« On peut surveiller le cancer de prostate en évitant l’opération »

Surveiller et ne pas traiter systématiquement. C'est l'un des grands progrès de ces dernières années concernant le cancer masculin le plus fréquent. Et il fut au centre de la conférence publique organisée mardi soir à Toulon par MProvence. Chef du service urologie de l'hôpital Sainte-Musse à Toulon, le Dr Pierre-Olivier Faïs a détaillé comment la "surveillance active" est devenue le traitement proposé aux patients en première intention. Et ses avantages sont nombreux.

La prostate parlons-en !

C’est dans le cadre prestigieux du centre d’entraînement du Rugby Club Toulonnais que, mardi soir,on a parlé très sérieusement de… la prostate de ces Messieurs ! Il faut dire que le RCT est pleinement impliqué dans la prévention des cancers masculins, dont le mois de novembre est un temps de sensibilisation privilégié dans le monde entier, comme l’a souligné le Dr Didier Demory, médecin du club.

Il a incité la soixantaine de présents à faire du sport pour prévenir le cancer quel qu’il soit, pendant les soins et bien évidemment à poursuivre l’effort après. Car une bonne forme physique est fondamentale pour éviter une récidive. « Plus de 50% des gens pris en charge sur le plan sportif pendant leur cancer abandonnent ensuite, constate le Dr Demory. Or l’activité sportive prévient le risque de rechute. »

Taux de survie : 93% !

Evidemment, le cancer de prostate constitue une redoutable épée de Damoclès suspendue au-dessus de chaque homme passés les 50 ans. Un sur 8 sera touché au cours de sa vie. Mais les traitements permettent d’atteindre, en 2023, un taux de survie à 5 ans de 93%. C’est-à-dire que plus de 9 patients sur 10 seront en vie au terme d’un délai au-delà duquel on estime le malade tiré d’affaire. Bref, il risque certainement de mourir d’autre chose que de son cancer de prostate.

Il n’empêche. Ce cancer est tout sauf anodin. Car, comme l’a rappelé le Dr Pierre-Olivier Faïs, chef du service urologie à l’hôpital Sainte-Musse de Toulon, plus de 8.000 hommes décèdent encore de ce cancer chaque année en France. Or on estime qu’avec un diagnostic précoce – engagé donc à partir de 50 ans d’abord avec une simple prise de sang pour effectuer un dosage du PSA doublée d’un toucher rectal pour voir si la prostate présente une déformation, une induration typique du cancer – eh bien les hommes atteints seraient dépistés quand le mal n’en est qu’à ses débuts. Alors la maladie est plus facile à endiguer.

La surveillance active pour 7 patients sur 10 : pas d’opération

Les médecins présents à l’occasion de notre conférence toulonnaise,  justement intitulée « La prostate, parlons-en pour vous protéger« , ont déroulé l’incroyable panel des traitements disponibles, en constante évolution. De la chirurgie robotique à la radiothérapie en passant par la chimiothérapie et l’hormonothérapie, ce sont des dizaines de possibilités thérapeutiques qui sont à la disposition des praticiens, y compris face à des cancers avancés, métastatiques. C’est rassurant.

Mais, plus rassurant encore, l’annonce par le Dr Faïs du recours désormais majoritaire à ce qu’on appelle la surveillance active. « C’est le traitement proposé en première intention. » Parler de « traitement » est un bien grand mot pour le commun des mortels. Que se passe-t-il précisément ? Si le taux de PSA est un peu élevé (au-delà de 4 et en dessous de 10 en général) et/ou que la palpation de la prostate grâce au toucher rectal dévoile une anomalie, une IRM pelvienne est prescrite par le médecin traitant ou l’urologue.

La surveillance, comment ça marche ?

S’il est concluant, cet examen bruyant mais indolore peut être suivi d’une biopsie de la prostate au bloc opératoire. Sous anesthésie locale ou générale, le chirurgien urologue va prélever avec une seringue une douzaine de « carottes » à différents endroits de la prostate pour confirmer la présence de cellules cancéreuses. Et… ça s’arrête là pour une majorité de patients. Ceux pour lesquels « le toucher rectal est assez rassurant, le taux de PSA reste faible et les biopsies montrent peu de résultat », note le Dr Faïs.

Ils se voient alors proposer une « surveillance active ». Selon le Dr Pierre Munier (Hôpital Saint-Jean), cela concerne « 70% des patients ». « La surveillance active s’adresse aux patients qui ont un cancer de prostate dont on pense qu’il ne sera pas évolutif dans le temps« , précise le Dr Faïs. Les autres, qui présentent un cancer jugé agressif, doivent être traités rapidement sous peine d’une évolution fatale.

Des patients refusent, savoir qu’ils ont un cancer est trop lourd à porter

Toutefois, surveillance ne veut pas dire somnolence ! « Il faut continuer à dépister, explique l’urologue. On va refaire les examens d’abord entre 3, 6 ou 12 mois plus tard selon le patient, pour contrôler que le cancer reste indolent, et si c’est le cas on surveillera l’évolution du PSA tous les ans et on prescrira une IRM tous les deux ans. » Bien sûr, un traitement par chirurgie ou radiothérapie par exemple pourra être déclenché à tout moment si nécessaire. En outre, « certains patients refusent d’être surveillés et préfèrent être traités car c’est une charge mentale trop forte pour eux que de savoir qu’ils ont un cancer latent. »

Rappelons qu’il y a une bonne dizaine d’années encore, presque tous les patients présentant un cancer de prostate étaient opérés pour les sauver. Le corps médical ne disposait pas de cet arsenal de contrôle.

La vie continue !

C’est cependant une minorité qui fait ce dernier choix de l’intervention, car les effets secondaires de la chirurgie ou de la radiothérapie sont importants, notamment sur le plan sexuel (les érections sont fortement diminuées) et avec des fuites urinaires au moins momentanées. Donc tant que ça tient comme ça, que le cancer est sous contrôle et ne progresse pas – ce qu’il ne fera d’ailleurs peut-être jamais -, alors la vie continue, normalement.

Découvrez dans notre vidéo l’interview du Dr Pierre-Olivier Faïs.

La conférence finale de notre campagne « La prostate, parlons-en pour vous protéger » se déroulera ce jeudi 16 novembre à 16h30 au siège d’Aix-Marseille Université, Jardin du Pharo, 58 Bd Charles Livon, 13007 Marseille. En présence de 9 médecins spécialistes de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille et de l’Institut Paoli-Calmettes. Entrée libre. Venez poser vos questions.

 

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