Mal-être : le succès croissant de la sophrologie

Les cabinets de sophrologie fleurissent à tous les coins de rue. Mise à toutes les sauces, cette discipline qui favorise la relaxation vise à libérer les tensions du corps. Insomnie, perte d'estime et de confiance en soi, préparation aux examens, les résultats obtenus sont intéressants. Nous avons choisi d'interroger une praticienne en hypnose et en sophrologie caycédienne réputée, Marion Chamassian. Elle détaille les compétences et les limites de la sophrologie, et met en garde contre les charlatans.. Elle exerce dans un cabinet médical à Marseille et travaille en lien avec des services hospitaliers.

Santé

On a l’impression que la sophrologie est la nouvelle pratique « miraculeuse » face à la dureté de la vie, face au malaise un peu généralisé qui s’est répandu sur nos sociétés. On entend souvent vanter les mérites de la sophrologie. Que propose cette pratique ?


Marion Chamassian : Je ne sais pas si c’est la méthode miraculeuse… Effectivement, on a aujourd’hui la possibilité de pouvoir aller vers des méthodes qui sortent de la médecine traditionnelle et qui peuvent nous permettre d’aller faire un pas de côté par rapport à un mal-être, par rapport à des choses qui sont envahissantes dans notre quotidien. La sophrologie permet de faire ce fameux pas de côté. Comment? Eh bien on apprend en séance de sophrologie à ressentir les choses, à mettre des mots justement sur ce qu’on ressent dans le corps. Parce que trop souvent le corps est perçu du côté de la douleur, ou alors pas du tout justement pris en compte : on peut penser que le corps n’est qu’un véhicule qui nous permet de nous déplacer. Or le corps vit des choses et nous permet de ressentir soit des choses agréables soit désagréables.

Donc l’idée en sophrologie c’est de pouvoir mettre des mots sur ce que l’on ressent et de pouvoir aussi analyser ce que l’on pense, et mettre du lien entre les 2 : entre le corps et la tête. Cela permet de pouvoir se projeter vers ce qui est important pour chacun d’entre nous, et donner du sens à notre vie.

Gestion du stress, de l’anxiété, des troubles du sommeil

La sophrologie permet-elle d’accéder à un bien-être général ou est-ce qu’elle répond précisément à des situations de mal-être qui sont traitées spécifiquement, et lesquelles ?

Les deux mon capitaine ! On peut être dans un mieux-être général et à la fois venir travailler des problématiques très spécifiques type gestion du stress évidemment. Aujourd’hui, dans la société dans laquelle nous sommes, il est très important de pouvoir justement comprendre déjà comment fonctionne le stress, à quoi il sert, et quand est-ce qu’on est en trop plein de stress. Quand on est dans un stress chronique, c’est-à-dire que tous les jours on est dans des situations qui amènent à l’épuisement, on va apprendre justement à travailler ce trop plein de stress. Mais on peut aussi travailler tout ce qui est anxiété, troubles du sommeil, confiance en soi. C’est très important pour les ados – j’en reçois pas mal –  et leur donner confiance en eux en allant leur permettre de contacter leurs ressources profondes :  ce qu’ils savent très bien faire, ce qu’ils ont en eux qui fait qu’ils sont un être vraiment unique. Leur faire prendre conscience de ce truc là, c’est leur donner confiance en eux et en la vie.

Des outils pour apprendre à se relaxer au quotidien

Comment se passe une consultation, concrètement ? Et faut-il s’inscrire dans un cycle long de consultations pour obtenir des résultats ?

S’inscrire dans un cycle long dépend de ce que la personne recherche. Bien sûr que la personne est là et elle est libre de choisir et de mettre un terme à son suivi, ou au contraire de pouvoir le prolonger. On est dans le partage. Je peux évidemment dire à la personne « Voilà ce que je sens, ce que je vous propose de faire », mais la décision finale appartient à la personne. C’est une valeur essentielle pour moi.

Comment se passe une séance de sophrologie : on travaille d’abord des petits exercices de respiration, des exercices dynamiques du corps aussi qui vont nous permettre d’être dans un relâchement, de pouvoir détendre le corps, de pouvoir identifier certaines tensions, des tiraillements dans le corps, et de pouvoir apprendre à les évacuer. Ensuite on va utiliser une capacité qu’a le cerveau qui est de pouvoir visualiser. Ce que l’on fait en séance de sophrologie, c’est que, en amont d’une vraie séance où on va pouvoir fermer les yeux et se laisser guider par la voix du sophrologue, c’est de pouvoir utiliser ces outils. Le but est de rendre la personne autonome et qu’elle puisse dans son quotidien réinstaller les mêmes outils. C’est vraiment ça qui compte. Une fois qu’on a pratiqué ces outils de respiration, de relaxation, de visualisation, l’idée c’est de dire à la personne « maintenant que vous connaissez ce que l’on va faire dans cette séance, vous allez fermer vos yeux et vous laisser guider pour 30 à 40 minutes de séance ».

