Au sein de la clinique Saint Martin Sport, vous soignez des sportifs de haut niveau mais aussi des amateurs et des sportifs du dimanche qui parfois ne sont plus tout jeunes. Tous acceptent de s’engager sur un programme de rééducation quotidien sur plusieurs semaines après une blessure généralement sérieuse. Il vous arrive bien sûr de prendre en charge des patients qui ont simplement mal au genou. Et parmi tous ces patients beaucoup vous demandent s’ils peuvent bénéficier de thérapies à partir de cellules souches. De quoi parle t-on précisément ?
Dr Hervé Collado : Les cellules souches, ça revient souvent chez les patients. Mais en fait il faut appeler ça plutôt de la médecine régénérative. Le principe de la médecine régénérative, c’est d’utiliser une partie du corps pour aller soigner ce même corps. En l’occurrence ça peut être du sang, de la moelle osseuse, de la graisse. On va prendre ce qui nous intéresse pour aller soigner les gens.
Les cellules souches en font partie. C’est l’avenir. Mais en France, pour l’instant, ce n’est pas encore autorisé. On peut utiliser d’autres outils du corps comme les plaquettes par exemple, et on parlera également des PRP. Donc la médecine régénérative, c’est utiliser le corps pour soigner son propre corps. Cela séduit beaucoup de gens, ça intrigue beaucoup de personnes.
Ce qui vient de notre corps ne peut être néfaste…
Pourquoi cet engouement ? Est-ce parce qu’on voit ça dans des séries télévisées américaines ou est-ce que c’est parce que les gens quand même ont des informations, parce que la recherche a beaucoup progressé ?
Je pense qu’il y a 2 niveaux. Le premier niveau c’est qu’on comprend que c’est l’avenir dans le sens où l’on voit et l’on entend que beaucoup de sportifs utilisent ça. Et on se dit que ce qui vient du monde sportif professionnel, c’est comme la formule 1 (pour les voitures). Cela va nous soigner par la suite, il y a un engouement. Effectivement la recherche commence à avoir des publications très sérieuses dessus.
Le 2e phénomène, c’est que ça vient de notre propre corps. On se dit ce n’est pas une molécule lambda qui a été synthétisée dans un laboratoire quelconque au fond de l’espace ; ça vient de notre propre corps et donc ça ne peut pas être néfaste. Ces 2 arguments permettent de conférer une certaine célébrité à cette médecine régénérative.
Arthrose et tendinites cibles N°1
Quelles sont les pathologies qui sont possiblement concernées par cette médecine régénérative ?
Il y a beaucoup de pathologies. Certaines qui ne me concernent pas. Je suis médecin du sport. Il y a beaucoup de dentistes qui l’utilisent pour la régénération des tissus, des greffes. Il y a des maladies sanguines, etcetera. Dans mon domaine, c’est essentiellement deux cadres : c’est les articulations – notamment l’arthrose où l’on va pouvoir utiliser cette médecine régénérative dans l’arthrose ; et puis après ce sont tout ce qui est tendinites, tendinopathies, donc les tissus tendineux, les tissus mous. On va pouvoir, grâce à la médecine régénérative, essayer de soigner un peu mieux et un peu plus rapidement les gens.
Genou, épaule, coude : trio gagnant
Vous avez parlé des genoux et des hanches. Est-ce que la partie supérieure du corps est également concernée ?
Complètement ! Effectivement il y a les articulations. L’articulation la plus étudiée c’est le genou. Néanmoins les épaules peuvent être également traitées par ça. Et puis surtout ce qui est tendon, les fameuses tendinites de coiffe d’épaule, ce qu’on appelle aussi les tennis elbow, les tendinites du coude. Tout ça peut être traité par la médecine régénérative mais on y reviendra aussi. Il faut quand même bien comprendre que cette médecine régénérative est un un outil ultime et qu’avant cela, il y a toutes les techniques classiques de rééducation et autres.
Le Plasma Riche en Plaquettes fait-il des miracles ?
Dans la prise en charge des blessures qui touchent les articulations, ou en orthopédie en général, on entend notamment parler d’un procédé présenté comme « miraculeux » et je mets des guillemets évidemment, c’est le PRP – le plasma riche en plaquettes. De quoi s’agit-il ?
