Tatouages : le phénomène explose, sexe compris !

Au moins 1 adulte sur 5 est déjà tatoué. Et c'est exponentiel chez les 18-35 ans. La Dr Quilès-Tsimaratos, dermatologue à l'Hôpital Saint Joseph, rappelle les règles d'hygiène, que tatouer est douloureux et que détatouer est coûteux et ne marche pas toujours. Lèvres, vulve, pénis, langue : plus aucune zone ne reste vierge. Heureusement, les tatoueurs agréés en France sont plutôt bien formés. Pas de risque de cancer si on contourne les grains de beauté.

Santé

C’est devenu un phénomène de société avec un adulte sur 5 qui serait tatoué en France. Hommage à sa mère, à son chéri, à son club de foot, à sa BD ou à son chanteur préféré et même à son chien ! Parfois, tout y passe. Mais le tatouage n’est pas sans risque. Puisqu’il concerne, puisqu’il agresse un autre organe, le plus volumineux et sans doute le plus sensible. Cet organe qui nous protège des agressions extérieures, c’est notre peau. Notre objectif dans cette chronique n’est évidemment pas de culpabiliser les candidats aux tatouages, mais bien de les informer des risques encourus et donc des précautions à prendre. Nous abordons le sujet avec la docteur Nathalie Quilès-Tsimaratos, cheffe du service de Dermatologie à l’Hôpital Saint Joseph de Marseille.

Les tatouages sont devenus très populaires et concernent désormais toutes les tranches d’âge et tous les milieux sociaux. Est-ce anodin pour notre peau de la marquer ainsi ?

Dr Nathalie Quilès-Tsimaratos : Le tatouage, ça a toujours existé depuis l’Antiquité. Là, il se trouve qu’il y a vraiment un phénomène de société avec de plus en plus de tatouages, quel que soit, comme vous l’avez dit, le milieu socio-économique. Et il y a vraiment une démarche de signification dans le fait de se marquer la peau.

Les tatoueurs officiels sont les plus souvent sollicités. Il y a de moins en moins de gens qui font des tatouages dans leur cuisine. Les tatoueurs en général ont été formés. Il faut s’inquiéter de l’hygiène qui doit être indispensable puisqu’avec le tatouage, on va piquer la peau, faire une effraction et faire rentrer de l’encre. Toute effraction de la peau donne un risque infectieux. Aller voir un tatoueur agréé est à mon avis indispensable si on doit se faire tatouer aujourd’hui.

Pas de risque de cancer à cause des encres

Quels sont les principaux risques induits par cette pratique ? Je pense notamment à la nocivité des encres dont on parle beaucoup…

Ce qu’on ne sait pas encore, c’est le devenir des encres sur un côté immunologique, puisque c’est un corps étranger qui va rester dans la peau. Par contre, en ce qui concerne le risque de cancer, puisque ça avait été abordé, cela a été écarté. On a vraiment du recul maintenant. Par contre, selon le pigment qui est injecté, il peut y avoir des risques d’allergies et c’est essentiellement avec les pigments rouges. Mais on peut avoir des allergies avec les autres pigments, c’est compliqué une fois que l’encre est dans la peau pour traiter ces allergies.

Et puis évidemment, il y a un risque infectieux puisqu’il y a cette effraction de la peau. Les risques de transmission de l’hépatite ont été écartés puisqu’on utilise du matériel à usage unique et qu’il n’y a pas de transmission avec échange d’aiguilles. Mais par contre, quand on fait une effraction de la peau, on peut faire rentrer les germes qui sont sur la peau. Donc il y a un petit risque d’infection secondaire sur le site. Mais c’est de plus en plus rare puisque les tatoueurs font attention à ça aussi.

« Le tatouage, ça fait mal »

Lorsque je vais me faire tatouer, je dois donc quand même prendre quelques précautions, quelques garanties sur le sérieux du professionnel qui va réaliser le tatouage ?

Exactement. Normalement ils ont un numéro d’agrément donc c’est assez facile de savoir, et puis vous pouvez leur demander. Il y a les soins d’hygiène à apporter avant et après. Le tatoueur vous demandera de ne pas exposer au soleil, de désinfecter. Il y a des précautions à prendre. On ne fait pas un tatouage et 2 jours après on le met en exposition, hein !  Et il ne faut pas oublier que le tatouage, ça fait mal. Ça fait partie je pense aussi de la démarche, de souffrir pour être beau. Donc c’est quelque chose auquel il faut bien réfléchir à l’avance.