L’hypnose pour reprendre la main sur ses blocages

Vous pratiquez notamment l’hypnose ericksonienne. Dans quelles situations, et qu’est ce que cela produit physiologiquement sur notre corps ?

Ce n’est pas une hypnose de type « spectacle » que je pratique ! C’est vraiment une hypnose qui se pratique d’abord là aussi avec la validation et l’accord du patient, et ça c’est très important. Le patient ne me donne pas le contrôle de quoi que ce soit. C’est effectivement ce que les gens peuvent avoir comme a priori en arrivant ici. Donc je travaille avec la personne et son inconscient et c’est son inconscient qui me guide pour aller de manière spécifique travailler telle ou telle chose. Ce que l’on peut travailler en hypnose, c’est tout ce qui est blocage, résistance. Quand quelqu’un dit « J’ai tel comportement qui se met en route et je n’y peux rien, ça se fait malgré moi, parce qu’à ce moment-là j’ai l’impression d’être en pilote automatique », là on sait. Le thérapeute en face se dit « OK ».

C’est donc l’inconscient qui fait démarrer un programme appris dans l’enfance, construit dans l’enfance, l’adolescence, peu importe, mais qui se met en place de manière automatique. Et l’intention de départ est plutôt bonne à l’élaboration de ce programme et à la mise en route de ce programme. Mais il se trouve que, au fur et à mesure que le temps passe, eh bien peut-être que le programme est un peu défectueux. Peut-être que le programme est sorti pour des situations qui semblent semblables et similaires, mais qui ne sont pas identiques à la première situation où le programme a été élaboré. Et donc on a besoin de revoir, de retoucher, et de retransformer ce programme. L’hypnothérapeute est juste un guide pour la personne, pour aller profondément au cœur de sa personne et de pouvoir elle-même retoucher ce qui est à retoucher pour pouvoir sortir de ces résistances, de ces pensées limitantes, de ces compulsions, de ces addictions qui se mettent en route de façon automatique, réflexe, sans qu’elle puisse avoir la main dessus.

Des personnes sont envoyées par des médecins

On l’a dit : la sophrologie est donc une pratique qui n’est pas médicale. Elle touche pourtant aux soins du corps et de l’âme. Où s’arrête le soin justement ? Et vous arrive-t-il de travailler en lien avec des médecins ?

Oui je travaille avec des médecins, la plupart du temps d’ailleurs. C’est quelque chose qui est très important parce que ça prouve aussi que la communauté médicale a aussi évolué de ce côté-là. Elle accepte aujourd’hui de dire que des techniques comme la sophrologie ou l’hypnose ou la méditation, « mindfulness » par exemple, peuvent effectivement aider les patients à sortir d’une anxiété généralisée, de phobies, de choses comme ça. Il m’arrive par exemple de travailler avec le cabinet du professeur Rufo pour des petits enfants ou des adolescents qui auraient des problèmes de tics, de mouvements qui ne sont plus du tout coordonnés, qui apparaissent et qui nuisent à la concentration, à l’énergie de l’enfant. Je travaille avec eux sur recommandation de médecins. Je travaille également dans un cabinet médical qui donne des avis sur des opérations particulières de l’estomac par exemple. Ces médecins ont bien compris qu’il y avait aussi un intérêt à ce que la personne puisse travailler sur elle-même, au niveau des émotions, au niveau du corps, et mettre du lien entre la tête et le corps.

Aider les ados à entrer dans la vie adulte

Existe-t-il des profils types de « patients » ? Plus de femmes que d’hommes ?

Il y a plus de femmes que d’hommes. Je pense que les hommes ont peut-être un petit peu plus de mal à venir consulter, à franchir la porte, à dire « j’ai besoin d’aide ». C’est peut-être moins facile pour les hommes. Ceci dit, certains le font. Je reçois tout type de patient: des enfants, des ados, et j’aime particulièrement cette population là, la population des ados, des jeunes adultes, parce que les barrières sont moins fortes. Ils sont absolument partants pour tout essayer. Ils sont très réceptifs et quand le lien est créé, ça va en général très vite. C’est vraiment très agréable de se dire qu’on a donné quelques clés justement pour préparer une bonne vie d’adulte, une vie d’adulte où on aura peut-être plus de rapidité, plus de facilité à gérer nos émotions, à gérer notre stress et donc à être bien dans nos baskets.

