Se muscler avant d’être opéré c’est essentiel, comme pour Thomas Pesquet !

Voici un sujet qui nous concerne tous un jour ou l'autre. Se préparer sur les plans physique, mental et nutritionnel à une intervention chirurgicale, une chimiothérapie ou une immobilisation permet d'améliorer la récupération qui suivra l'épreuve. Il faut faire comme les astronautes ! Et c'est à la portée de tout le monde. Une pratique qui se développe dans les hôpitaux, comme l'explique Stéphanie Ranque-Garnier, médecin au centre d'évaluation et de traitement de la douleur à l'hôpital de la Timone (APHM) à Marseille.

Santé

On entend désormais parler de « pré habilitation » quand une personne âgée, notamment, doit être opérée. De quoi s’agit-il ?

Dr Stéphanie Ranque-Garnier : Je vais utiliser un synonyme : c’est la préparation. Il s’agit de se préparer à une épreuve, comme le fait un athlète olympique ou un astronaute. Et ça ne touche pas que les personnes âgées. L’idée, c’est d’optimiser sa condition physique, mentale, nutritionnelle, qui permettra de diminuer les effets secondaires, les risques de comorbidité donc de maladies associées, de diminuer les complications. Cela permet en gros d’améliorer la récupération par la suite. La récupération est aussi un synonyme de réhabilitation. C’est le pendant de la réhabilitation, c’est de l’anticipation, c’est avant. On fait la « pré » habilitation.

Une opération, c’est toujours une épreuve

Parce qu’une intervention chirurgicale, ce n’est jamais banal,  anodin, c’est toujours une épreuve ?

Eh bien oui ! C’est toujours une épreuve. On essaie de diminuer le plus possible cette épreuve avec ce qu’on appelle la RAC – la Réhabilitation Après Chirurgie – pour améliorer en fait les complications liées à la chirurgie et le fait que la chirurgie va diminuer la condition physique du patient, un petit peu systématiquement même si on fait très attention. On fait venir le patient (au bloc opératoire) maintenant à pied, on essaie de le faire sortir à pied aussi, ou en tout cas on le lève le plus vite possible. Ce but vise la condition du patient le jour J, le jour de l’intervention quand c’est de la chirurgie. Mais ça peut être de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou n’importe quelle autre intervention finalement. La condition du patient entre le moment où on a un diagnostic, où on sait qu’on va avoir cette intervention, et le moment de l’intervention, risque de s’altérer si on n’y prend garde.

Cela concerne-t-il toutes les chirurgies, et finalement tous les patients et pas seulement les personnes âgées ?

Oui. On peut imaginer ça pour absolument tout le monde, à tout âge, et pas que pour la chirurgie. A partir du moment où l’on sait qu’on va devoir avoir une intervention soit chirurgicale, soit une hospitalisation pour quelque cause que ce soit, une médication ou une radiothérapie, une chimiothérapie dans le cadre d’un cancer, peu importe. Dès qu’on sait qu’on va devoir subir une épreuve finalement, et je reprends mon parallèle avec les astronautes et les athlètes olympiques. Il ne viendrait pas à l’idée de quelqu’un, d’un athlète olympique, de dire « bon voilà les Jeux Olympiques c’est telle date et en attendant, débrouille-toi tout seul ! » On le prépare, l’athlète olympique.

Sommeil, alimentation, hydratation : comment se préparer

Concrètement, comment se passe cet entraînement, cette pré habilitation, avant de subir une intervention chirurgicale ? Quelles activités dois-je accomplir ?

Dans le meilleur des cas il faudrait qu’il y ait des programmes qui soient déjà mis en place, avec des évaluations puisque c’est très personnalisé. Savoir comment va le patient au départ, quel est son état nutritionnel, quel est son état physique, quel est son état mental. Et puis ensuite intervenir au cas par cas, de façon à le guider et optimiser chacun de ces domaines là. Comme on est quand même pour l’instant encore dans un domaine qui n’est pas très développé, je vais en profiter pour parler à chacun !

Quand on se retrouve dans cette situation là et qu’on sait qu’on doit avoir une intervention, il faut réfléchir à ne pas se laisser écrouler par le diagnostic ou par l’anticipation de cette épreuve. Il faut au contraire chercher tout ce qui peut optimiser sa santé, optimiser son sommeil, optimiser son hydratation, faire attention à son alimentation de façon à privilégier des choses peut-être qui vont renforcer des muscles. Parce que parfois on a besoin d’avoir des muscles de meilleure qualité.

