Oui, les sondages peuvent modifier le résultat d’une élection

Une étude réalisée dans la semaine précédent le 1er tour de la présidentielle montre la grande sensibilité des électeurs aux résultats des sondages. Au point d'influer sur le verdict des urnes.

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Plus d’un électeur sur cinq change d’intention de vote après avoir consulté un sondage : c’est ce qu’il ressort d’une étude scientifique sur la présidentielle que réalise depuis 2012 Mediamento, l’institut d’études cognitives des médias et de la publicité. Son objectif : mesurer « l’influence de la publication des résultats de sondages politiques sur les intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle en France ».

Conduite du 31 mars au 5 avril dernier, auprès d’un échantillon représentatif de personnes inscrites sur les listes électorales, l’enquête 2022 confirme les résultats des deux précédentes éditions. Dans la semaine avant le 1er tour en 2012 et 2017, respectivement 24,9% et 22,7% des électeurs interrogés avaient exprimé une intention de vote pour un(e) candidat(e) différent(e), après que les enquêteurs leur avaient mis sous le nez un sondage, plausible mais pas forcément juste, sur les intentions de vote exprimées par les Français pour chacune des personnalités en lice.

Les indécis plus sensibles que les autres

Cette année, les personnes sondées sont toutefois un peu moins nombreuses qu’en 2012 et 2017 à changer d’avis dans les mêmes circonstances, puisque seulement 21,1% des personnes interrogées ont modifié leur choix après avoir vu le sondage. Si, en revanche, on ne retient que les électeurs indécis, qui représentent un quart des personnes interrogées, la proportion de ceux qui changent d’intention face à un sondage à moins d’une semaine du scrutin passe à 41,4%. Et parmi les trois quarts des personnes restantes, a priori sûres de leur choix, 14,3% changent tout de même d’avis après avoir consulté les résultats du sondage.

Plus de 20%, c’est « bien au-delà de la marge d’erreur admise par les sondeurs »

« Notre étude montre l’extrême sensibilité des électeurs aux résultats des sondages auxquels on les expose juste avant une élection », appuie Pascal Huguet, directeur du laboratoire de psychologie sociale et cognitive de l’Université de Clermont Auvergne et co-auteur de cette étude originale.

Conséquence : «  dès lors qu’un sondage politique est rendu public, les chances qu’il soit contredit par les résultats des élections augmentent de manière significative, souligne le neuroscientifique marseillais Olivier Oullier, également co-auteur de l’étude. Selon lui, ces comportements qui concernent plus de 20% des électeurs, « soit bien au-delà de la marge d’erreur traditionnellement admise par les sondeurs, qui se situe autour de plus ou moins 3% », rendent de facto très aléatoire le rendu de la « photo » que constitue un sondage dans les jours qui précèdent le 1er tour.  

«  Le paradoxe – ou l’ironie, c’est selon – est que s’ils pouvaient s’abstenir de diffuser leurs résultats, les instituts de sondage auraient plus de chances de voir leurs estimations validées par les résultats des élections, puisque personne ne serait influencé en amont », explique Olivier Oullier.

Méthodologie scientifique rigoureuse

La démarche permet en tout cas de débattre de l’influence des sondages politiques à partir de données plus robustes que les conversations de comptoir qui prévalaient jusqu’à présent sur la question. « La force de notre étude est d’avoir recours à une méthodologie et des analyses scientifiques rigoureuses et non corrigées ou redressées pour quantifier l’influence des sondages politiques sur les intentions de votes », précise ainsi Dorothée Rieu, fondatrice de Mediamento et docteure en neurosciences, comme pour souligner la différence avec une enquête d’opinion standard. L’étude est d’ailleurs muette sur les noms de candidats qui ont été testés auprès de l’échantillon, histoire justement de ne pas être interprétée comme un sondage de plus présenté sous un autre angle. Elle doit même faire prochainement l’objet d’une publication dans une revue scientifique.

Hervé Vaudoit

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