Prostate : la sexualité est une préoccupation majoritaire des patients

La poursuite de la sexualité est le 1er domaine de la qualité de vie évoqué par 60% des patients lors du diagnostic d'un cancer de la prostate. Voilà pourquoi la surveillance active de la maladie par des examens répétés plutôt que l'opération est tellement appréciée. Est-ce sans risque ? Quels sont les autres progrès ? Les médecins vauclusiens ont fait le point lors d'une conférence proposée à Avignon par MProvence.

Santé

Pas évident d’attirer plusieurs dizaines de personnes, hommes bien sûr, et pas mal de femmes aussi, un soir de novembre à Avignon pour parler du cancer masculin le plus fréquent, celui de la prostate. Mais l’affluence est bien présente en ce jeudi soir dans la salle de conférence du Crédit Agricole Alpes Provence (agence de l’Amandier), soutien de la campagne d’information orchestrée par MProvence. Preuve que les tabous sont en train de tomber autour de cette maladie qui impacte la virilité et les capacités sexuelles.

80% de survie dix ans après la découverte du cancer

Urologue à la clinique Synergia à Carpentras, le Dr Medhi Blah plante le décor : « C’est un tiers des cancers chez l’homme, la 3e cause de décès par cancer à un âge médian toutefois assez élevé de 83 ans. Le pronostic reste favorable avec des taux de survie à 5 ans (après la découverte de la maladie) de 93% et de 80% à 10 ans. » L’âge médian auquel on découvre ce cancer est cependant relativement jeune : 64 ans.

S’il dédramatise, le chirurgien estime que c’est notamment grâce au diagnostic précoce, recommandé à partir de 45 à 50 ans et jusqu’à 75 ans, qu’on atteint de tels résultats. « N’oublions pas que c’est un cancer qui tue plus de 8 000 hommes par an en France ! »

Urologue à la clinique Synergia à Carpentras
Dr Medhi Blah, urologue à la clinique Synergia à Carpentras

IRM, l’imagerie qui change tout

Son confrère du Centre médical du Luberon à Cavaillon, le Dr Mathieu Cecchi, a expliqué qu’on a aujourd’hui les moyens de classifier assez précisément la dangerosité de ce cancer. Notamment grâce à l’IRM – l’imagerie par résonnance magnétique qui n’est pas un examen irradiant et implique uniquement un lavement rectal – et à la biopsie. « L’intérêt majeur de l’IRM est de mettre en évidence la présence éventuelle d’un nodule et de le classer sur une échelle de 1 (très probablement bénin) à 5 (très probablement malin). Elle permet d’éviter de faire des biopsies pour rien si c’est bénin. »

La biopsie, c’est ce fameux prélèvement dans la zone suspecte de la prostate grâce à une longue aiguille, réalisé au bloc opératoire sous anesthésie générale, ou en consultation sous anesthésie locale. « C’est indolore mais il faut introduire une sonde dans le rectum« , précise le Dr Cecchi.

Dr Mathieu CecchiCentre médical du Luberon à Cavaillon
Dr Mathieu CecchiCentre médical du Luberon à Cavaillon

1 cancer sur 2 est de « bon pronostic »

La bonne nouvelle, comme on le répète à longueur d’articles sur notre site depuis le début de cette campagne d’information organisée par notre média, c’est qu’on traite de moins en moins ce cancer. Au moins au début. Le patient est alors placé « sous surveillance active ».

« Au diagnostic, le cancer est dans 50% des cas de bon pronostic, constate le Dr Christophe Clément, urologue à la clinique Rhône-Durance d’Avignon. On surveille le patient présentant un faible taux de PSA dans le sang, inférieur à 15, et peu évolutif par rapport au dosage antérieur du PSA, sans lésion apparente à l’IRM ou présentant une petite lésion. Il faut aussi que le patient soit compliant. »

Dr Christophe Clément, urologue à la clinique Rhône-Durance d'Avignon
Dr Christophe Clément, urologue à la clinique Rhône-Durance d’Avignon

Surveillance active : la majorité des patients y est encore 5 ans après !

Compliant ? Entendez par là qu’il accepte l’idée quand même troublante de vivre avec un foyer cancéreux certes jugé indolent, de faible malignité – qui se développe très lentement ou pas du tout – et ne nécessite donc pas la prescription urgente d’un traitement. « La surveillance active est un traitement retardé, différé, décalé. 5 ans après le diagnostic de cancer, 59% à 67% des patients sont encore sous surveillance active et ils ne prennent aucun risque à le rester« , affirme le chirurgien.