Techniques psycho corporelles pour faire baisser l’anxiété

Par exemple, je pense aux chirurgies orthopédiques. On a déjà des programmes de pré habilitation dans ces chirurgies. Quand on va changer par exemple une articulation, qu’on mettra une prothèse, il faut absolument que les muscles autour de cette articulation soient préparés.

Donc il faut l’alimentation qui va avec, un petit peu comme ceux qui veulent se muscler dans les salles le font avec un petit peu plus de protéines par exemple. Il faut faire attention aux fibres, à avoir sa quantité minimum de légumes. Je parle de légumes – on parle de 5 fruits et légumes par jour mais attention, ce ne sont pas que des fruits hein ! C’est plutôt 4 légumes et 1 fruit. Et puis globalement, si on peut apprendre des techniques de cohérence cardiaque, toutes les techniques psycho corporelles qui détendent et qui évitent d’anticiper anxieusement les choses, c’est toujours mieux.

Soyez actifs, ne subissez pas

Donc on peut se préparer tout seul finalement,  avec ces conseils ?

En tout cas il faut en avoir l’état d’esprit. C’est toujours plus sympathique de s’imaginer comme un athlète de haut niveau, un astronaute, qui va avoir une deadline où il va se passer quelque chose, une épreuve, que comme un patient passif qui va tout subir. Il est important que chacun comprenne qu’il y a des choses actives, utiles, efficaces et agréables pour soi-même à mettre en place. Bien sûr un programme d’activité physique adaptée qui fasse plaisir, qui écoute les besoins et qui écoute la condition du jour, de façon à optimiser son état. C’est tout à fait indiqué.

Un mot sur le tabac notamment. On dit qu’avant une intervention chirurgicale, il faut arrêter de fumer…

L’idée c’est d’essayer d’éviter tous les toxiques. Quand on va arriver à ce type d’épreuve là, si on peut éviter les toxiques, c’est quand même mieux. On sait bien que le tabac a des effets nocifs absolument à tous les niveaux, notamment sur l’immunité. Donc on n’a pas besoin de ce handicap supplémentaire. En fait bien sûr, si on est très, très addict, ce n’est peut-être pas le moment de tout arrêter. En tout cas il faut essayer de se faire aider à ce moment-là, ne pas être seul là-dedans, parce que ça peut être compliqué de rajouter cet arrêt, ce sevrage tabagique « sauvage » en plus du reste. Si c’est un élément qui peut donner envie et qui peut faire passer le cap, pourquoi pas. On n’en a pas besoin, du tabac !

Même dans son lit, on doit faire travailler ses muscles

Que se passe-t-il après l’intervention ? Dois-je poursuivre mes efforts pour me remettre en forme ?

Evidemment. Même juste après l’intervention. L’idée c’est que, même quand on est hospitalisé, il ne faut rien lâcher puisque là aussi le trépied (mental-physique-nutritionnel) est important. Donc essayer de garder l’idée qu’il ne faut pas être sédentaire. Tout ce qu’on peut faire, qui permettra très régulièrement de se mobiliser, même dans son lit en fait on peut très bien imaginer des mouvements bien sûr qui ne vont pas tirer sur une cicatrice, mais garder au maximum ses muscles et éviter la sédentarité. Donc essayer de garder toujours cette idée des 30 secondes toutes les 30 min où on va on va changer de position tout simplement. Voilà, ça c’est juste per-opératoire, après l’opération. Et puis quand on est sorti de l’hôpital ce n’est pas le moment de lâcher le vélo, au contraire ! En général on est accompagné sur la rééducation spécifique mais peut-être pas sur la triade mental-physique-nutritionnel, donc c’est à continuer.

La population occidentale vieillit. On sait que le corollaire, c’est le développement de maladies, de cancers notamment. Avec les progrès, les gens vont peut-être subir de plus en plus d’interventions chirurgicales à un âge plus avancé et donc on peut penser que la pré habilitation a de beaux jours devant elle ! Est-ce que les médecins, et les chirurgiens en particulier, favorisent cette pré habilitation ?

