’hydrogène produite.

A ce jour, l’hydrogène gris est le plus répandu, essentiellement parce qu’il reste le moins cher à produire.

Son cousin, l’hydrogène bleu, est obtenu à partir du même procédé, mais le CO2 qu’il a généré pour être produit est capté et stocké. Il est donc un peu plus cher que le gris.

Enfin, l’hydrogène vert, sur lequel reposent tous les espoirs de décarbonation. Lui est produit exclusivement à partir de sources renouvelables et non polluantes, actuellement l’éolien et le photovoltaïque. Il dispose d’un atout de taille : offrir une solution de stockage pour ces énergies intermittentes par nature. Plutôt que de se perdre, l’électricité produite par les panneaux solaires ou les éoliennes quand la demande est insuffisante est envoyée dans un électrolyseur, qui casse les molécules d’eau en hydrogène et oxygène que l’on stocke.

Le CEA investit dans la recherche

Au CEA, une centaine de chercheurs intervient dans la filière hydrogène décarboné. « Il faut choisir la technologie d’électrolyseur, celui qui offre le meilleur rendement énergétique, explique Thierry Priem,  chef du programme « Stockage et solutions de flexibilité » à la nouvelle direction des programmes Energies du CEA, précisant que l’hydrogène obtenu « doit être aussi compétitif que celui obtenu par reformage du gaz naturel. »

Voiture
Les premiers taxis à hydrogène circulent depuis 2015 dans Paris. ©Hipe

Comment est ensuite utilisé l’hydrogène ainsi produit ? Il alimente une pile à combustible, qui le transforme à nouveau en électricité. Un procédé vertueux mais coûteux : 5€ le kilo, soit trois fois plus que l’hydrogène gris, dont le coût tourne autour de 1,5€ le kilo.

Le « power to fuel » pour la mobilité lourde

Une autre façon d’utiliser les capacités énergétiques de l’hydrogène c’est la technologie dite du « power to fuel », qui consiste à convertir l’électricité en carburant chimique de synthèse, en l’occurrence du méthane qui peut ensuite être injecté dans le réseau de gaz. C’est ce type de carburant qui est envisagé pour la mobilité lourde : avions, navires.

Au regard des enjeux, la plupart des énergéticiens, des constructeurs automobiles et des industriels investissent massivement dans cette filière. Pour autant, les défis à relever sont nombreux, à la fois sur le plan économique, réglementaire et même technologique. La création d’une nouvelle filière industrielle suppose en effet d’inventer une chaîne complète et fonctionnelle, depuis la production du produit de base jusqu’à sa consommation, en passant par la création d’un réseau de distribution.

Sans compter les incertitudes qui pèsent encore sur les solutions technologiques qui finiront par s’imposer, de très nombreux programmes de recherche ayant été lancés ces dernières années aux quatre coins de la planète. Et s’il est à peu près certains qu’une partie d’entre eux produiront des résultats, on ignore encore lesquels. C’est ce qui rend le pari de l’hydrogène aussi passionnant qu’incertain.


Regardez la vidéo :

[Comment ça marche] L’hydrogène, vecteur d’énergie du futur ?

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