Il faut toujours raison garder. Miraculeux… Effectivement, ça marche bien. Notamment il y a beaucoup de papiers qui montrent que dans l’arthrose du genou, ça marche. Il y a d’autres techniques aussi. Le PRP on l’utilise beaucoup. C’est quoi PRP ? Le principe est simple : on fait une prise de sang normale au patient, on met le tube dans une centrifugeuse. Au bout de 8 minutes ça nous permet de recueillir la partie du sang où il y a toutes les plaquettes. Une fois qu’on a toutes ces plaquettes, on les réinjecte chez le patient ; ça peut être dans un genou pour l’arthrose ou dans un tendon pour une tendinite.
Ces plaquettes sont des cellules qui renferment des hormones qu’on produit tous et qui vont permettre la cicatrisation des tissus. Donc on va concentrer ces protéines qu’on fabrique nous-mêmes pour aller guérir une zone du corps.
Injection sous échographie
Cela paraît facile et simple. Comment se passent ces injections ?
C’est assez simple ; ça prend en gros entre 30 et 45 minutes. Une infirmière fait la prise de sang, ce n’est pas douloureux, et on fait une centrifugation. Le médecin est toujours là parce qu’il faut que ça soit fait, légalement, dans la même pièce pour des raisons de sécurité. Il faut que le tube prélevé soit toujours au contact du patient pour qu’il n’ y ait pas de mélange et qu’on prenne le tube d’un autre patient, ce qui serait terrible. Ensuite on fait une injection, dans le genou, dans une articulation si c’est une arthrose, ou directement dans un tendon si c’est une tendinite. Là, effectivement, le procédé est un petit peu différent. On a besoin, par exemple pour un tendon, de le faire sous imagerie. On le fait sous échographie pour être le plus précis possible.
En cas d’arthrose douloureuse
A qui ces injections sont-elles proposées, à quels types de patients et à quel moment dans le processus de soin ?
Si on prend l’arthrose du genou, ce sont souvent plutôt des personnes âgées qui ont de l’arthrose et qui ont eu divers traitements qui ont été des échecs. Les différents traitements, c’est de la rééducation, des antalgiques. On fait également des injections de visco-supplémentation, des corticoïdes. En gros ce sont des gens, pour faire simple, qui ont de l’arthrose douloureuse, qui sont en échec médical, mais pour lesquels on n’a pas envie encore de mettre une prothèse parce que c’est trop tôt. Et donc il y a vraiment un espace pour ces gens-là où on fait du PRP ; ça c’est l’articulation.
Après il y a les tendinites. Et là on est plus sur une population de sportifs un peu plus jeune, avec des tendinites du coude, d’épaule. Là aussi il y a un échec de tout ce qui a été fait avant la rééducation. Avant on n’avait que la chirurgie qui n’est pas forcément l’idéal pour ce genre de pathologie. On propose de faire ces injections de plaquettes pour aller permettre une cicatrisation plus rapide.
Un peu douloureux dans les tendons
On va parler des résultats mais avant ça, est-ce que ces injections sont douloureuses. J’ai entendu dire que c’était douloureux quand c’est injecté dans les tendons. Est-ce vrai ?
Il faut bien faire la différence. Quand c’est dans une articulation, ce n’est absolument pas douloureux. Il y a de l’espace et ce n’est pas douloureux. Par contre, effectivement, dans un tendon, que ça soit dans un tendon d’épaule, un tendon du coude ou autre, c’est quand même un petit peu douloureux. Il y a des précautions à prendre. On en parle au patient avant, ça se travaille, on essaie d’être le moins douloureux possible. On prévoit des moments de repos. Les gens doivent être accompagnés, etcetera. Donc il faut le savoir, c’est un petit peu douloureux mais finalement c’est le seul effet secondaire de ce type d’injection.
Parlons des résultats. Quels sont-ils ?
On va parler scientifiquement. Dans l’arthrose du genou, c’est clair, c’est prouvé. Il y a des articles (scientifiques) de très bon niveau qui montrent que les injections de plaquettes de PRP sont efficaces dans la gonarthrose, c’est l’arthrose du genou. Pour tout le reste – les tendons, les autres articulations – on a une idée subjective d’amélioration. On sait, pour ceux qui en font, qu’on a une efficacité. Des fois ça ne marche pas, comme dans toute la médecine. Mais le plus souvent on a de bons résultats. Par contre, et pour être honnête aujourd’hui, il n’y a pas suffisamment de papiers scientifiques pour prouver scientifiquement qu’on a une efficacité dans les tendinopathies.
