Après une saison d’hiver sacrifiée à la pandémie, les 65 stations de sports d’hiver des Alpes du sud s’apprêtent à rouvrir leur domaine aux skieurs et aux snowboarders, sevrés de glisse depuis 18 mois. Car avant la saison 2020/2021 où aucune station n’a pu ouvrir ses remontées mécaniques ne serait-ce qu’une journée, les clients des stations avaient déjà dû renoncer à la fin de saison 2029/2020, interrompue le 15 mars par le confinement généralisé du pays.
Comment les professionnels de la montagne ont passé le cap de ce qui restera comme la seule saison totalement « blanche » depuis l’avènement des sports d’hiver, au début du XXe siècle ? C’est que nous leur avons demandé à l’occasion du lancement officiel de la saison d’hiver des stations du sud, cette semaine à Marseille, première étape d’une tournée de promotion qui s’achèvera fin novembre avec l’ouverture des premiers télésièges.
Ivan Chaix : « Nous sommes prêts pour un bel hiver »
Un point de situation avec Yvan Chaix, directeur de l’agence de développement des Hautes-Alpes et membre du Comité régional de tourisme, qui accompagne les 65 stations des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes et des Alpes-Maritimes dans leur travail de promotion auprès de la clientèle régionale, française et étrangère.
Les stations viennent de traverser deux saisons très difficiles. Dans quel état sont-elles après une année 2021 sans remontées mécaniques ?
Yvan Chaix : « Nous sortons effectivement de deux saisons d’hiver assez difficiles à cause de la crise sanitaire et économique, mais notre activité n’a pas cessé pour autant, même si elle a pris des allures de montagnes russes. Après cette saison d’hiver 2020/2021 très mauvaise, catastrophique même avec la décision du gouvernement de fermer administrativement les remontées mécaniques, c’est 60% de baisse de fréquentation et 70% de chiffre d’affaires touristique en moins que nous avons enregistré. Dans le même temps, et c’est tout le paradoxe de cette crise, nous avons fait deux saisons d’été exceptionnelles en 2020 et 2021. Jamais, par exemple, les Hautes-Alpes n’avaient accueilli autant de monde en été que cette année.
Dans quel état d’esprit abordez-vous ce nouveau chapitre post-Covid ?
« En 2020, la saison a été prématurément interrompue au mois de mars, mais les deux temps forts de l’hiver, les fêtes de fin d’année et les vacances de février, étaient derrière nous et s’étaient bien passées. L’hiver dernier, en revanche, nous avons eu très peur quand le gouvernement a décidé, de façon inattendue et très discutable, de fermer les remontées mécaniques. Il y avait un risque systémique lié à cette fermeture, qui pouvait générer des difficultés en cascade pour l’ensemble du système économique de la montagne. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu. Et si les entreprises et les collectivités ont tenu le choc, c’est parce qu’après cette décision très discutable, l’Etat a mis en place des mesures de soutien massives qui ont permis de faire face. Dans les seules Hautes-Alpes, qui est le département que je connais le mieux, le fonds ad hoc mis en place par le gouvernement pour soutenir les 16 exploitants publics et privés de remontées mécaniques a été abondé à hauteur de 55 millions d’euros. De même, la grande majorité des entreprises en montagne, quel que soit leur secteur d’activité, ont pu faire face grâce à ces mesures, à l’exception de quelques cas très particuliers, notamment d’entreprises qui venaient de se créer et ne pouvaient justifier d’un chiffre d’affaires les années précédentes qui leur aurait permis d’en bénéficier à la hauteur de leurs besoins. Mais globalement, on a tenu bon. »
La montagne vit essentiellement de la consommation des résidents et des touristes
Les mesures de soutien de l’Etat ont-elles compensé intégralement les pertes de chiffre d’affaires liées à la fermeture ?
« Le compte n’y est pas totalement, mais une grande partie des frais fixes ont été couverts et cela a permis aux entreprises locales de tenir le choc, même si elles y ont laissé quelques plumes. Car, il faut le rappeler, dans un département comme les Hautes-Alpes, l’activité touristique, c’est le premier moteur de l’économie. Cela représente un tiers de la richesse produite et un tiers des emplois. Et sur ce total, les deux tiers du chiffre d’affaires sont générés par les stations durant la saison d’hiver. C’est pourtant en été que le nombre de nuitées est le plus important. Il est donc facile de comprendre que, quand les stations ont des difficultés, c’est l’ensemble de l’économie locale qui souffre. Car notre activité économique est très dépendante du présentiel, pour reprendre un terme à la mode. La montagne vit essentiellement de la consommation des résidents et des touristes. Il y a très peu d’activités productives en dehors de l’agriculture, de l’artisanat et de la petite industrie. Les aides de l’Etat n’ont donc pas compensé en totalité les pertes d’activité et de chiffre d’affaires liées à la crise, aussi parce que nos trois département de montagne, les Hautes-Alpes, les Alpes-de-Haute-Provence et les Alpes-Maritimes, ont été parmi ceux qui ont le plus souffert des conséquences de cette crise au niveau national. Début 2021, par exemple, 70% des salariés travaillant dans les Hautes-Alpes étaient en activité partielle. C’est considérable. Avec la Savoie, c’est d’ailleurs le département où le taux de chômage a le plus augmenté pendant la crise sanitaire, en passant de 7% fin 2019 à 16% au plus fort de cette crise. Mais le coût final est considérable pour l’Etat français, alors que de notre point de vue, la décision de fermer les remontées ne se justifiait pas d’un point de vue sanitaire.
