Docteur Abdou Sbihi : On peut se blesser pas mal d’articulations, mais pas seulement. Les blessures du genou sont extrêmement fréquentes, on se blesse au niveau de l’épaule également, des poignets. On peut avoir des traumatismes autres qu’articulaires : des fractures de jambe, du fémur, de l’avant-bras, du bras. La pathologie est malheureusement assez riche et variée.
A quoi sont dus ces accidents ?
Il y a déjà le « pas de chance ». On peut très bien avoir un moment d’inattention, avec une erreur technique, un caillou, un trou. Mais on s’aperçoit que les fractures sont beaucoup plus fréquentes dans un certain contexte : des gens moins préparés parce qu’on a une forme physique qui n’est pas la même à 20 ans, à 30 ans et encore moins à 50 ans! Skier nécessite une certaine préparation. Il vaut mieux arriver sur les pistes avec un minimum de capital musculaire. C’est intéressant de faire du renforcement musculaire quelques semaines, quelques jours avant d’aller skier.
Danger numéro 1 : la sortie du télésiège !
Beaucoup de gens se font une entorse du genou en sortant du télésiège. Comment est-ce possible ?
C’est une cause très importante (d’accident). La sortie du télésiège est fatale dans la majorité des cas, dans le sens où ce sont parfois des moments d’inattention, d’hésitation, d’évitement avec des personnes qui ont raté leur sortie et qui sont encore au milieu. Cela paraît bénin comme ça, mais c’est une cause importante de rupture des ligaments croisés antérieurs. Et qui arrive même à de bons skieurs.
Comment se passe la prise en charge quand on a une entorse du genou ? Selon vous, il y a beaucoup d’erreurs et de temps perdu…
Erreurs, ça me gêne de dire cela. Mais de temps perdu, oui ! Il y a un circuit initial plutôt bien fait avec les médecins de station qui sont souvent très pointus, qui font cela tout le temps. Ils ont une première mission, c’est d’éliminer quelque chose de grave ou d’épineux qui est la fracture. S’il a une fracture, le patient sera rapidement orienté vers les hôpitaux locaux. Pour résumer, une fracture non déplacée est souvent immobilisée et surveillée jusqu’à la consolidation; une fracture déplacée nécessite une réduction, de remettre les fragments exactement tels qu’ils étaient. Cela se fait parfois sous anesthésie générale, manuelle, ou parfois chirurgicale avec ce qu’on appelle une ostéosynthèse : on met du matériel pour contenir tout ça.
Attaquer la kiné… 2 jours après l’entorse !
Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est la pathologie ligamentaire. Nous sommes devant une suspicion d’entorse du genou, et le médecin de station n’a pas accès à l’IRM, qui de toute façon n’apporterait rien sur un genou très enflé. Souvent, à ce moment-là, il n’y a pas de prescription de rééducation et de kiné. Et souvent, le patient, comme le médecin traitant, se disent « le chirurgien fera la prescription de rééducation ». Or l’accessibilité pour un rendez-vous chirurgical n’est pas évidente, on attend parfois 3, 4 ou 5 semaines. Et là, effectivement, c’est du temps perdu. Parce que si la rééducation est réalisée immédiatement, le kinésithérapeute peut déjà travailler sur l’oedème, la douleur, pas mal de petites choses qui font que le patient se sentira mieux, et qui font qu’il se sentira assez rapidement autonome dans la vie active. La suite se gère en consultation avec le chirurgien.
Quand arrive un accident comme celui-ci, vous préconisez donc de faire de la rééducation AVANT de voir le chirurgien qui va peut-être opérer ?
Absolument ! C’est vraiment une rééducation qui va faire gagner du temps au patient. On pourrait très bien se blesser au ski un samedi et attaquer sa rééducation un lundi. A condition que le médecin de station ou le médecin des urgences, ou le médecin traitant, ait éliminé une fracture.
3 semaines de cicatrisation, 3 mois de douleur
Le chirurgien va ensuite sans doute opérer. Combien de mois faut-il pour se remettre d’un tel accident, et pourra-t-on recouvrer tous ses moyens ?
