Ne prenez pas les vertiges à la légère !

1 Français sur 3 y sera confronté au cours de sa vie. Les vertiges peuvent vous gâcher la vie et même vous mettre en danger à cause de la perte de contrôle qu'ils occasionnent. Les causes sont souvent bégnines et il existe des traitements efficaces. Oto-neurologue, la Dr Maya Elzière dirige le Centre des Vertiges de l'Hôpital Européen à Marseille. Elle explique les causes et présente les solutions.

Santé

Les vertiges, on en a tous connus un jour ou l’autre et c’est quelque chose qui parfois peut sembler très effrayant parce qu’on perd pied. Mais précisément, comment définit-on un vertige sur le plan médical ?

Dr Maya Elzière : Un vertige est un symptôme. C’est une sensation qui peut être très perturbante, qui est parfois difficilement décrite par les patients qui souffrent d’une sensation de mouvement qu’ils ressentent, soit autour de l’environnement, soit que l’environnement tourne autour d’eux. Et c’est souvent associé à des signes, à des symptômes très invalidants type nausées, vomissements. Les personnes peuvent même partir aux toilettes avec une réaction très anxiogène de peur, de sensation de mort imminente. Souvent il y a un petit mouvement des yeux qui est associé et qui nous sert pour préciser le diagnostic quand on les voit.

3e cause de consultation en médecine générale

Existe-t-il des profils types de patients qui ont des vertiges et est-ce que les vertiges surviennent finalement à tout âge de la vie ?

Effectivement, ça peut toucher tout type de patients, y compris des plus jeunes, par exemple les enfants et les adolescents. Dans le Centre des Vertiges à l’Hôpital Européen, nous ne prenons pas en charge ce type de patients mais il y a d’autres équipes qui le font sur Marseille. Cela peut toucher les gens d’âge moyen, de 20 à 45 ans, et puis aussi les personnes âgées. En fonction de l’âge, de l’interrogatoire, on s’orientera vers tel ou tel diagnostic.

Connaît-on la proportion de la population qui serait « vertigineuse » ?

Malheureusement il y a très peu d’études épidémiologiques en France. Donc on se base surtout sur des études aux États-Unis. Le vertige peut être le 3e symptôme le plus fréquent (après les fièvres et les maux de tête) qui justifie une consultation en médecine générale, avec aussi un coût pour la société qui est important.

Dépression, invalidité : une chute sociale… vertigineuse !

Mais si par exemple j’ai fréquemment, régulièrement, la tête qui tourne comme on le dit, est-ce que ça peut être un vertige ?

Oui c’est une sensation de vertige. Après, dans ces cas-là, je vous encourage à aller voir le médecin généraliste, à en discuter et c’est lui qui va faire la part des choses entre de faux vertiges qu’on appelle faux vertiges, ce ne sont pas des vrais faux vertiges, ce sont vraiment des vertiges que vous ressentez mais qui peuvent être liés par exemple à une anémie, c’est-à-dire un manque de globules rouges, ou un médicament que vous avez pris, ou autre chose. C’est lui qui va justifier ou non de vous orienter vers un ORL classique. Nous, on arrive souvent dans un 2e temps, quand le médecin ORL n’arrive pas à guérir ou à prendre en charge, à avoir un diagnostic précis pour ces patients là.

On en vient à la pathologie des vertiges. Jusqu’où peut-elle être invalidante ?

Elle peut être très invalidante du fait de 2 choses : en cas par exemple de vertiges aigus, le patient peut avoir telle sensation qui va nécessiter un passage aux urgences avec une hospitalisation et souvent un arrêt de travail qui va être plus ou moins prolongé. Surtout si le patient est en errance diagnostique, c’est-à-dire qu’il ne sait pas où aller consulter. Quand les vertiges se répètent par la suite, cela va donner des arrêts maladie récurrents, une sorte d’isolement social avec même des mises en invalidité. Ce qui va pouvoir développer des co morbidités psychiatriques, comme pouvoir développer une dépression ou des troubles anxieux chez des patients qui vont être très impactés avec des symptômes totalement invisibles et une mauvaise compréhension de leur entourage. Donc ça ne se voit pas sur leur visage. C’est le côté aigu du vertige récurrent aigu, plutôt chez des personnes en activité professionnelle. Pour les personnes âgées, c’est différent. Ce pourra être à l’origine de chutes à répétition qui peuvent décompenser un état sous-jacent. Et puis ça peut cacher aussi des maladies dégénératives avec un diagnostic malheureusement tardif qui fait que la prise en charge n’est pas optimale.

