Perdre 50 kilos c’est possible, mais au prix fort !

Un Français sur 2 est en surpoids ou obèse. Le phénomène va en s'aggravant. Dangereusement. Quand les régimes sont inefficaces et que toutes les démarches médicales pour maigrir ont échoué, la chirurgie peut prendre le relais en réduisant le volume de l'estomac ou en le court-circuitant carrément. L'amaigrissement est alors spectaculaire puisqu'on peut passer de 200 à 130 kilos, de 120 à 80, au prix d'un changement d'apparence. Chirurgien de l'obésité à l'hôpital Edmond-Garcin d'Aubagne et à l'hôpital Nord (APHM), le docteur Arnaud Sans détaille ces techniques qui exigent un suivi médical à vie.

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L’Organisation mondiale de la Santé a parlé en mai 2022 d’une « épidémie » d’obésité qui frappe l’Europe, avec plus de 25% des enfants en surpoids et 58% des adultes. Le constatez-vous au quotidien, et en quoi est-ce inquiétant ?

Docteur Arnaud Sans : L’obésité est un problème majeur de santé publique. La dernière enquête Obépi sur l’obésité en France, en 2020, fait état de 47% de la population qui est en surpoids ou obèse. Ce qui représente 24 millions de personnes adultes en France. Concernant l’obésité, c’est 17% de la population, soit 8,5 millions de personnes. C’est considérable.

Quels sont les facteurs conduisant au surpoids et à l’obésité ?

L’obésité est une maladie multifactorielle avec des facteurs génétiques, environnementaux, sociaux, culturels, physiques. C’est par ces différents moyens que des patients se retrouvent en situation d’obésité.

1 million de super-obèses en France : le chiffre a doublé en 8 ans !

Est-ce dû à la sédentarité, à la malbouffe, ou bien à d’autres causes ?

La sédentarité et la malnutrition par des alimentations très riches  en calories favorisent l’apparition de l’obésité. Entre les enquêtes Obépi de 2012 et 2020, la population d’obèses a augmenté en passant de 15% à 17% de la population. Et surtout, c’est là où c’est très alarmant, on a des populations qu’on appelle « obèses morbides », c’est-à-dire qui ont un indice de masse corporelle supérieur à 40 kilogrammes par mètre carré. Cette population a presque doublé (en huit ans) en passant de 1,2% à 2%, soit 1 million de personnes en France.

A partir de quel moment proposez-vous à des patients une chirurgie de l’obésité ?

On doit calculer l’indice de masse corporelle (IMC): vous prenez votre poids en kilogrammes que vous divisez par votre taille en mètre, au carré (NDLR : par exemple vous pesez 80 kg pour 1,60m. Calculez 80 : 1,60 X 1,60 = 31,25. Avec un IMC de 25 à 30 vous êtes en surpoids, entre 30 et 35 en obésité modérée, entre 35 et 40 en obésité sévère, au-delà de 40 en obésité morbide). La chirurgie de l’obésité est proposée à des patients qui ont un IMC supérieur à 40 kg/m2. Il existe d’autres situations où des patients qui ont un IMC de 35 kg/m2 avec des maladies en lien avec leur surpoids peuvent se voir proposer un parcours de prise en charge médicale. Et si celui-ci est malheureusement un échec, il aboutira à une chirurgie.

L’estomac est amputé de 80%, il ne reste qu’un manchon

Quelles sont les différentes interventions proposées en chirurgie bariatrique ?

Il y a les interventions restrictives, et les interventions malabsorptives. Dans les restrictives, il y a l’anneau gastrique ajustable ou la sleeve gastrectomie. Pour les interventions malabsorptives, on a le gastrique By-pass en Y ou la diversion duodénale. Ce sont des interventions réalisées systématiquement par voie mini-invasive (coelioscopie) ou par voie robotique. Pour l’anneau gastrique ajustable, il s’agit juste d’un anneau qu’on vient mettre à la jonction entre l’oesophage et l’estomac. Il est relié à un boîtier, qui va permettre de serrer cette jonction et diminuer la capacité du patient à prendre un bol alimentaire comme avant.