Avantage : on évite les redoutés effets secondaires de l’opération ou de l’irradiation de la prostate : incontinence urinaire, troubles sexuels et digestifs. « Il y a quelques risques induits par cette surveillance, qui sont ceux de biopsies répétées, éventuellement tous les ans, mais aussi l’anxiété que cela génère quand le taux de PSA monte« , constate le Dr Clément.

Arrivée de l’IA au bloc opératoire

Si le cancer progresse, il faut alors envisager l’intervention chirurgicale. En France, on pratique la bagatelle de 20 000 ablations de prostate (prostatectomies) chaque année. Les trois-quarts sont désormais effectuées avec l’aide du robot da Vinci. Il serait gage d’une précision augmentée du geste chirurgical, d’une durée d’hospitalisation réduite et d’une récupération post-opératoire plus rapide pour le patient. Sans gain thérapeutique avéré cependant par rapport à la chirurgie ouverte et avec des frais d’utilisation bien plus élevés puisqu’il faut amortir l’achat de la machine (2 millions d’euros + 150 000 euros de maintenance par an). Certains hôpitaux et cliniques facturent en outre au patient le coût des « consommables » utilisés pour chaque intervention robot-assistée et pouvant s’élever à 1 900 euros, car n’étant pas pris en charge par l’Assurance maladie.

Une centaine de prostatectomies totales sont réalisées chaque année à la clinique Rhône-Durance. « L’avènement de la robotique depuis vingt ans a été la véritable innovation, résume le Dr Julien Le Nobin. L’innovation en chirurgie, c’est aussi le recours à l’intelligence artificielle qui permet une planification plus précise de l’intervention à réaliser. »

Dr Julien Le Nobinclinique Rhône-Durance
Dr Julien Le Nobin, urologue cancérologue, Clinique Rhône Durance

2 fois moins de séances de rayons

Mais il n’y a pas que le scalpel qui est plus affûté. Les progrès concernent également la radiothérapie, autre arme thérapeutique massive contre les tumeurs. C’est le Dr Lysian Cartier, oncologue radiothérapeute à l’Institut du Cancer Sainte Catherine d’Avignon, qui a dévoilé la panoplie. Les séances se font en ambulatoire, à raison de 15 minutes du lundi au vendredi. On est dans la haute précision, avec un guidage par imagerie, afin de taper la tumeur en évitant au maximum la périphérie saine.

« Jusqu’à présent, on était sur des traitements de 40 séances, soit tous les jours, 5 jours par semaine, pendant 2 mois. Le principe est désormais de réduire la durée du traitement sans perte d’efficacité et sans ajouter d’effets secondaires, ni augmenter la toxicité. Donc on augmente la dose de rayons, sur un rythme fractionné à certaines stades de la maladie. Pour un cancer localisé, on pourra proposer 20 séances au lieu de 40. »

Donc avec une irradiation moindre au final. « Et on pourra aller vers un traitement sur seulement 5 séances avec une dose plus élevée par séance. Cela est pour le moment réservé à des stades tumoraux particuliers, et suppose qu’il n’y ait pas de dysfonction urinaire majeure« , souligne le Dr Cartier.

Dr Lysian Cartier, oncologue radiothérapeute à l'Institut du Cancer Sainte Catherine d'Avignon
Dr Lysian Cartier, oncologue radiothérapeute à l’Institut du Cancer Sainte Catherine d’Avignon

Fuites urinaires persistantes : 2 à 3% des cas

Autre progrès mis en exergue lors de ce forum vauclusien : la prise en charge des patients ayant des fuites urinaires dues à une mauvaise cicatrisation après traitement. C’est relativement fréquent dans les premiers mois et suppose une rééducation, puis en général ces troubles rentrent dans l’ordre.