Malades du Parkinson

Vous pensez à quelle maladie dégénérative par exemple ?

Il y a plein de maladies dégénératives ! Je ne suis pas neurologue. On travaille en étroite relation avec les neurologues mais on a des atteintes dégénératives qui touchent une partie du cerveau qu’on appelle la fosse postérieure; c’est le cervelet qui s’occupe de la coordination et on est amené à travailler avec des neurologues spécialistes dans le cervelet. Par exemple il y a la maladie de Parkinson. Malheureusement, les patients parkinsoniens peuvent présenter des vertiges secondaires à une chute de tension quand ils se relèvent. Ils sont aussi plus à même de développer la maladie des cristaux et pour eux une manœuvre libératoire peut améliorer une partie de leurs symptômes, sans pour autant traiter.

Peut-on guérir ces vertiges pathologiques ou bien, malheureusement, faut-il apprendre à vivre avec ?

Non, heureusement, on arrive dans la majorité des cas à atténuer beaucoup les symptômes. Voire à les guérir par exemple dans la maladie des cristaux. Mais la prise en charge est compliquée. Elle est souvent très personnalisée. Elle est multidisciplinaire. On n’a malheureusement que quelques médicaments pour atténuer la sensation de vertige. On parle de médicaments anti vertigineux, anti nauséeux, anti vomissement – on appelle ça antiémétique. C’est le traitement de crise, qui peut être aussi le traitement par exemple anti migraineux parce qu’il y a des migraines qui donnent des vertiges. Les modes d’administration peuvent être totalement différents en fonction de l’intensité des symptômes. Ils peuvent être pris par la bouche ou en suppositoire ou même en intraveineuse. L’infirmière arrive à la maison pour soulager la crise de vertige qui peut être très violente.

L’anxiété et le stress peuvent déclencher des vertiges

Dans une autre prise en charge, il y a un traitement de fond à prendre tous les jours pour éviter que les vertiges arrivent ou pour traiter aussi des symptômes un peu chroniques. On utilise beaucoup aussi des séances de kiné d’équilibre – on travaille en collaboration étroite avec des kinés qui sont formés, qui ne sont pas encore trop reconnus dans la société – qui ont une très grande compétence.  Ils sont munis d’un équipement particulier et grâce à eux ça permet en fait de traiter la majorité des troubles de l’équilibre en recalibrant un petit peu le fonctionnement du cerveau. C’est comme si votre enveloppe physique était un peu décalée par rapport à votre enveloppe sensorielle.

Et puis il y a toute la gestion de l’anxiété. Les vertiges créent une anxiété et on sait même qu’un stress peut déclencher une crise de vertige alors que ce n’est pas réellement une maladie psychologique. Donc on travaille avec des thérapeutes, des hypnothérapeutes, des sophrologues, des psychologues, des thérapeutes qui pratiquent la thérapie cognitivo-comportementale et avec un médecin psychiatre qui nous aide beaucoup dans notre prise en charge.

Peut-on à travers son hygiène de vie ou des exercices tout simples avoir un impact pour réduire ses vertiges ?

En tant que soignante, je dirais oui oui oui ! Avec la société dans laquelle on vit, il faut absolument avoir une hygiène de vie parfaite dans la mesure du possible. C’est-à-dire avoir une alimentation saine qui est équilibrée, qui n’est pas carencée, avec des fruits, des légumes. Il faut éviter tous les excès de sel, de café, d’alcool. Il faut aussi avoir un sommeil de bonne qualité et on a beaucoup, beaucoup de patients malheureusement qui ont des troubles du sommeil avec des endormissements très tardifs et qui se réveillent très tôt parce qu’ils reprennent le travail, qui ont un minimum d’activité physique.

Scroller sur son portable présente un risque

Malheureusement on a de plus en plus de personnes qui sont sur les écrans, en plus de leur travail devant un ordinateur. Et ça, ce n’est pas du tout préconisé pour les patients qui ont des troubles de l’équilibre ou des vertiges qui peuvent être déclenchés lorsqu’ils scrollent, qu’ils font défiler sur leur écran. Mais aussi parce qu’ils ne se bougent plus, ils deviennent de plus en plus sédentaires. Il y a une grande partie des troubles de l’équilibre et des vertiges qui sont d’origine vasculaire ou micro vasculaire. Une des premières choses à entreprendre, c’est la gestion optimale des facteurs de risques cardiovasculaires.

