L’ostéopathie animalière au service des chiens de troupeau

Du côté de Saint-Étienne-les-Orgues, dans les Alpes-de-Haute-Provence, Éva Dupont se rend dans les exploitations agricoles pour soigner les précieux auxiliaires des bergères et des bergers

art de vivre

Coralie est bergère dans une exploi­tation qui élève des brebis allai­tantes. Au moins une fois par an, elle fait appel à Eva Dupont, ostéopathe ani­malière, pour veiller à la bonne santé de ses chiens, prévenir les pathologies et les soigner. Au quotidien, Coralie est assis­tée de cinq chiens, dont deux particulièrement autonomes qui conduisent, déplacent et canalisent le troupeau pour elle, lui évitant ainsi l’usage de cheminements tout en barrières à installer, charger, décharger comme d’autres, sans chien, sont obligés de le faire. Parmi eux, Ozzie est une grande sportive. La mission de ce working kelpie est de contenir et conduire le troupeau, composé de 1000 brebis et de 300 agnelles. Elle travaille également avec Nicky, bouvier australien, et toutes deux sont très sollicitées tout au long de la journée, assistées par trois autres chiens qui complètent l’équipe.

« Ozzie est très nerveuse au boulot et il lui arrive de prendre des coups de la part du bélier, quand ce n’est pas elle qui lui met un coup d’épaule pour le faire avancer », explique Coralie. « Dès que je vois une gêne dans son boulot, dans sa démarche, je fais appel à Éva » confie-t-elle. L’aide de ses chiens est capitale dans son quotidien et leur compagnie aussi pré­cieuse que celle d’une famille. Sentant les difficultés d’Ozzie à tourner la tête, et avant même qu’elle ne se mette à boîter, la ber­gère a détecté la souffrance de l’ani­mal et l’a confiée pour une séance à Éva, qui est venue directement sur l’exploitation.

La séance est un vrai moment de relaxation pour la chienne qui se laisse totalement faire. ©AM

Une auscultation minutieuse

Coralie a toujours reconnu la com­pétence des ostéopathes. Elle y recourrait déjà il y a longtemps, ­quand elle travaillait en Isère. Depuis qu’elle est bergère à Saint-Étienne-les-Orgues, elle est ravie d’avoir la bonne personne à portée de main.

Éva a terminé son cursus et installé son activité profession­nelle dans le village. Elle exerce à domicile, dans les exploitations et les centres équestres. Elle se déplace dans les Alpes-de-Haute-Provence mais aussi dans toute la région ainsi que dans la Drôme, jusqu’en Occitanie, une semaine par mois, où elle a des clients fidèles.

Durant la séance, Ozzie se relâche complètement et coopère sans dif­ficulté. Elle s’abandonne tout entière à la manipulation de l’ostéopathe, qui parcourt le corps du canidé de la tête aux pattes, en passant par la colonne vertébrale, les articulations, le cou.

Par le passé, Éva est déjà intervenue sur l’animal. La première fois, c’était en 2019. La chienne était toute mai­gre, « elle avait des problèmes pour manger malgré les changements de croquettes et de viande, elle refusait de se nourrir », se souvient la bergère. Durant le soin, l’ostéopathe avait alors détecté et soigné un pro­blème digestif « le soir même, elle finissait sa gamelle », se souvient Coralie.

Chevaux, chiens, vaches…

La thérapeute, avec son brevet d’aptitude et son inscription au registre national des ostéopathes anima­liers, a également validé les épreuves complémentaires des exa­mens théorique et pratique de l’or­dre national des vétérinaires. Elle utilise différents types de tech­niques lui permettant d’agir tant aux niveaux structurel, tissulaire, crânien que viscéral et énergétique. Son intervention est douce, dure entre 45 minutes et une heure et soulage la souffrance en partie en instantané et le reste sur la durée.

Après la séance, un temps de repos est nécessaire pour un meilleur rééquilibrage. Elle intervient majori­tairement auprès des chevaux et des chiens, pour lesquels ses soins sont les plus demandés, mais il arrive qu’on la sollicite pour un chat ou un ruminant.

Elle met l’accent sur le travail de prévention en plus du traitement de pathologie. « Selon la probléma­tique : restriction de mobilité, com­pensation du corps atteint d’arthrose, dysplasie de la hanche… soit une séance suffit, soit je mets en place un travail de rééducation de plusieurs séances », précise-t-elle.

Une aide indispensable

« Je les montre aussi quand ils sont chiots, avant qu’ils attaquent leur mission auprès du troupeau pour voir s’ils ont fini leur croissance, vérifier si le corps est ok pour travailler sans risque », détaille Coralie. Les exi­gences varient selon les saisons. « En estive, c’est de la garde, il faut qu’il y ait une vigilance. Les chiens rampent, bondissent, courent et font preuve d’endurance, c’est un travail très intense Il faut qu’ils soient prêts car ça peut aussi les abîmer très vite », pour­suit-elle, soulignant que ses chiens « sont mes col­lègues de travail. Sans eux, je ne peux pas déplacer les brebis, les charger en bétaillère, faire les parcs, les déplacer aussi dans la bergerie pour manoeu­vrer en tracteur. Sans chien, c’est plus de boulot et de matériel, alors j’en prends soin avec une bonne nourri­ture, un bon suivi vétérinaire et ostéo », affirme-t-elle.

Coralie et Ozzie ont toute confiance en Eva Dupont, l’ostéopathe qui murmure à l’oreille des chevaux et des chiens. ©AM

Une séance par an

Pour Ozzie, le problème digestif de 2019 a complètement disparu. Ce jour-là, il s’agissait d’« un problème d’épaule droite, de cou et des der­nières cervicales », d’où le soupçon de coup dû au bélier ou de mau­vaise chute. Ozzie a développé « des compensations au niveau thora­cique », constate l’ostéopathe, le soin va beaucoup l’aider. Outre sa mission de chien de trou­peau toute l’année, Ozzie participe aussi à des concours, « elle bouge aussi bien 1300 brebis en estive que 5 dans un enclos », s’enthou­siasme la bergère.

Toutes deux recommandent dans tous les cas une séance par an en prévention, car « ça permet d’enlever à l’animal toutes les restrictions de mobilité et les compensations qu’il se crée en jouant ou en travaillant et ainsi retarder le vieillissement des arti­culations et l’apparition de certaines pathologies qui peuvent s’installer dans le corps », ajoute Éva, précisant « cette pratique permet aussi de limi­ter la prise d’anti-inflammatoires et d’analgésiques qui peuvent entrainer des effets secondaires et surcharger certains organes ».

L’ostéopathie animale est l’alliée des bergers et des éleveurs, même si tous n’ont pas la chance d’avoir un intervenant dans leur commune. Heureusement Éva Dupont se déplace à la demande.

En fin de séance, Ozzie, reconnais­sante, a même fait un câlin à sa soi­gnante.

Aurélie Mendez

L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin.fr

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