Metaverse : une nouvelle ère vraiment… nouvelle ?

A Marseille, on connait bien Frédéric Josué, l’un des créateurs et organisateurs du Marseille Web Fest, le festival international de la série courte. Mais ce n’est pas là sa seule casquette. Il est également le Pdg de 18M.io, un acteur des nouvelles technos. Metaverse par-ci, Metaverse par-là, cet expert décrypte les tendances du moment dans l’univers de la tech. Nouveau ? Pas forcément…

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Frédéric Josué, pouvez-vous nous éclairer sur le Metaverse ?

Dernièrement, Mark Zuckerberg a renommé une partie de Facebook en Meta. Certains peuvent estimer que c’est le point de départ du Metaverse. Sa vision est celle d’un monde entièrement en 3 dimensions, intégralement numérique et digital, à la faveur d’un instrument privilégié qui est le casque de réalité virtuelle.

Pourtant, vous ne semblez pas partager cette idée.

La notion de Metaverse est quelque chose qui date de plus longtemps, puisque nous en avons entendu parler à partir des années 1990. En 1994 plus précisément, avec le livre Snow Crash de Neal Stephenson. Si on a davantage l’idée d’un Metaverse qui était avant les Smartcities, ou villes augmentées, on peut dire qu’il date du début des années 2000.

En somme il existe deux écoles pour le définir ?

Il y a effectivement deux courants totalement différents. D’un côté une imbrication du monde physique et du monde virtuel, qui est plus mon approche, grâce à la technologie, que l’on peut appeler la « ville augmentée » et qui va se développer à la faveur du déploiement de la 5G et de la 6G. De l’autre les partisans de Zuckerberg, celle d’un monde full 3D, numérique, digital, dont on fait l’expérience au travers d’un outil.

L’avénement du web 3

Peut-on dire que le Metaverse est un complément de l’internet que l’on connaît ou est-ce le « nouvel » internet ?

C’est une question très intéressante ! On estime qu’il y a eu 3 versions d’internet. Le premier émerge vers 1994, c’est le web 1. Il est centralisé avec des individus qui vont sur des sites, des portails avec une approche à sens unique. Le bon exemple est la création du site Amazon, où il était impossible, dans un premier temps, de laisser des commentaires ou d’interagir.

On passe alors à la deuxième phase…

À partir de 2000, notamment en 2005, on assiste à l’émergence des réseaux sociaux avec le début d’un internet à 2 sens. Il est appelé le web 2.0.  On note des interactions sociales avec des marques exprimant des choses d’un côté avec un retour de la part du consommateur, de l’utilisateur, du citoyen. Internet se décentralise avec des poches de gouvernance représentées par les Gafa et les BATX.

Arrive donc la troisième étape du développement ?

A la faveur des nouvelles technologies que son l’intelligence artificielle, les réseaux blockchain, les systèmes de paiements sécurisés sur les réseaux numériques… Explose donc le web 3, avec une forte notion de liberté. C’est l’aboutissement extrême de la décentralisation, vers ce qu’on appelle la distribution. Tout cela est au profit des individus et des émetteurs de message. C’est un web beaucoup plus humain et le Metaverse s’inscrit totalement dans la logique du web 3.

Metaverse, un sujet grand public facilement appréhendable

Pourquoi subitement un tel engouement ?

Si on regarde l’histoire récente des technologies, et notamment des salons technologiques comme le CES de Las Vegas, chaque année il y a une nouvelle techno émergente. Il y a eu la mobilité, le Big Data, l’intelligence artificielle, les assistants personnels, la blockchain…  La nature ayant horreur du vide, le Metaverse est arrivé sur le devant de la scène.

Selon vous, nous sommes donc face à un buzz ?

Parler d’effet de mode serait faire insulte aux journalistes. En réalité il n’y a pas grand-chose de sexy, compréhensible par le commun des mortels à se mettre sous la dent, d’un point de vue technologique. Si vraiment vous cherchiez, il faudrait alors expliquer des dossiers hyper techniques qui dépendent plus de la deeptech. Bref, des sujets absolument pas grand public. Vous l’avez compris : le sujet appréhendable, vendable, c’est le Metaverse.

Frederic Josue
Frédéric Josué, CEO de 18M.io, acteur des nouvelles technos donne sa vision du Metaverse

Nous pouvons donc dire que nous sommes entrés dans l’ère du Métaverse ?

Pas encore ! Pour autant, les technologies qui le soutiennent ne seront pas à maturité avant une dizaine d’années. Que l’on parle de la 5G, des systèmes de paiement décentralisés comme la blockchain ou les NFT… Ils ne sont pas pour le moment stabilisés. Ensuite il y a le problème de démocratisation des usages que vous retrouvez à tous les niveaux, même celui des professionnels. Clairement : quasiment personne ne sait comment fonctionne ce système, y compris les services juridiques des grandes entreprises qui découvrent leur fonctionnement au jour le jour. Enfin, les outils qui permettront d’interfacer avec ces mondes ne sont pas encore au point.  Aujourd’hui, clairement, sur Meta, il n’y a pas grand monde, voire personne. C’est une des raisons pour lesquelles Zuckerberg perd des milliards !

Un Metaverse présent depuis 20 ans

Vous nous avez parlés de votre vision du Metaverse et de l’importance de la Smartcity.

Tout à fait ! De son côté, la « ville augmentée » se prépare depuis près de 20 ans et nous l’utilisons au quotidien. Pour moi, le plus grand Metaverse reste Google Maps, car nous sommes au cœur de l’imbrication entre les mondes physiques et virtuels. En France, cela reste assez limité. Au Japon ou en Chine, vous pouvez vous déplacer et aller en sous-sol, dans les étages, naviguer dans les pièces… Regardez « Wetchat », avec son million de programmes associés. Vous pouvez, au travers de votre téléphone mobile, prendre la main sur la ville et être en mesure de régler vos factures d’électricité, booker un vélo, prendre rendez-vous avec un médecin, faire un don dans la rue…

Une formidable solution pour découvrir

Récemment, Cannes a défrayé la chronique en vendant certains de ces lieux emblématiques en Metaverse, aux enchères. Quel est l’intérêt d’une telle action ? 

On parle là d’un droit sur un objet, mais sans la notion de propriété, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de propriété physique d’une chose ou d’un monument. Cela peut être une très bonne alternative pour financer des « choses », notamment leur entretien, leur extension… Autre point positif, une communauté est en mesure de s’attacher à un monument et elle a alors tout intérêt qu’il soit préservé en état, valorisé. C’est une très belle initiative.

Matérialiser des monuments et bâtiments en Metaverse, pourrait-il devenir un frein à l’envie de les découvrir en physique ?

Je vais botter en touche pour mieux répondre à cette question. Le monde entier se numérise, que ce soit la photo, la musique le cinéma… C’est le sens de l’histoire. Quand vous voulez découvrir une destination comme le Costa Rica, le premier réflexe est d’aller sur un site et regarder des photos et des vidéos. In fine, vous finissez physiquement là-bas ! Le Metaverse peut donc être considéré comme une façon enrichie, plus expérientielle, de découvrir quelque chose. C’est une prolongation d’exposition dans le temps, mais il va falloir apprendre tout cela au fur et à mesure.

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