Maryse Joissains, plus dure est la chute

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Définitivement condamnée après le rejet de son ultime pourvoi, l’ex-maire d’Aix-en-Provence voit sa carrière politique prendre fin contre son gré. Mais la disgrâce de Maryse ne signifie pas la fin de la saga Joissains. Sa fille Sophie occupe déjà le fauteuil. Et entend bien le garder

Longtemps, elle a cru que l’aiguille ne bougerait plu, que le baromètre de sa vie politique était définitivement bloqué sur « beau fixe », après avoir débuté de même il y a plus de 40 ans, dans le sillage d’un jeune époux fraîchement élu maire d’Aix-en-Provence. Mais la « baraka » qu’elle s’était découverte lors de sa première élection « sur son prénom », en 2001, a donc fini par l’abandonner. 

En rejetant, jeudi 4 novembre, son ultime recours contre sa condamnation à 8 mois de prison avec sursis et 3 ans de privation de ses droits civils, civiques et de famille, prononcée le 7 décembre 2020 par la cour d’appel de Montpellier, la Cour de cassation a en effet mis un terme définitif à la carrière politique de Maryse Joissains. A 79 ans, l’ex-députée-maire (LR) d’Aix-en-Provence va devoir abandonner l’ensemble des mandats qu’elle conservait encore, un peu plus d’un mois après avoir démissionné de la mairie et passé le témoin à sa fille Sophie, 52 ans, la troisième Joissains à s’asseoir dans ce même fauteuil depuis l’élection de son père Alain, en 1978.

Une carrière politique aux multiples rebondissements

Maryse va donc devoir quitter la présidence du Conseil du territoire du Pays d’Aix, qu’elle occupait depuis plus de 20 ans, ainsi la vice-présidence de la Métropole Aix-Marseille-Provence, où elle avait été élue en juillet 2020, dans la foulée de sa réélection à la mairie d’Aix. Un retrait contraint qui clôt brutalement le parcours politique hors-normes de cette avocate tonique et pugnace, propulsée dans l’arène en 1983, quasiment à l’insu de son plein gré, dans la foulée de ce qui restera comme « la première affaire Joissains ».

A l’époque, Alain prépare sa réélection. Proche de Jean-Jacques Servan-Schreiber, il se voit déjà en patron de la droite provençale en cas de succès, et pourquoi pas ministre le jour où son camp reprendra la pouvoir. Sauf qu’une sale affaire de fausses factures et d’enrichissement personnel le rattrape. Il fera facturer à un collège en construction quelque 900 000 francs de travaux effectués dans la villa que ses beaux-parents font construire dans la campagne aixoise. 

©Twitter Maryse Joissains

Un scénario qui tourne mal

Plombé par ces révélations et la procédure judiciaire qui s’ensuit, Alain Joissains renonce à se présenter et envoie au feu un second couteau qu’il croit fidèle : l’UDF Jean-Pierre de Peretti della Rocca, qui se lance dans la campagne avec néanmoins un Joissains sur sa liste, Maryse, qui doit devenir 1e adjoint si l’opération prospère. Avant le retour d’Alain, une fois blanchi par la justice. Sauf que le scénario ne tiendra pas. De Peretti della Rocca est certes élu maire d’Aix en mars 1983 et au 1er conseil municipal de la mandature, Maryse Joissains est bien élue 1er adjoint. Mais son mari ne sera jamais blanchi. Au contraire !

Il est finalement condamné à 2 ans de prison avec sursis et 150 000 francs d’amende, alors que son beau-père, Roger Charton, écope de 18 mois avec sursis. Alors âgé de 70 ans, le père de Maryse ne supportera pas la disgrâce. Ancien cuistot de Marine devenu une figure importante du PCF dans le Var dans les années 1950, il se tire une balle dans la tête quelques semaines après sa condamnation. Le couple Joissains n’y résiste pas. Alain et Maryse se séparent, mais ne divorceront jamais.

