Organes sexuels : répondre à l’angoisse des parents

Décalottage du gland difficile chez le petit garçon, bourses volumineuses, brûlure au moment d'uriner chez les filles... Les mamans sont souvent très inquiètes quant au développement normal des organes sexuels de leurs enfants. Souvent, ce n'est pas très grave et il faut connaître le bon moment auquel intervenir. Les hernies sont en revanche plus sérieuses et la torsion de testicule chez l'ado est une urgence absolue. Le docteur Antonio Rinaldi, chirurgien et chef du service d'urologie pédiatrique à l'Hôpital Saint-Joseph à Marseille, explique les bons gestes.

Santé

Quels sont les problèmes urologiques les plus fréquents rencontrés chez les enfants ?

Docteur Antonio Rinaldi : Les plus fréquentes sont sûrement les pathologies non forcément chirurgicales, comme les infections des voies urinaires que nous voyons pour un dépistage d’un problème malformatif derrière. Il y a aussi les infections des organes génitaux externes, le zizi comme on l’appelle communément chez les garçons, et la foufounette, la vulve, la fille. On en voit très souvent, et cela fait partie de notre routine.

Ne tirez pas sur le prépuce !

S’il est un sujet qui stresse fortement les jeunes mères, c’est le phimosis, c’est-à-dire quand le prépuce est trop serré et qu’il empêche le décalottage du zizi. Que conseillez-vous à ces mamans ?

La première chose à dire, c’est que le phimosis n’est jamais une pathologie mais cela peut être un problème. Le stress des familles vient d’une mauvaise information et de mauvaises habitudes héritées du passé. Actuellement, il faut bien se dire que le phimosis reste une pathologie de l’adulte, hormis des tableaux de malformations ou de dermatites particulières, des maladies de la peau. Le phimosis ne doit pas stresser les parents. Le décalottage est conseillé à partir de l’âge de 3-4 ans, et doit se faire progressivement, doucement et absolument sans aucun douleur pour l’enfant, pour se terminer à la pré-puberté, vers 10-11 ans. Tout geste brusque sera mal vécu par les enfants et n’apportera aucun bien. Depuis 40 ans, les publications scientifiques dans le monde entier ont démontré qu’un geste de circoncision versus un geste de conservation du prépuce n’a aucune incidence sur les pathologies par  transmission sexuelle et sur l a propreté, donc l’hygiène de l’enfant.

Si le prépuce coince encore à 10-11 ans, que faire ?

On pourra nous chirurgiens pédiatres aider les familles avec des traitements conservateurs à base de corticoïdes, pour aider l’enfant à assouplir la peau. Mais il faut rassurer les familles. Ce problème est dû à des adhérences qui font coller la peau au gland, ce n’est pas une pathologie, c’est physiologique, qui se libérera dans le temps. Avec les corticoïdes, on trouvera toujours une solution pour faire décalotter l’enfant.

Bourses gonflées d’eau : une petite opération vers 18 mois

Autre sujet récurrent et qui impressionne les jeunes parents, c’est l’hydrocèle : quand les bourses sont gonflées avec un liquide, de l’eau. Le recours à la chirurgie est-il indispensable ?

Il faut faire la distinction entre l’hydrocèle de l’enfant et celui de l’adulte. Chez l’adulte, ca peut inquiéter car cela peut cacher un problème de type tumoral, une grosse infection ou un traumatisme inconnu. Chez l’enfant, l’hydrocèle est une pathologie à base malformative qui ne concerne pas le testicule. Donc cette inquiétude pour le testicule n’est pas justifiée. L’épanchement liquidien qui se forme autour du testicule vient en réalité de la persistance d’une communication entre le ventre et la bourse, par le canal péritonéo-vaginal qui va du péritoine (le ventre) jusqu’à la vaginale testicule. Le problème est en amont du testicule. L’hydrocèle n’est pas une pathologie dangereuse pour l’enfant et ne provoque aucune conséquence sauf l’augmentation progressive du volume de la bourse et pas du testicule. Il nécessite une correction chirurgicale à partir de l’âge de 18 à 24 mois. Un nouveau-né sur trois a une lame de liquide, une lame d’épanchement dans la bourse, car la fermeture du canal peut arriver dans les premières semaines de vie.

Les malformations sont-elles fréquentes et quels organes touchent-elles ?

C’est la pathologie des organes externes, notamment du garçon qui plus de choses à traiter. Il y a cette pathologie du canal péritonéo-vaginal qui comprend l’hydrocèle, la hernie de l’enfant, le kyste du cordon. Ce canal doit nécessairement être fermé avec des timings différents. La hernie, au contraire de l’hydrocèle, peut être un danger pour la vie du testicule, sa vascularisation. Les autres pathologies sont celles de la verge, notamment je m’occupe particulièrement des malformations du pénis comme l’hypospadias, les mauvaises rotations du pénis, les courbures pathologiques.

