« Ma petite entreprise » enthousiaste et partageuse

La femme est l’avenir de l’agriculture bas-alpine ! Chaque année dans les Alpes-de-Haute-Provence une centaine d’installations de nouveaux exploitants est enregistrée pour environ une centaine de départs à la retraite. Le nombre d’installations, dont on pourrait craindre qu’il diminue ne faiblit pas. Sophie Penaud, la fromagère de Beaucouse qui a réussi à conjuguer reconversion professionnelle et vie de famille.

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S’il ne suffit pas (ou pas encore ?) à compenser tous les départs en retraite, sa stabilité, et même sa légère ré-augmentation montrent que l’attractivité du monde agricole est constante.

40 % de ces nouveaux entrants sont des femmes. Et parmi les deux tiers qui ont moins de 40 ans, la moitié bénéficient du dispositif d’accompagnement humain et financier, chiffre lui aussi en hausse.

Au point accueil installation, d’ailleurs, sur 250 porteurs de projets, 48 % sont des femmes, quand, au niveau de la région Paca 44 % de femmes sont recensées. Ce niveau statistique se retrouve également dans les dossiers de DJA qui sont portés par 48 % de femmes. Sur la centaine d’installations annuelles près de la moitié bénéficient de la DJA qui, rappelons-le, est attribuée aux demandeurs de moins de 40 ans et diplômés. Enfin 50 % de ces installations en DJA s’effectue hors cadre familial, 30 % en agriculture bio et 84 % en circuits courts.

Le meilleur exemple de cette analyse démographique pourrait être Sophie Penaud, jeune éleveuse de brebis qui dirige à 38 ans une exploitation sur le plateau de Beaucouse dans la vallée de Thoard. Une jeune femme qui participe avantageusement à la renaissance d’un quartier illustre de la vallée de Thoard : Le domaine de Beaucouse.

Beaucouse, c’est d’abord une belle propriété du XVII e siècle en plein cœur de la Haute-Provence. Un domaine en déshérence pendant plusieurs décennies et qui, depuis quelques années, retrouve une vitalité sociale et économique spectaculaire. D’abord grâce à un couple de néo-ruraux Pierre de Caumont et sa compagne Moreen qui ont commencé à rénover cette bâtisse forte de 1 200 mètres carrés habitables en créant deux activités : un côté traiteur via l’enseigne Les Bons p’tits plats et un côté hébergement grâce – pour l’instant – à deux chambres d’hôtes qui, cet été, ont fait le plein de suffrages. Il y a aussi et surtout la partie agricole désormais aux mains de Sophie Penaud.

L’opportunité de Beaucouse

Originaire de la région d’Agen, fille d’institutrice, Sophie Penaud n’est pas l’héritière d’une tradition familiale agricole. Après un master professionnel en gestion de l’environnement, traitement des eaux décroché à l’université de Limoges – bac +5 – Sophie a tra vaillé chez Suez puis Véolia. « Mais ça ne correspondait pas à mes attentes. Beaucoup d’heures de bureau. Le monde de la grosse entreprise, ce n’est pas ma tasse de thé. Je voulais rester dans le secteur écono mique de l’environnement mais côté production », confie-t-elle.

Sophie débarque ainsi en 2009 à Carmejane où les propositions de formation sont attractives et l’environnement pédagogique international avait de quoi la séduire. Sophie obtient un BTSA conduite de systèmes d’exploitation (ACSE). « J’ai, aussi et surtout, rencontré mon conjoint Yann Guironnet et j’ai travaillé pendant deux ans après mon diplôme dans des exploitations du pays dignois en cherchant une possibilité d’installation. C’est au moment où j’envisageais de retourner dans le Sud-Ouest faute de trouver de quoi m’installer qu’il y a eu la vente du domaine de Beaucouse par la Safer », raconte-t-elle. Il y avait une ferme, des terres. La bonne fortune en quelque sorte ! Pour pouvoir acheter Sophie crée un Groupement foncier rural (GFR) qui implique sa famille.