« 2 à 3% des patients ont une incontinence urinaire qui perdure et implique le port de couches. Dans ce cas, la première étape est la rééducation périnéale intensive pendant dix-huit mois, explique le Dr Armand Chevrot, urologue à la clinique Rhône-Durance. Si ces troubles persistent, on peut mettre des bandelettes ou des ballonnets en silicone que l’on viendra gonfler pour contrôler les fuites. On doit vous proposer une restauration à l’état antérieur avant traitement. »

Le chirurgien estime à 1% l’incontinence sévère, à vie, terriblement impactante pour la vie sociale. S’en sortir va alors nécessiter la pose d’un sphincter urinaire artificiel. Un interrupteur placé dans les bourses, sur lequel le patient appuie, permet de vidanger sa vessie. Ce système datant des années 70 et apparemment rudimentaire s’avère fort efficace. L’usage d’une seule couche par jour suffit tant les fuites urinaires sont alors limitées. « Ceci est cependant de plus en plus rare, en raison des progrès de la chirurgie et de la radiothérapie. »

Dr Armand Chevrot, urologue à la clinique Rhône-Durance
Dr Armand Chevrot, urologue à la clinique Rhône-Durance

La sexualité est importante pour 6 patients sur 10

Puis le moment tant attendu dans chacune des conférences est arrivé : la prise en compte des troubles sexuels. Car la proximité de la prostate, opérée ou irradiée, avec les nerfs érecteurs engendre dans un grand nombre de cas des conséquences sur la capacité à avoir des érections satisfaisantes. Le Dr Edouard Fortier, urologue spécialisé en andrologie au Centre médical du Luberon à Cavaillon, a d’abord rappelé jeudi soir que la préservation de l’activité sexuelle est le souci majeur qu’exprime la plupart des patients avant un traitement.

« Ces troubles sont liés à la curiethérapie, la prostatectomie totale, la radiothérapie externe et les hormonothérapies. Lors du diagnostic, 60% des patients pensent que leur vie sexuelle est importante, très importante ou extrêmement importante. C’est le premier domaine de la qualité de vie évoqué par les patients et qu’ils souhaitent voir restaurer. Il nous faut donc évaluer la sexualité du patient et sa ou son partenaire. »

Dr Edouard Fortier, urologue spécialisé en andrologie au Centre médical du Luberon à Cavaillon
Dr Edouard Fortier, urologue spécialisé en andrologie au Centre médical du Luberon à Cavaillon

40% des patients avaient des érections faiblardes… avant !

Théoriquement, plus aucun chirurgien ou radiothérapeute ne traite un homme sans prendre en compte l’impact de la sexualité dans sa vie. Si elle est décisive, et si la panoplie des traitements le permet, le médecin devra en tenir compte.

« 40% des patients présentent déjà une dysfonction érectile au diagnostic ! », prévient le Dr Fortier. Autrement dit, il ne faut pas tout mettre sur le dos des traitements du cancer. Après 60 ans, bien des hommes ont déjà un coup de mou, indépendamment de la survenue d’un cancer…

3 ans après, une fonction érectile pour 8 patients sur 10

Mais alors, ces effets secondaires sont-ils définitifs et sans solution ? Pas du tout ! « Trois ans après une prostatectomie totale avec préservation des nerfs, on observe 40% de fonction érectile revenue à la normale, 40% palliée par des médicaments par voie orale et 20% qui nécessiteront d’autres moyens« , précise le Dr Fortier.

Cette question de la sexualité est fondamentale et souvent, selon les témoignages de patients, insuffisamment prise en compte par nombre de médecins jugés trop optimistes quant à l’ampleur de la dysfonction érectile post-traitement. Il faut donc insister auprès de son urologue pour trouver une solution et ne pas hésiter à consulter un(e) sexologue ainsi qu’une association de patients comme l’Anamacap (info@anamacap.fr et 05 56 65 13 25 du lundi au jeudi de 9h à 16h). Ils sauront conseiller et orienter très utilement ces Messieurs.

Médecins Avignonais de la prostate
Les médecins avignonais spécialistes du cancer de la prostate

Venez interroger les médecins à Fréjus et Toulon les 27 et 28 novembre

Prochaines conférences publiques et gratuites « La prostate. Parlons-en pour nous protéger » organisées par MProvence, avec les médecins des hôpitaux régionaux :

  • Mercredi 27 novembre à 18h au Centre hospitalier intercommunal Fréjus/Saint Raphaël, 240 avenue de Saint-Lambert, 83 600 Fréjus. Entrée libre.
  • Jeudi 28 novembre à 18h au Palais des Sports de Toulon, salon VIP, 420 avenue Amiral Aube, 83000 Toulon

INSCRIPTIONS ICI : https://forms.gle/rvBnTX9Mm3sKyAg6A

 

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