Tout vient à point… 

Au conseil municipal, où elle est assise au côté de Jean-Pierre de Peretti delle Rocca, Maryse siège mais reste silencieuse. « Le supposé fidèle que son mari avait placé là s’était vite pris au jeu et les Joissains n’avaient littérallement plus voix au chapitre », se souvient un ancien élu de sa majorité. « Elle rongeait son frein en ne pensant qu’à une chose : prendre sa revanche et venger son mari. » Elle y parvient une première fois fin 1988, en rassemblant suffisamment de conseillers municipaux pour mettre Jean-Pierre de Peretti della Rocca en minorité sur le vote du budget, alors que la campagne électorale des municipales de 1989 bat déjà son plein. 

Une joute qui s’achève sur une autre victoire pour la clan Joissains : la défaite du « traitre » face au socialiste Jean-François Picheral en mars 1989, après un entre deux-tours rocambolesque qui voit les ténors de la droite aixoise, divisée entre pro-Joissains et les pro-De Peretti, déposer trop tard une liste fusionnée, ouvrant un boulevard à leur adversaire socialiste.


Six ans plus tard, Alain tente un improbable come-back en présentant une liste à la municipale. L’opération se solde par un échec cuisant. « A ce moment-là, les affaires politico-financières commençaient d’éclater de tous côtés, dans tous les partis, et même 12 ans après, le nom de Joissains résonnait encore négativement aux oreilles de beaucoup d’électeurs aixois, analyse un autre ex-élu municipal, soulignant que, à l’époque, le manque de probité était encore un handicap électoral insurmontable. »

Des accents volontiers populistes et un culot inoxydable

Le coup d’après, c’est donc Maryse qui le jouera, en 2001. Elle rameute une bonne partie des anciens colistiers de son mari et présente une liste sans étiquette contre le sortant PS, Jean-François Picheral, et les deux listes de droite, celle du RPR Jean Chorro et celle de l’UDF François-Xavier De Peretti – sans lien de parenté avec l’ancien maire. Tous les sondages donnent Picheral réélu dans un fauteuil, mais Maryse n’en a cure. Avec sa gouaille inimitable, ses accents volontiers populistes et son culot inoxydable, elle part à l’assaut des cages d’escaliers des quartiers populaires et, comme dirait Nicolas Sarkozy, va arracher une à une les voix des Aixois « avec les dents ». 

Elle triomphe de justesse – un peu plus de 100 voix d’écart – et annonce la couleur dès le soir de son élection. A l’hôtel de ville, où elle est entrée à la hussarde, son mari et sa fille à ses côtés, elle conclut ainsi son discours par une saillie vengeresse : « Cette place, je l’ai payée au prix du sang », assène-t-elle devant un parterre médusé.
Sitôt élue, elle met les siens en place, au sens littéral du terme. Alain devient son directeur de cabinet à la mairie et Sophie son alter ego à la communauté du Pays d’Aix (CPA), dont elle a aisément raflé la présidence quelques jours après avoir conquis la mairie. 

©Twitter Maryse Joissains

Une période bénie pour le clan Joissains

Après les années d’opprobre et de vaches maigres, débute alors une période bénie pour le clan Joissains. Moins d’un an plus tard, Maryse devient en effet députée de la 14e circonscription en éliminant le sortant Jean-Bernard Raimond, ex-ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac entre 1986 et 1988, parachuté à Aix en 1993 avec l’espoir d’en devenir maire et qui rentrera à Paris après cet épisode. En 2007, elle soutient la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République et conserve son mandat de députée aux législatives suivantes.