Sophie s’installe en 2015 et bénéficie de la DJA. Le montant de la DJA a été revalorisé d’environ 56 % entre 2016 et 2018. Plus élevé en zones défavorisées et en mon tagne, ce montant est modulé pour donner un coup de pouce supplémentaire aux installations hors cadre familial, aux projets répondant aux principes de l’agroécologie et aux projets générateurs de valeur ajoutée et d’emploi. C’est le cas pour Sophie qui commence sa carrière d’exploi tante avec une trentaine de brebis et dirige désormais 80 ovins en agriculture biologique. « Sous la bergerie existante, on a construit la fromagerie car c’était mon projet professionnel que de me consacrer à la fabrication de fromages et produits laitiers », ajoute-t-elle.

Sophie dans sa bergerie a reçu la visite de Lia, sa petite voisine.
Sophie dans sa bergerie a reçu la visite de Lia, sa petite voisine.

Le temps, une denrée rare

Des produits que la bergère-fromagère vend sur les marchés d’Aiglun, de Thoard, auprès de la Biocoop de Digne et bientôt de la Biocoop de Sisteron et Laragne. Les écoliers mais aussi les pensionnaires de la maison de retraite de Thoard via Les bons petits plats dégustent les yaourts de Sophie !

Reste que les premières années d’exploitation sont difficiles car ponctuées par deux grossesses rapprochées et suivies par la pandémie sanitaire. « En fait 2021 reste la première année de production active, précise Sophie, tandis que Yann s’est installé aussi avec un élevage de bovins après une tentative couronnée de succès avec la spiruline. Notre but c’est de pouvoir travailler davantage ensemble, poursuit Sophie, afin de créer un Gaec ».

Sophie se réjouit d’un voisinage à son image à savoir de jeunes exploitants, qui dans l’élevage ovin, qui dans le fromage de chèvre, mais toujours solidaires. « On n’est pas trop outillé pour mener à bien toutes les opérations agricoles. Aussi le secours de nos voisins n’est pas mince. Quand on est arrivé, toutes les prairies étaient à l’abandon, explique-t-elle. Au total une vingtaine d’hectares exploitées aujourd’hui et une centaine d’hectares de parcours ». Une éleveuse-fromagère qui n’échappe pas à la problématique de la prédation.

« J’ai été attaquée il y a quelques jours. Il faut faire avec. On va désormais disposer de deux chiens de protection », révèle-t-elle. L’an dernier, Sophie a déploré six brebis pleines éventrées…

Attention à la présence du loup

« Dans cette profession, c’est le temps qui manque le plus », déplore Sophie Penaud, occupée ce jour-là à soigner une jument blessée. Un temps, trop absorbé par le côté administratif de la gestion d’une exploitation. La MSA, la TVA et autres formulaires à remplir de façon récurrente… Autant d’impératifs qui plombent la vocation enthousiaste plus que les levers à 5 h 30 du matin pour aller à la bergerie ! « Ce qui est aussi marquant c’est la présence du loup. Mon projet de vie correspond à la réalité quotidienne que j’avais imaginée sauf que je n’avais pas inclus les enfants, ni le loup. Mais je ne me vois pas retourner dans un bureau », confesse-telle.

Grâce aux aides financières, Sophie est soutenue par une aide-bergère. « Ça me laisse du temps libre notamment le mercredi pour m’occuper des enfants. Il y a beaucoup de travail de surveillance des brebis que je partage volontiers. Au lieu d’investir dans le matériel, je préfère investir dans le côté humain », précise-t-elle.

D’ailleurs, Sophie Penaud est en symbiose sociale avec ses voisins du château de Beaucouse notamment pour gérer le temps scolaire. L’installation du jeune couple au château de Beaucouse c’est en effet la possibilité d’acheminer les enfants vers l’école de Thoard à tour de rôle !

Et ce n’est pas une mince affaire que de mener de front une carrière d’exploitante agricole et de mère de famille. Partageuse dans son projet professionnel, et bien consciente de la problématique du foncier agricole, Sophie a offert à un jeune maraîcher l’occasion de s’essayer à la production en offrant un coin de ses terres. Dès lors la petite entreprise agricole de Sophie Penaud est largement ouverte sur la carte agricole de la vallée des Duyes et inscrite sur de bons rails.

Bernard Fali

EA 420
L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin.fr

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