Recep Tayyip Erdogan va continuer à baisser les taux d’intérêt malgré une inflation galopante

Le président turc a réaffirmé son intention de poursuivre sa stratégie de taux d'intérêt bas, malgré une inflation de 73,5% en mai 2022.

Economie

Lundi 6 juin 2022, après une réunion avec son cabinet, Recep Tayyip Erdogan a réaffirmé son intention de poursuivre sa stratégie de taux d’intérêt bas. Malgré une inflation qui a atteint les 73,5% en mai 2022, et ne cesse de battre des records. « Que personne n’attende cela de nous. Ce gouvernement n’augmentera pas les taux d’intérêt. Au contraire, nous allons continuer à les baisser« , a insisté le président turc.

Fin 2021, il demandait à sa Banque centrale (TCMB) de réduire son taux directeur de 19% à 14% avec pour résultat immédiat une chute de la livre turque. La devise nationale connaît aujourd’hui son niveau le plus bas depuis décembre 2021 et s’échange à une livre pour 16,6 $. Elle a perdu 47,79% en un an. Dans le même temps, l »inflation atteint son plus haut niveau depuis 1998, même si la hausse est plus modérée que d’avril 2022 à mai 2022 où elle était passée de 61,14 à 69,97%.

Cette politique va à l’encontre totale de ce qui se fait dans les autres pays, à savoir augmenter les taux d’intérêts pour freiner la consommation et donc faire baisser les prix avec pour conséquence de juguler l’inflation. Elle est d’ailleurs combattu au sein même de la Turquie alors que, depuis trois ans, plusieurs ministres de l’Économie et présidents de la Banque centrale turque ont fait les frais de leur opposition aux taux d’intérêt bas.

Indiquant « nous n’avons pas de problème d’inflation, mais un problème de cherté de la vie » (sic), le président turc attribue en partie la situation actuelle « au fait que certains citoyens insistent pour garder leurs économies en devises étrangères. » Selon lui,  « l’autre partie est due aux intrants importés en raison de l’augmentation de la production. »

L’inflation réellement à 160,76% selon des économistes turcs

Fin décembre 2021, Recep Tayyip Erdogan décidait cependant de déroger, de façon indirecte, à son sacro-saint credo en émettant de nouveaux titres de créances comportant une garantie annulant le différentiel entre le taux de change et le taux d’intérêt. Dans les faits, le loyer de la livre augmentait donc. L’effet à court terme avait été immédiat avec une hausse de 10% de la devise nationale par rapport au dollar en une journée. Mais, le remède n’a pas tenu la longueur, comme nous le prouvent les chiffres aujourd’hui.

Dans sa livraison du vendredi 3 juin 2022, Tüik, l’Office turc des statistiques, note une hausse de 2,98% de l’inflation en mai 2022 par rapport au mois précédent, de 35,64% par rapport à décembre 2021 et donc de 73,50% par rapport à mai 2021. Sur douze mois glissants, elle se situe à 39,33%.

Chacune de ses publications s’accompagne d’une remise en cause par des membres de l’opposition à Recep Tayyip Erdogan – qui remettra en jeu son mandat en juin 2023 -, mais aussi d’économistes. Notamment ceux regroupés au sein d’Enag (Groupe de recherche sur l’inflation). Vendredi 3 juin 2022, ils affirmaient que l’inflation se situait réellement à 160,76% sur un an, soit le double du taux officiel communiqué par Tüik.

+107,62% sur les tarifs des transports

Selon l’Office, les plus fortes augmentation de prix, en mai 2022 et sur un an, ont été constatées dans les transports (+107,62%), l’alimentation et les boissons non alcoolisées (91,63%), l’ameublement et l’équipement ménager (82,08%). L’éducation (27,48%), l’habillement et les chaussures (29,80%) ainsi que la santé (37,74%) enregistrent les hausses les plus modérées.

Le président turc veut stimuler la production, les exportations et l’emploi grâce aux taux bas. Lors de sa dernière intervention, il a promis, une nouvelle fois, un excédent de la balance courante et donc une stabilisation de la monnaie qui permettra une baisse de l’inflation. En février 2022, Nureddin Nebati, ministre turc de l’Économie, annonçait un pic de l’inflation en avril 2022, tout en précisant qu’elle resterait « sous la barre des 50%. » Nous sommes très loin de ces prévisions. Et encore, comment ne pas évoquer une autre déclaration, celle de Recep Tayyip Erdogan en janvier 2022, assurant le « retour à une inflation à un chiffre le plus vite possible. »

« S’il n’y avait pas d’affrontements dans la région, les Turcs auraient pu ressentir les bénéfices concrets de notre programme économique« , assure-t-il aujourd’hui.

Frédéric Dubessy

Econostrum

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