L’année d’après, elle poursuit sur sa lancée et remporte la bataille municipale d’une courte tête face à son ex-adjoint (UDF) François-Xavier De Peretti et au socialiste Alexandre Medvedowsky, avec moins de 800 voix d’avance. Un écart suffisamment faible pour justifier l’annulation du scrutin, après qu’un tract particulièrement odieux a été diffusé le jour de l’élection et que sa victime, l’ex-adjoint de Maryse Sétphane Salord, a porté plainte. Ce qui n’empêche guère Maryse d’être réélue maire l’année suivante, avec une avance encore plus courte (180 voix), mais le secours de cette fameuse « baraka » qui semble alors agir pour elle comme un vrai talisman.

Un bras de fer mythique avec Jean-Claude Gaudin

Entretemps, elle aura réussi un de ses coups politiques les plus gonflés, au détriment de Jean-Claude Gaudin et au bénéfice de sa propre fille, à l’occasion des élections sénatoriales de septembre 2008. Forte de sa victoire à la municipale et du nombre de grands électeurs que cela lui amène, Maryse revendique en effet une place éligible pour Sophie sur la liste du sénateur-maire (UMP) de Marseille. Le maire refuse ! Mais Maryse lui met le marché en main : soit il accepte, soit Sophie prend la tête d’une liste dissidente, avec la certitude d’être élue et le risque de priver Gaudin d’un ou deux élus. 

Le deal est donc passé avec celle que l’élu marseillais appelle « la dame d’Aix ». Sophie entre ainsi au Palais du Luxembourg. Le jour de son investiture, Maryse et Alain écrasent, bras dessus bras dessous, une petite larme sur les gradins de la chambre haute. La nouvelle jeune sénatrice ne rompt pas avec les habitudes familiales : elle fait d’Alain son attaché parlementaire, lui qui est alors « conseiller spécial » de Maryse à la mairie.
Mais c’est là que la roue cesse de tourner dans le bon sens pour le clan.

Des pratiques pour le moins controversées 

Au cours du 1er mandat de Maryse, son plus fidèle opposant aixois, Lucien-Alexandre Castronovo, s’était rendu compte, en épluchant les comptes de la ville, qu’Alain Joissains gagnait quasiment 2000 € mensuels de plus que le plafond légal pour son poste de directeur de cabinet. Plainte est déposée en 2005. Trois ans plus tard, le tribunal sanctionne ce dépassement et condamne Alain Joissains à rembourser la ville d’Aix des rémunérations excessives perçues sur la durée de son contrat, soit 476 000 €.


A la même époque, c’est la nomination de son très fidèle chauffeur, Omar Achouri, au plus haut grade de la fonction publique territoriale, alors qu’il n’était que 47e sur la liste d’aptitude, qui déclenche une nouvelle tempête. Attaquée devant le tribunal administratif, c’est cette nomination qui finira par entraîner la condamnation de Maryse et la fin de sa carrière politique. Cette nomination et la création d’un poste dédié à la cause animale à la communauté du Pays d’Aix, qui n’a pas compétence pour cela. Confié à une proche rémunérée 2800 € mensuels plus une Kangoo de fonction, ce poste fera lui aussi l’objet d’une procédure – introduite par le même Lucien-Alexandre Castronovo – devant le tribunal administratif, qui aboutira au bout de 9 ans d’enquête et d’audiences successives, au rejet du dernier pourvoi de Maryse devant de la Cour de cassation.

La fin de la « baraka » ?

La fin de la « baraka » ! Pour Maryse, c’est certain… Pour la famille Joissains, en revanche, rien n’est moins sûr. Depuis le 21 septembre dernier, le maire d’Aix-en-Provence s’appelle en effet Sophie Joissains et Alain reste son « conseiller bénévole en retraite », selon ses propres termes. En toute hypothèse, sa route semble donc tracée jusqu’aux prochaines municipales, en 2026. Que se passera-t-il alors ? Sophie aura 57 ans et un premier mandat de maire derrière elle. Et sa fille, Jeanne, en aura presque 30. Le bon âge pour intégrer la liste de maman. Et tenter de prolonger la saga familiale quelques années de plus.


Hervé Vaudoit

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