Oui. Globalement, c’est une chirurgie qui fonctionne plutôt bien. Pas tous les patients sont à opérer. Ce sont des mouvements anormaux dans l’articulation qui vont motiver une intervention chirurgicale. Il existe des entorses bénignes et des entorses malignes. L’entorse bénigne n’atteint pas les ligaments croisés, mais plutôt les latéraux. Globalement, la prise en charge est alors médicale, de rééducation. La plus classique, c’est l’entorse du ligament latéral interne, il faut des soins de rééducation pendant un ou deux mois. On appelle ça la règle des 3 : les gens vont mettre 3 semaines pour cicatriser leur ligament interne et vont ressentir la douleur pendant 3 mois. Donc les soins antalgiques vont durer 2-3 mois.
Dès qu’on a une blessure, quelconque, de manière réflexe, neurologique, on a une amyotrophie. Les muscles fonctionnent différemment, voire ne fonctionnent plus, et on a une perte musculaire. C’est pour cela que la rééducation est importante, pour retrouver l’état initial musculaire.
Notamment les muscles des cuisses ?
Les ischio-jambiers, les quadriceps. C’est un équilibre subtil. Pour être bien portant, il faut avoir récupéré à la fois son volume de quadriceps, son volume d’ischio-jambiers, et surtout retrouver le bon ratio entre les extenseurs – quadriceps – et les fléchisseurs – ischio-jambiers.
De plus en plus de collisions
Avez-vous une recette pour éviter l’entorse du genou ?
Pour essayer de l’éviter, effectivement ! Avant d’aller skier, il faut se préparer. Le sportif régulier, avec un état musculaire satisfaisant, est un peu protégé. La stabilité du genou est due aux ligaments, essentiellement les ligaments croisés pour l’aspect rotatoire. Mais aussi à la masse musculaire qui protège le genou. Mathématiquement, si on arrive avec pas assez de muscles, ces ligaments croisés sont beaucoup plus exposés. En plus de la préparation musculaire, il y a un aspect technique. Il faut connaître ses limites par rapport à son niveau de ski, et par rapport aux conditions de ski difficiles, quand c’est complétement verglacé. Enfin, on a de nouvelles causes de traumatologie. Ce sont les collisions car il y a de plus en plus de gens sur les pistes. Ce sont des pathologies nouvelles alors qu’avant c’était plus des blessures qu’on se faisait soi-même, sur un faux mouvement ou en sortie de télésiège.
Des fractures « catastrophiques » chez les enfants
Existe-t-il un âge à partir duquel être prudent et raisonnable quand on skie ?
Il faut être raisonnable tout le temps ! On voit des blessures surprenantes en termes de gravité chez des très jeunes qui sont parfois à la recherche d’adrénaline, de sensations, de vitesse. Forcément, un incident ou un accident va être beaucoup plus conséquent. Plus on avance en âge, plus on a des os un peu plus fragiles, plus poreux – c’est ce qu’on appelle l’ostéoporose – et plus le risque fracturaire est important.
On voit pas mal d’ados avec de graves blessures aux membres inférieurs. Est-ce ennuyeux pour la suite de leur croissance et leur pratique sportive ?
Oui c’est vraiment très ennuyeux. Jusqu’à 15 ans, les enfants sont plus sujets à des fractures, car au niveau ligamentaire ils sont moins exposés. Leurs ligaments sont plus tolérants, voire élastiques. Chez l’adulte on aura une pathologie beaucoup plus ligamentaire. Une fracture articulaire chez un enfant qui n’a pas fini sa croissance, ça peut être catastrophique. Cela peut modifier la croissance du segment du membre fracturé, la ralentir. Pire encore, ça peut entraîner une croissance déviée avec une évolution d’un os avec une repousse naturelle qui va être dans un sens ou dans l’autre au lieu d’être rectiligne. C’est quelque chose qui peut être fatal.
Musclez vos cuisses, vos abdos et dorsaux 15 jours avant le ski
Si on part au ski dans 15 jours ou 3 semaines, sans être un grand sportif, que faire pour se préparer ?
Il y a énormément d’exercices à faire, notamment sur les muscles des cuisses. On peut soi-même travailler avec des applications, des conseils de coachs sportifs, de kinésithérapeutes ou entre sportifs pour se renforcer la cuisse. L’idée c’est d’avoir un renforcement global car les blessures peuvent être ailleurs qu’au genou. C’est toujours bon d’être bien gainé au niveau de ses abdominaux ou des chaînes dorsales. C’est un travail global, pas qu’au niveau de la cuisse.
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