Pour la sleeve gastrectomie, cela consiste à réduire le volume de l’estomac d’à peu près de ses 4/5e, en laissant un simple manchon (« sleeve » en anglais, NDLR). Les autres interventions sont plus complexes. Elles consistent en une réduction du volume de l’estomac et à faire un court-circuit au niveau de l’intestin. C’est pour cela que je parlais de chirurgie malabsorptive, car elle va associer une diminution du volume de l’estomac et un court-circuit. Donc certains aliments vont être moins bien absorbés. Et ces deux phénomènes contribuent à la perte de poids.

Un suivi à vie est nécessaire

Est-ce que ce sont des interventions lourdes, difficiles à supporter ? Le post-opératoire est-il compliqué ?

Ce ne sont pas des interventions dénuées de risque car elles présentent encore des complications, qui sont de plus en plus rares. Mais qui peuvent être graves dans certaines situations et aboutir à des situations très complexes. Cependant, ce sont des interventions maintenant très standardisées, techniquement simples de réalisation. Et le post-opératoire est tout à fait supportable. Les sorties de l’hôpital se font en moyenne à J2 post-opératoire. Certaines équipes expertes dans le monde arrivent même à réaliser des sorties en ambulatoire ou à J1 post-opératoire.

On dit souvent que le poids perdu en faisant des régimes, on le reprend très vite. Qu’en est-il des interventions de ce type ? Les effets sont-ils à vie ou risque-t-on de grossir de nouveau après la chirurgie ?

On connaît bien l’effet yo-yo avec des gens qui font des régimes, arrivent à perdre du poids, et reprennent ce poids à cause d’une restriction qui a été trop importante et trop difficile à réaliser. La chirurgie bariatrique intervient  pour des personnes chez qui une prise en charge médicale seule, associée à un soutien psychologique et à un diététicien, ne va pas suffire. A long terme, on propose cette intervention car la chirurgie est la dernière solution permettant une perte de poids qui va se maintenir à long terme. Effectivement, il y a des échecs. Des patients reprennent du poids. C’est pour cela qu’un suivi se fait en pré-opératoire, comme en post-opératoire, et il doit se maintenir. J’insiste, ce suivi doit être mené à vie !

La chirurgie permet de réduire son poids de 30%

Peut-on alors reprendre une vie normale, retrouver plaisir à manger un petit peu tout ce qu’on aimait avant ?

Les patients retrouvent une vie strictement normale et leur qualité de vie est améliorée. Au début, leur capacité à s’alimenter va être réduite. C’est le but recherché de ces interventions. Mais il n’y a presque aucun aliment qui sera contre-indiqué.

Jusqu’à combien de kilos peut-on perdre après avoir subi une telle intervention ?

C’est très variable en fonction des gens. Certains arrivent avec des poids extrêmes, au-delà de 150 ou 200 kilos. En termes de pourcentage, si on compte sur un bon résultat – et il faut avoir cette discussion avant avec les patients pour qu’ils aient une idée réaliste de que qu’on peut attendre – c’est une perte d’à peu près 30% du poids du corps.

L’apparence physique des opérés change radicalement

Un patient qui fait 120 kilos va donc perdre 40 kilos ?

Ce serait un objectif clairement atteignable, faire 80 kilos. Ce serait un résultat très satisfaisant.

La personne va changer complètement d’apparence physique. Un accompagnement psychologique est-il proposé aux patients ?

Absolument. Ce suivi est proposé en pré-opératoire et en post-opératoire. Les gens ont une modification de leur image corporelle, de leurs habitudes de vie, de leurs relations sociales, qui entraînent parfois un déséquilibre qui peut être difficile à supporter. C’est pour ça qu’un soutien est systématiquement envisagé. Ici, à l’hôpital d’Aubagne, nous le proposons avec le psychologue qui travaille avec nous sur le domaine de l’obésité.

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