Le PRP ne remplace pas la rééducation
Est-ce que cela remplace – quand ça fonctionne – la rééducation qui, on le sait, est souvent longue, pénible, douloureuse ? Ou est-ce qu’il faut continuer finalement à faire travailler son articulation notamment ?
C’est une erreur que font beaucoup de patients. Cela ne remplace absolument pas la rééducation. Déjà, la rééducation doit être faite en amont. Et puis si ça marche, on ne fait pas de PRP. Et même si on en arrive à faire du PRP – que ce soit pour de l’arthrose ou pour un tendon – on a besoin de rééducation derrière. Donc de manière systématique je mets un protocole de rééducation derrière et je revois les patients 2 à 3 mois après la rééducation. Il y a des choses à savoir aussi : ce n’est pas miraculeux à la minute ! C’est-à-dire qu’il faut que les patients comprennent que ces injections PRP ne montrent leur efficacité totale que 2 à 3 mois après l’injection.
Choisir le bon… médecin
Comment être sûrs que le médecin maîtrise parfaitement cette technique et qu’il utilise la bonne centrifugeuse, la plus efficace, pour séparer le plasma des globules rouges et blancs ? Il y a plein de marques qui sont présentes sur le marché et il semblerait selon les articles scientifiques qu’elles ne soient pas toutes aussi efficaces les unes que les autres. Alors comment je suis sûr que d’une part je prends le bon médecin et d’autre part qu’il a la bonne centrifugeuse ?
Il y a des règles. Tous les médecins peuvent le faire dans la mesure où ils utilisent du matériel agréé CE. Après il y a du bon matériel et du moins bon matériel. Et il y a des médecins qui maîtrisent mieux et d’autres moins bien. C’est pour ça qu’on essaye un petit peu de légiférer. On a créé le GRIP qui est le Groupement international pour l’injection de plaquettes dont je fais partie. Il y a plusieurs kits, plusieurs systèmes de prélèvement et on sait que certains sont meilleurs que d’autres. On fait des publications et les médecins qui veulent faire ça maintenant savent quels sont les kits qui sont bons et ceux qui sont un peu moins bons. Je pense qu’il faut faire ça avec des médecins qui ont l’habitude d’en faire et qui vous expliquent. Le critère, c’est des médecins qui placent le PRP au bon moment, qui ne proposent pas de le mettre trop précocement. On le fait quand il y a eu l’échec de de toutes les autres thérapeutiques.
De 100 à 600€ l’injection non remboursée
Oui aussi parce que ce n’est pas remboursé par la Sécurité sociale…
Là c’est c’est un gros problème. Pour l’instant le PRP n’est pas remboursé, il faut être clair avec les patients. Il faut qu’ils le sachent et nous, avec le GRIP justement, nous travaillons pour prouver scientifiquement que ça permet une efficacité. En espérant que les tutelles à un moment donné pourront permettre un remboursement.
Mais est-ce que ça coûte cher ?
Cela dépend du médecin, de la zone géographique… Je vais être très trivial mais ça peut aller de 100 euros dans certaines régions jusqu’à 600 euros dans d’autres. Donc il n’y a pas de règle, comme quand il n’y a aucune régulation.
1 ou plusieurs injections ?
Faut-il renouveler ces injections tous les ans ou tous les 2 ans si elles fonctionnent ?
Pas forcément. Il n’y a pas de protocole. Si ça fonctionne et que les gens n’ont pas mal, on ne va pas injecter. On ne va pas mettre une aiguille dans un genou qui va très bien ! Il y a des patients à qui je ne refais absolument pas et puis certains à qui je le refais tous les 2 ou 3 ans. Et certains à qui je ne le refais pas parce que ça n’a pas marché. Il faut être clair également.
Est-ce qu’il y a des effets secondaires à ces injections ?
L’intérêt est qu’il n’y a pas de produit surajouté. Il ne peut pas y avoir de réaction dans le sens où c’est votre propre corps. Donc il n’y a aucun effet secondaire si ce n’est la douleur à l’injection pour les tendons, et pour ça il faut prévenir le patient. Il peut y avoir pendant quelques jours une petite douleur et donc on les traite avec les antalgiques classiques.
L’avenir est aux cellules souches
D’autres espoirs sont-ils attendus dans votre domaine en matière de médecine régénérative ?