Aujourd’hui ce n’est pas encore très diffusé mais je crois qu’il y a une énorme prise de conscience. On est en train de monter partout des programmes. Par exemple un programme qui est en cours de mise en place s’appelle le programme « Préparer ».  Le principe est justement de vraiment structurer quelque chose et dès le diagnostic, dès le moment où on sait qu’on va devoir intervenir et hospitaliser quelqu’un, de réfléchir à optimiser sa préparation, de façon à se donner plus de chance, à lui donner plus de chance possible pour que ça se passe le mieux possible et le plus vite possible.

Identifiez-vous à Thomas Pesquet !

Pour résumer, quand je dois être hospitalisé pour une intervention chirurgicale ou pour autre chose pendant un certain temps qui va peut-être m’immobiliser, qui va réduire ma capacité d’action, il faut que je me prépare à ça ?

Il faut se préparer à ça et puis vraiment s’identifier à Thomas Pesquet puisque c’est la même histoire. Et puis maintenant tout le monde connaît le mot « confinement ». Quand on est confiné dans une chambre d’hôpital, c’est comme quand on est confiné dans une station spatiale. Thomas Pesquet c’est 2 h d’activité physique par jour. Tout ce qu’on va pouvoir faire pour écouter les besoins physiologiques de base et non pas les oublier juste à ce moment-là, il faut le faire puisqu’on a remarqué que quand on hospitalise quelqu’un sans le préparer et sans s’intéresser à ce qui se passe pendant l’hospitalisation, on lui met des handicaps supplémentaires puisqu’on le sort de ses habitudes, peut-être saines d’ailleurs en alimentation et de sommeil. Si on ne lui explique pas qu’il faut continuer à lutter contre la sédentarité et garder au moins, si ce n’est renforcer, ses fonctions physiques, on le met dans des conditions qui sont propices par exemple à des chutes.

Quand on est allongé trop longtemps – et ça concerne tout le monde hein ! -, quand les jeunes volontaires sains de la recherche aérospatiale étaient allongés plus d’une semaine, même au bout de 2 jours, on les mettait debout et ils tombaient dans les pommes. Parce qu’en fait le système s’adapte à la position allongée et au bout de 2 jours, il y a moins de sang en quantité, en volume dans le corps puisque sinon il y en aurait trop pour le cœur. Et donc quand on met debout quelqu’un qui a été strictement allongé pendant 48 h, il a tous les risques d’avoir un malaise, de tomber et peut-être de rajouter une fracture du col du fémur là où il n’y en a pas besoin.

Faites du sport en chambre !

Vous avez popularisé à l’APHM (Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille), et notamment à l’hôpital de La Conception, le concept de « sport en chambre ». Il faut faire du sport en chambre !

Tout à fait! C’est important de faire du sport en chambre, finalement c’est ce concept là. C’est vrai que ça continue depuis pas mal d’années maintenant au niveau de l’hôpital La Conception en hématologie. On a donc ce programme qui a mis en place des vélos d’appartement dans les chambres. Alors ce sont des chambres protégées, des chambres stériles qui accueillent des patients en attente de greffe. Ils sont mis en aplasie, on leur enlève toutes leurs défenses immunitaires. Donc ces patients sont coincés dans une chambre d’hôpital pendant plusieurs semaines et si on n’y prenait garde, ils pouvaient développer beaucoup de complications, de comorbidités, juste à cause de ce confinement dans une chambre.

« Sport en chambre » c’est ça. C’est l’idée, avec ou sans pédalier, de continuer à entretenir sa forme physique avec un encadrant physique, qui passe 2 fois par semaine pour encadrer ces patients là et leur faire faire de l’activité, qu’ils soient couchés, assis ou debout. L’idée c’est de s’adapter à ce qu’on peut faire au mieux. On a des petits outils comme Activ’Dos, une application gratuite de la Sécurité sociale qui peut être utilisée dans les fameuses 30 secondes toutes les 30 min. Il y a 68 mouvements expliqués et bien illustrés qui permettent d’avoir des idées, de ne pas rester coincé dans son lit. Quand on peut s’asseoir, il faut s’asseoir. Quand on peut se mettre debout, il faut se mettre debout, faire des petits mouvements au pied du lit. Et même si on ne peut pas se mettre debout, s’asseoir dans son lit, on peut quand même contracter ses muscles.

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