Le mal-être à la base des consultations

Ces « patients » qui consultent en sophrologie sont-ils généralement engagés dans une démarche plus globale d’attention à eux-mêmes, de détachement de certaines contraintes, de déprise d’un monde de l’urgence et de la performance ? Bref, est-ce que la sophrologie participe finalement d’une certaine philosophie de la vie ?

Elle peut. Est-ce que c’est la quête première quand les gens franchissent la porte de ce cabinet, je ne crois pas.

Ils viennent parce qu’ils ont un mal-être, parce qu’ils ne sont pas bien ?

Tout à fait. Parce qu’il y a quelque chose qui coince, qui bloque et qui empêche le changement pour aller vers quelque chose de plus aligné, de plus adapté pour leur vie au quotidien. C’est souvent ça qui les amène à venir consulter.

La sophrologie complémentaire du psychiatre ?

Est-ce qu’il vous arrive d’orienter vos patients vers des médecins, vers des psychologues ?

Oui, tout à fait. Il m’arrive parfois de dire « Ecoutez, je pense que je ne suis pas la bonne personne et que la problématique que j’entends aujourd’hui doit être partagée plutôt par un psychiatre ou plutôt par un psychologue. » J’ai aussi l’habitude de travailler en complémentarité avec les psychologues ou les psychiatres. C’est-à-dire que eux travaillent sur le psychique, sur les souffrances liées à l’enfance, le pourquoi d’une situation, pourquoi est-ce que je suis comme ça. Et en passant par la sophrologie ou par l’hypnose, on a un double effet qui est très complémentaire et qui parfois permet une accélération du processus thérapeutique, et qui est très aidant pour la partie psychologie. Les médecins et les psychologues avec qui je travaille ont compris très vite l’intérêt.

Comment éviter les charlatans…

Qu’est-ce qui me garantit que le ou la sophrologue que je vais aller voir est bien formé(e) et n’est pas un charlatan, voire un manipulateur mental ?

Ce qui permet de « faire le tri » – on va dire les choses comme ça – c’est déjà de pouvoir avoir une idée du parcours de la personne, de ses formations. Mais les formations n’étant pas toutes reconnues, c’est compliqué pour quelqu’un qui n’y connaît rien de faire le tri. Ce qui est plutôt parlant également, ce sont les témoignages. Aujourd’hui on a tous des réseaux sociaux, Google… Les gens laissent des témoignages. Ces témoignages là sur un suivi, sur un accueil, sur un rendez-vous, peuvent vraiment donner aussi une idée de la personne que l’on va rencontrer. Ceci dit, rien ne vaut la rencontre avec la personne ! Une séance n’oblige à rien. Elle permet juste de prendre contact et de se dire « OK, est-ce que je pourrais être à l’aise avec cette personne ? Oui ? Non ? ». Elle permet aussi de questionner la personne en direct sur ce qu’on aimerait vraiment préciser. Une séance, ça peut vraiment me permettre de pouvoir effectivement choisir la personne qui va nous accompagner.

40 à 60€ la séance, mais le but est d’autonomiser la personne

Sur un plan financier, est-ce que la sophrologie revient cher pour un « patient », parce qu’il va devoir suivre plusieurs séances. Quelle est la gamme de tarifs en général ?

Globalement c’est entre 40 et 60€ pour une séance de sophrologie qui dure globalement 1 heure. On a aujourd’hui aussi des propositions d’ateliers en collectif où c’est le sophrologue qui arrive avec une thématique, qu’il va aborder en séance. Donc on n’est pas dans quelque chose d’individuel et de personnalisé. On laisse 15 jours, 3 semaines entre 2 séances, pour que la personne puisse s’entraîner avec les outils qu’elle aura appréhendés en séance. Parce que le but, c’est l’autonomie. Aujourd’hui, certaines mutuelles se mettent à rembourser une séance de sophrologie ou même d’hypnose. Est-ce très cher ? Je ne pense pas. Est-ce que ça vaut le coup ? Oui, je le crois. Au même titre qu’on irait s’acheter une nouvelle garde-robe, s’occuper de soi, de son intérieur, de son mental et de son mieux-être, je pense que c’est bénéfique

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