Y a-t-il des pratiques, des sports, des attitudes à éviter parce qu’on sait qu’ils peuvent favoriser ou déclencher des vertiges ?

Cela dépend de chaque patient. Par exemple, on a un type de patient qui peut présenter une malformation de l’oreille interne qui s’appelle le syndrome de Minor pour lequel il existe des associations qui regroupent ce type de patients. C’est une une malformation qui est bénigne mais qui contre-indique par exemple à la pratique d’arts martiaux, des sports de combat parce qu’ils sont susceptibles d’avoir des coups sur la tête et ces coups sur la tête décompensent le vertige qu’on va déclencher par la suite, et même une perte de l’audition.

Ce que nous conseillons, ce sont les positions qu’on appelle « vicieuses » de la tête. Une position vicieuse de la tête, c’est une position qui n’est pas habituelles, avec par exemple la tête en bas pendant longtemps. Ainsi les mécaniciens qui vont travailler souvent allongés dans des positions particulières peuvent être à même de développer de façon plus facile la maladie des cristaux qui est une maladie bénigne mais qui peut être à l’origine de vertiges très violents et très intenses. J’explique bien aux patients que ce n’est pas l’intensité qui crée la dangerosité de la maladie.

APO Vertiges, une appli pour aider les patients

Une application gratuite existe pour aider les patients. Vous avez contribué vous-même à la développer. Que propose cette application ?

appli APO Vertiges

 

Je tiens à souligner que je n’ai aucun conflit d’intérêt, que je ne gagne aucun argent sur cette application. On a créé une association qui s’appelle E-patient et qui permet de promouvoir l’accès aux nouvelles technologies pour des patients souffrant de symptômes chroniques. Notre premier projet a été d’aider au financement, au développement et à la diffusion de cette application. Elle se nomme à APO Vertiges pour Assistant Personnalisé Obstiné et ça va être un compagnon de route qui va rester aux côtés du patient pour améliorer sa prise en charge diagnostique et thérapeutique des vertiges. En pratique elle est gratuite et téléchargeable sur Google ou Apple. Elle est sécurisée RGPD, selon les normes européennes.

Vous rentrez un profil et après vous allez avoir un interface et vous pourrez, si vous avez un vertige ou même une perte de l’audition, appuyer sur le bouton. Vous allez pouvoir répondre à des questions qui ont été faites par des professionnels de santé et qui, grâce à vos réponses, vont nous permettre de préciser mieux le diagnostic, de voir l’impact dans votre vie quotidienne et de voir si les traitements de crise ou les traitements de fond vont l’améliorer. Enfin, vous allez pouvoir avoir accès à pas mal d’informations sur la pathologie vertigineuse et j’espère participer à des protocoles de recherche par la suite.

Donc c’est un assistant qui est important pour vous en tant que médecin ?

Pour moi, il est fondamental. Depuis que cette application est mise en ligne, depuis mai 2023, ça a totalement modifié ma prise en charge quotidienne pour les patients vertigineux.

Dernière petite question qui va vous faire sourire sans doute, mais qui interpelle beaucoup de gens : quand on dit « j’ai le vertige » parce qu’on est en hauteur et qu’on regarde en bas, est-ce que ça a un rapport avec les vertiges pathologiques ?

Oui et non. Je considère, moi, qu’ils sont pathologiques quand ils sont à l’origine d’une stratégie d’évitement, quand dans votre vie quotidienne vous allez modifier votre activité personnelle, professionnelle, au vu de ces symptômes là. C’est là où ça justifie quand même une consultation ORL. Mais dans la plupart des cas, ça ne cache rien de grave et on vous oriente, si vous êtes gêné dans votre vie quotidienne, vers ces fameux kinésithérapeutes qui sont regroupés au sein de 2 associations de la société française de kiné vestibulaire et la société internationale de rééducation vestibulaire. Grâce à leur petit outil un peu magique, ils vont recalibrer pour vous éviter d’avoir ces symptômes là dans des circonstances particulières. Les patients qui ont des réels vertiges d’origine vestibulaire, c’est-à-dire qui touchent l’oreille interne ou par exemple qui touchent le cerveau – comme des migraines -, peuvent être plus à même de développer ce mal des transports, d’où cette prise en charge multidisciplinaire.

Photo : La Dr Maya Elzière pose avec le poupon de démonstration sur lequel a été fixée la caméra permettant de filmer les mouvements oculaires du patient installé sur le fauteuil rotatoire.

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