Maladies cardiovasculaires : la bombe a déjà explosé

La 2e conférence organisée à Toulon par MProvence a permis de pointer une situation inquiétante. Bonne nouvelle : il existe une multitude de solutions pour inverser la tendance. A condition de prendre le taureau par les cornes !

Santé

Le docteur varois Jean-Noël Poggi a quelques décennies de vol en matière de pilotage des maladies cardiovasculaires. Et ce qu’il voit en 2024 n’est pas fait pour le rassurer. Chef de service au Centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne, il n’y va pas par quatre chemins pour décrire la situation sanitaire : « La bombe à retardement qu’on nous annonce, elle a déjà un peu pété en réalité. »

Des propos qui ont planté le décor de la conférence publique organisée par MProvence ce jeudi soir à l’hôpital Sainte-Musse de Toulon. Et Doc Poggi a déroulé : 130.000 AVC pris en charge en France en 2023 contre 110.000 en 2014 « avec une augmentation importante chez les patients de moins de 65 ans ! » 80.000 infarctus du myocarde par an, dont un sur dix décède dans l’heure. 600.000 patients traités pour artériopathie des membres inférieurs, là encore en progression.

1 million d’hospitalisations

La Dr Camille Chiabrando, médecin vasculaire à Sainte-Musse et à la Timone, a souligné qu’un million de personnes sont chaque année hospitalisées pour ces maladies. Elles provoquent la bagatelle de 400 morts par jour. Une hérésie quand on sait que 80% de ces pathologies pourraient être évitées, ou en tout cas largement amoindries, grâce à la prévention, au dépistage, à une meilleure hygiène de vie…

Jean-Noël Poggi a pointé d’autres « explosions » : le nombre de cas de personnes diabétiques, +4% par an. « On est face à une véritable épidémie. » Sans oublier un chiffre qui clignote en rouge sur le tableau : un tiers des adultes français ont de l’hypertension artérielle (HTA), mais seuls la moitié d’entre eux le savent et seuls 50% de ceux-là sont traités. Une alarme sanitaire majeure. « Une hypertension non traitée peut engendrer un AVC mortel. »

Gare au pastis et à la baguette, vive le poireau !

La Dr Léonie Gey, médecin vasculaire à Toulon et la Timone, a détaillé les effets de cette HTA : elle cible principalement le cerveau (avec des AVC, souvent hémorragiques), le coeur (engendrant une insuffisance cardiaque) et les reins (pouvant conduire à un arrêt de leur fonctionnement et à la dialyse). Il est donc indispensable de surveiller sa tension une fois par an. Les hypertendus doivent suivre dans la plupart des cas un traitement journalier à vie (ce que ne font pourtant pas rigoureusement une grande partie des patients).

La Dr Gey a dressé la liste impressionnante des aliments à éviter quand on est hypertendu : les apéritifs anisés, la réglisse, le sel… Diététicienne, Florence Milhes a délivré une longue leçon sur l’alimentation. Insistant sur la nécessité de réduire l’apport alimentaire en cholestérol « qui se trouve uniquement dans les graisses d’origine animale« . On retiendra qu’il vaut mieux privilégier le rosbeef à la côte de boeuf, et qu’il faut manger avec parcimonie les abats et notamment le foie, les charcuteries, le beurre, le jaune d’oeuf, consommer une seule portion de fromage par jour plus un laitage. Et attention, la baguette de pain c’est 5 à 6 grammes de sel, soit la dose totale journalière à ne pas dépasser.

Quant aux aliments stars, on les trouve dans les poissons gras et les huiles végétales riches en oméga 3, les haricots blancs et rouges, les lentilles, pois chiches et céréales complètes. Vive les légumes bien sûr, les verts, les rouges, les oranges ! Le top, ce serait le poireau. Côté fruits, c’est pas plus de 2 par jour car ils contiennent beaucoup de sucre. Avec une préférence pour la pastèque, le melon et les agrumes riches en eau (avec un bémol sur le pamplemousse, qui est incompatible avec nombre de médicaments).

Affiche présentant le repas ideal

La chaise, notre pire ennemi

Steven Laujac, ingénieur hospitalier, a rappelé les mérites de l’activité physique, en martelant que nous passons beaucoup trop de temps assis. La chaise est notre… pire ennemi ! « L’activité physique adaptée peut avoir le même effet que certains médicaments sur l’obésité, le diabète, l’athérosclérose des membres inférieurs ou la dépression. » Chacun dispose donc, à son niveau, d’une forte capacité d’action.

Idem en matière de lutte contre le tabagisme. Lors de la conférence, Isabelle Chantraine, tabacologue à l’hôpital Sainte-Musse, a rappelé les méfaits du tabac avec ses 4000 substances nocives contenues dans une seule cigarette. Il est responsable directement de 77.000 décès annuels.

Elle a surtout insisté sur les bienfaits d’un arrêt définitif, avec des résultats encourageants : 24h après un arrêt total le monoxyde de carbone a été évacué du corps; 1 an après les risques d’insuffisance coronarienne sont réduits de 50%; au bout de 5 ans les risques de développer un cancer de la bouche, de la gorge, de la vessie ou du col de l’utérus tombent de moitié. Après 10 ans d’arrêt total, les risques de cancer du poumon, du pancréas et du larynx sont réduits de moitié. Et après 15 ans, le risque cardiaque revient au niveau de celui d’un non fumeur.

 

Cigarette électronique : un doudou malfaisant

Précisant qu’il existe de nombreuses méthodes très efficaces pour stopper le tabac, Mme Chantraine invite les vapoteurs, qui ont remplacé la clope par la cigarette électronique, à la prudence. « C’est devenu un doudou, on taffe toute la journée ! Or elle doit rester avant tout un outil de sevrage. Certes, elle est moins nocive que la cigarette mais elle contient encore 400 produits nocifs pour la santé ! On commence à voir émerger des pathologies qui ne sont pas anodines. »

Last but not least : l’intervention de la Dr Sophia Bensedrine, médecin vasculaire à Six-Fours-les-Plages. Qui a alerté sur le nombre croissant de femmes victimes de maladies cardiovasculaires, pointant la progression d’infarctus chez les 35-55 ans. « Nous sommes face à une urgence sociétale et médicale. Il faut savoir détecter les signes de l’infarctus qui sont parfois différents de ceux de l’homme. Souvent les femmes sont dans une espèce de fatalité. La solution consiste à accroître leur niveau d’information. »

Ultime question dans le public (un monsieur) : « Peut-on consommer un verre de bordeaux par jour? » Oui, sans problème, a répondu le Dr Poggi, mais pas plus. Et ça peut aussi être du côte de provence ! Mais du rouge de préférence en raison des polyphénols. Complément de la diététicienne, Florence Milhes : « Dans l’alimentation, tout ce qui est rouge est bien ! » A bon entendeur…

 

Deux conférences encore à Nice et Marseille

MProvence organise encore deux conférences publiques et gratuites sur la prévention des maladies cardiovasculaires.

Mardi 30 janvier à 17h30 à Nice : rendez-vous au Centre Universitaire Méditerranéen, 65 Promenade des Anglais. En partenariat avec le CHU de Nice.

Mercredi 31 janvier à 17h30 à Marseille : rendez-vous à Aix-Marseille Université (amphi Gastaut), jardin du Pharo, 58 Bd Charles Livon, 13007 Marseille. En partenariat avec l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille

Renseignements: 06 33 78 35 79

 

cet article vous a plu ?

Donnez nous votre avis

Average rating / 5. Vote count:

No votes so far! Be the first to rate this post.

Partagez vos commentaires.