Nous sommes assez confiants
Et aujourd’hui, où en sont les stations en matière d’emploi ?
« Nous sommes peu ou prou revenus au niveau d’avant crise, ce qui est bon signe. Mais c’est aussi le résultat des saisons d’été 2020 et 2021 qui ont été exceptionnelles et ont permis de compenser une partie des difficultés de l’hiver. On espère d’ailleurs que la saison d’hiver 2021/2022 sera du même acabit que ces deux saisons d’été. Dans les Hautes-Alpes, la hausse a été de 11% en fréquentation et en chiffre d’affaires entre l’été 2019 – qui était déjà une référence – et l’été 2020, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. Et 2021 a confirmé cette dynamique, mais pas seulement à cause de la pandémie. Nos sentions depuis quelques temps déjà qu’une cohérence nouvelle se dessinait entre ce que propose la montagne et les nouvelles aspirations de la clientèle, d’ailleurs renforcées par les conséquences des restrictions de circulation, des confinements et des empêchements divers. A cause des fermetures de frontières, nous n’avons certes pas eu la clientèle étrangère qui venait habituellement, Mais nous avons eu beaucoup de Français, dont une majorité issus de la région. Sur les 380 000 lits touristiques des Hautes-Alpes, la moitié sont des résidences secondaires et 40% de nos clients sont des régionaux qui nous ont été très fidèles. Particulièrement les résidents secondaires, qui ont passé beaucoup de temps dans le département durant les confinements. Cela a été positif pour l’activité de la montagne.
Votre pronostic pour la saison qui s’ouvre ?
« Nous sommes assez confiants. Les entreprises ont fait face, les collectivités aussi, parce qu’elles maintenu un niveau d’investissement qui permet de garantir une offre concurrentielle. Parallèlement, avec notamment le soutien de la Région, nous avons mis en place des outils de promotion des Alpes du sud.
Des investissements conséquents pour préparer la saison
Puisque vous en parlez, on sait que classiquement, la saison d’été est celle où les stations réalisent leurs investissements pour l’hiver suivant. La crise et ses incertitudes ont-elles un impact dans ce domaine ?
« Certains investissements programmés avant la crise étaient trop avancés pour être remis en question et sont allés à leur terme. D’autres ont en revanche pu être décalés ou reportés, mais il n’y a pas eu de coup d’arrêt brutal et massif. Dans les Hautes-Alpes, par exemple, le niveau d’investissement est en baisse de 5,5% par rapport à une année normale, ce qui est très peu en regard de la sévérité de ce que nous avons vécu, dans un secteur très concurrentiel et capitalistique. Bon an mal an, les investissements des stations portent sur environ un tiers de leur chiffre d’affaires et se concentrent sur les équipements et les remontées mécaniques. Mais d’autres investissements n’ont pas été remis en cause : de nouveaux hôtels ont été construits, de nouveaux commerces ont ouvert… sans compter les collectivités, qui ont poursuivi leurs efforts de modernisation et de diversification de l’offre touristique. Malgré les difficultés, on a gardé une certaine dynamique et chacun pourra le constater cet hiver.
La clientèle étrangère a pris une part importante dans l’activité des stations du sud ces dernières années. Reviendra-t-elle dans nos stations dès cet hiver ?
« Toutes saisons confondues, cette clientèle représente en effet 20% de la fréquentation des Alpes du sud. Et ce sont des clients qui viennent souvent en décalé par rapport à la clientèle française, ce qui permet aux stations d’avoir des variations d’activité moins fortes. Les périodes intermédiaires, en janvier et en mars, sont d’ailleurs propices à faire venir cette clientèle-là. L’effort de promotion à leur intention s’est évidemment poursuivi, mais on table plutôt sur l’hiver 2022/2023 pour un retour à la normale, dans la mesure où le travail avec les tours operators, qui doit être fait très en amont, n’a pas pu se faire dans les mêmes conditions cette année. Pour autant, les perspectives sont bonnes pour la clientèle nord-européenne. Ce sera sans doute plus compliqué avec la clientèle d’Amérique du nord et de Russie. Quoi qu’il en soit, nous sommes prêts à les accueillir, d’où qu’ils viennent, et prêts pour un bel hiver ».
Ça commence quand ?
Pré-ouvertures (week-ends seulement, si l’enneigement le permet)
A partir du 28 novembre : Montgenèvre, Puy-Saint-Vincent, Chabanon
A partir du 4 décembre : Serre-Chevalier, Vars, Saint-Jean-de-Montclar, Val d’Allos, la Foux d’Allos, Le Seignus
Ouvertures
Le 4 décembre : Montgenèvre, Pra-Loup, Isola 2000, Auron, La Colmiane
Le 11 décembre : Serre-Chevalier, Puy-Saint-Vincent, Vars, Risoul, Orcières-Merlette, Ancelle, Les Orres, Le Sauze, Super-Dévoluy, La Joue-du-Loup, Val d’Allos, la Foux d’Allos, Le Seignus, Pra-Loup, Valberg
Le 18 décembre : Réallon, Pelvoux-Vallouise, La Grave, Le Chazelet, Crévoux, Abriès, Aiguilles, Arvieux, Ceillac, Château Ville-Vieille, Molines-en-Queyras, Ristolas et Saint-Véran , Saint-Léger-les-Mélèzes, Laye, Chaillol, Serre-Eyraud.
Hervé Vaudoit
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