La médecine régénérative, c’est très large effectivement. On parle de PRP qui maintenant sont des choses très admises et très communes. L’avenir, c’est effectivement les cellules souches. On les prélève de deux façons : soit à partir de la graisse, on fait une espèce de liposuccion et on extrait des cellules souches; soit à partir de la moelle osseuse, donc il faut faire une ponction de moelle osseuse et on extrait des cellules souches à partir de là. Ce sont les cellules qu’on appelle pluripotentes, qui vont pouvoir se différencier d’autres cellules et qui vont permettre de refaire – on l’espère ! – du cartilage, du tendon, etcetera.
Dans certains pays, ça se fait déjà. En France, à tort ou à raison, on n’en fait pas encore parce que administrativement on n’a pas le droit. Cela ne nous empêche pas d’aller se former à l’étranger, de s’informer à l’étranger, en espérant pouvoir amener la technique quand elle sera sûre et efficace en France.
Les conseils pour ménager son corps
Avant d’en arriver à la médecine régénérative, on peut quand même essayer de prendre soin de ses articulations. Comment garder ses articulations en bonne santé ?
On parle de médecine régénérative quand on est au bout du bout, qu’on a déjà de l’arthrose, des tendinites. Je pense que le mot de prévention doit être absolument évoqué effectivement. Le corps, on n’en a qu’un, c’est notre habitation pour toute la vie. Garder un poids correct – parce qu’on sait que le poids sur les articulations c’est terrible -, avoir une activité physique régulière, pas forcément intense, mais régulière, prendre soin de soi en faisant du sport adapté à son âge et à ses capacités avec une combinaison de sport un peu de force, un peu d’endurance, un peu d’élasticité, garder la souplesse quand on a plus de 50-60 ans… Voilà effectivement la prévention peut nous permettre d’éviter tout ce dont o, vient de parler.
Course à pied : attention aux articulations
Déconseillez-vous la pratique de certains sports à partir d’un certain âge pour épargner ses genoux, ses épaules ou ses coudes ?
Moi, par définition je ne contre-indique jamais à quelqu’un de faire du sport. Jamais. Je ne dis jamais à quelqu’un « arrêtez de faire ça ! » Les gens font ce qui leur plaît et je ne les interdirai jamais. Une fois qu’on a dit ça, effectivement il y a certains sports qui sont un peu plus délétères pour les articulations. On va parler de la course à pied pour les genoux. Si on a un peu d’arthrose il ne faut pas que ça soit le sport principal. On peut une fois par semaine. Il ne faut pas courir tous les jours. L’idée ce n’est pas d’interdire, c’est d’adapter en fonction des capacités et des goûts de chacun.
Garder de la souplesse
Des postures, des médecines douces ou des aliments sont-ils recommandés pour conserver en bon état le corps que la nature nous a donné, sans avoir besoin de le régénérer ?
Il y a différents compléments alimentaires sur le marché, en pharmacie, qui n’ont pas prouvé encore d’efficacité mais non plus d’inefficacité. Sur des cures de 2-3 mois des choses peuvent être faites. Des activités comme le Pilates, comme le yoga, qui permettent de garder des articulations souples, saines. C’est vraiment la base. Et puis une alimentation saine, sans parler de compléments alimentaires, et variée permet – sans parler du contrôle du poids – d’apporter des nutriments aux articulations. Je conseillerais pour certains qui sont un peu perdus de solliciter les conseils de diététiciens ou diététiciennes. Vous pouvez aller voir un diététicien sans être obèse au gros, sans vouloir perdre du poids, simplement pour être mieux dans votre corps. C’est une démarche qui va être de plus en plus à la mode dans les années à venir.
Contrôler son poids est le plus important
Il n’y a pas d’aliments que vous recommandez particulièrement parce qu’ils sont tout simplement bons pour les articulations ?
Non honnêtement. On pourrait en parler pendant des heures mais rien n’a été vraiment prouvé. Il a été évoqué les effets délétères du lait, de la viande rouge consommée vraiment à dose importante. Il faut raison garder. Il faut éviter les aliments acides mais à part ça je pense qu’il faut garder un régime équilibré, manger de tout, ne pas se priver et garder une ligne correcte. C’est le principal. Le poids, le contrôle du poids, est plus important finalement que les différents nutriments qu’on va pouvoir apporter.
cet article vous a plu ?
Donnez nous votre avis
Average rating / 5. Vote count:
No votes so far! Be the first to rate this post.