Quand on ne fait pas pipi au bon endroit…

Si on prend la malformation du canal urinaire, à quoi est-elle due ?

Derrière toute malformation, il y a toujours un problème multifactoriel : une prédisposition génétique, un héritage familial qui n’est pas toujours démontré. Et bien sûr on remet en question l’environnement. Notamment pour les malformations masculines. L’action des perturbateurs endocriniens a un effet oestrogénisant sur les organes génitaux masculins. Le fait d’avoir une action anti-virilisation fait que le anal urinaire de ces enfants n’est pas complet, de manière très variable. On peut avoir un orifice pour faire pipi – qui s’appelle le méat urétral – qui peut être localisé sous le gland ou sous le sillon à la base du gland. Mais cela peut être localisé tout le long de la verge jusque sous les bourses, sous le périnée. Dans ce cas-là est remise en question la vie urinaire, et la vie sexuelle de l’enfant.

On fait alors une plastie, on reconstruit l’urètre de l’enfant pour l’amener de manière la plus apicale possible et on rapproche toutes les structures de la verge pour obtenir un aspect le plus naturel possible avec des érections droites et satisfaisantes et un aspect cosmétique satisfaisant important pour la vie relationnelle du futur homme.

Les filles sont également concernées

Est-ce une intervention fréquente et à quel âge la réalisez-vous ?

L’hypospadias est actuellement la seule malformation génito-urinaire qui est en augmentation. On n’en connaît pas encore les causes. L’environnement est mis en cause. Toutes les autres malformations sont en train de diminuer dans leur prise en charge, surtout post-natales. Je conseille une prise en charge à partir de l’âge de 12 mois. La verge est assez développée pour bénéficier d’un geste qui pourra être assez définitif. L’enfant n’est pas trop grand pour se rendre compte du geste et de l’hospitalisation du fait de porter une sonde et un pansement sous la verge pendant un certain temps. On profite de la « naïveté » du petit enfant pour faire mieux passer l’hospitalisation et le post-opératoire, pour les patients et pour les familles.

Ce type de pathologie peut-il concerner les filles ? 

Oui. C’est beaucoup plus rare. La cause est encore plus méconnue car on n’a pas l’effet oestrogénisant des perturbateurs endocriniens. Il y a des facteurs endocrinologiques complexes. Cela nécessite une correction car l’enfant fait pipi à l’intérieur de la voie génitale et on va faire sortir les urines au niveau de la vulve.

Surveillez les infections urinaires

A quel moment employez-vous le robot pour vos interventions ?

En ce qui nous concerne, les indications sont pour la chirurgie rénale, du haut appareil urinaire, et pour la chirurgie de la vessie. Le robot nous permet de pratiquer des gestes très fins, très précis, dans de petits espaces. C’est l’idéal dans la cavité abdominale. La chirurgie urologique fine – de l’uretère, du rein, de la vessie – sont propices à la chirurgie robotique.

Une fois passée la petite enfance, les parents peuvent-ils être tranquilles quant au bon fonctionnement de l’appareil urinaire de leur progéniture ?

Oui. En fonction de la pathologie d’origine, on propose un suivi plus ou moins long. Pour les plus graves, je propose un suivi au moins jusqu’à la puberté, vers 15-16 ans. Les parents peuvent suivre leur enfant à travers la surveillance d’éventuelles infections urinaires, soit à travers la façon d’uriner ou le ressenti de l’enfant.

Un ado qui se plaint des testicules : vite, aux urgences !

Il y a quelque chose qui peut inquiéter les parents mais beaucoup ne sont pas au courant : c’est la torsion de testicule chez les adolescents. Faut-il être vigilant, à quel moment le parent doit-il réagir rapidement ? 

Toute douleur testiculaire à partir de la puberté, à partir de l’apparition des premiers poils sus-pubiens, du changement de voix, doit être vue et suivie par un médecin. La gestion d’une telle douleur à la maison ou par des amis c’est inadmissible en 2022. Il faut consulter un médecin très rapidement en cas de douleur brutale et très importante.

Il faut consulter en urgence car l’enfant risque de perdre son testicule…

Statistiquement le testicule commence à mal vivre sa torsion à partir de 3 à 4 heures après l’épisode de torsion (NDLR : la torsion survient souvent sans cause, sans geste brutal, c’est pourquoi un ado qui se plaint d’une douleur testiculaire importante doit impérativement voir un médecin ou être conduit aux urgences. Son testicule risque en effet de n’être plus vascularisé. Expliquez à vos garçons que s’ils ressentent une vive douleur aux testicules, ils doivent vous en parler immédiatement, sous peine d’amputation).

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