Après, quand on a une pathologie dermatologique, et qu’on a parfois de l’eczéma, un risque infectieux plus important, il faut essayer de choisir des sites où il n’y a pas de problème médical. De la même manière, quand on a du psoriasis, on essaie de se tatouer en dehors des plaques de psoriasis. Et puis quand on a beaucoup de grains de beauté, de naevus, on essaie d’éviter les tatouages sur les grains de beauté puisque tout traumatisme d’un grain de beauté augmente le risque de cancer. Les tatoueurs le savent et en général ils contournent les naevus.

On peut se tatouer absolument partout !

Justement, quel type de réaction faut-il redouter après s’être fait tatouer ? Et à quel moment faut-il consulter un médecin ?

De toute façon, le tatouage reste rouge pendant plusieurs jours. On peut avoir de l’allergie, donc de l’eczéma qui se déclenche dessus. Si vous voyez que vous avez des vésicules, des croûtes et que ça démange, il faut aller consulter. Et puis si ça devient rouge, que ça coule, que c’est rouge, que c’est chaud et qu’il y a de la fièvre, il faut aller consulter aussi parce que ça veut dire que ça s’est infecté.

Recommandez-vous d’éviter certaines zones du corps parce qu’elles seraient trop sensibles, ou parce qu’il ne faut pas y toucher ?

Non. Il y a des zones plus ou moins douloureuses. Maintenant on fait même des tatouages sur les muqueuses, des gens se tatouent la langue, les conjonctives, l’intérieur des lèvres. Les tatoueurs ont l’habitude de tatouer toute la peau et les muqueuses, donc il n’y a pas de risque plus important selon la localisation. Mais peut-être faut-il observer quelques précautions plus particulières sur les zones où il y a beaucoup de risques infectieux, c’est-à-dire des tatouages qui sont faits sur les fesses, sur la vulve, sur le pénis. Là, il faut peut-être un peu plus désinfecter.

Le tatouage vieillit, lui aussi…

Comment vieillissent les tatouages puisque vous en voyez sans doute beaucoup en consultation ? On sait que notre peau va se distendre, se friper avec l’âge, que les encres parfois se délavent. Est-ce que c’est moche un tatouage quand on vieillit ?

Tout dépend de l’âge que vous avez pour juger ça et si vous êtes vous-même ou non tatoué. On avait fait une étude il y a quelques années dans le cadre du réseau dermatologique pour savoir si les dermatologues trouvaient qu’il fallait interdire les tatouages sur les patients qui avaient des maladies chroniques. En fait, ça dépendait si les dermatologues étaient tatoués et de l’âge qu’ils avaient pour avoir de la tolérance vis-à-vis de ça.

Je pense, effectivement, que le tatouage, selon la localisation et selon ce que devient la peau, va se modifier. La peau, c’est votre histoire, donc forcément ça va se modifier avec le temps. Mais on peut aussi trouver que c’est l’évolution dont on avait envie quand on s’est fait tatouer.

Avec l’âge, on peut rafraîchir le dessin originel

Oui parce qu’il faut le rappeler, la peau c’est un organe qui vit, c’est pas un emballage en carton…

Ah non, c’est pas un emballage en carton, c’est un organe qui vit, c’est un organe qui bouge, c’est un organe qui va être le marqueur du temps. Donc il va y avoir les rides, il va y avoir la lipodystrophie, il va y avoir un affaissement normal de la peau et effectivement on va avoir une modification. Mais les tatoueurs le savent donc ils vous proposent aussi de vous retatouer sur les lésions qui ont eu une évolution qui ne vous convient pas et de modifier les choses avec un nouveau tatouage par-dessus.

Le détatouage, ça ne marche pas toujours…

On l’a dit, il y a une mode du tatouage. Les dermatologues sont-ils également de plus en plus sollicités pour détatouer ?

Comme le tatouage marque des événements de vie, si on se fait tatouer le prénom de son amoureux et qu’on change d’amoureux, eh bien on veut se faire détatouer. Et puis quand on a 20 ans on peut se faire tatouer des choses et quand on a 40 ans, on n’a plus envie d’avoir Mona Lisa sur l’avant bras. Donc oui, effectivement, plus il y a de tatouages, plus il y a de demandes de détatouage. Ce n’est pas toujours facile de se détatouer. On utilise en général des lasers et les lasers ne marchent pas sur toutes les encres. Donc il faut bien réfléchir avant de faire un tatouage, d’être vraiment sûr qu’on va vouloir le garder.

Après, il reste forcément une marque

Comment se déroule la prise en charge ? Et là encore, est-ce douloureux de se faire détatouer ?

Le laser, ça peut être douloureux. Après, il y a la susceptibilité de chaque personne. Il faut bien aussi se mettre dans l’idée que quand on détatoue, on n’a pas une peau normale après. Il reste une marque. Il faut aller voir un médecin qui est spécialiste du laser, qui va évaluer le coût – parce que c’est quelque chose qui a un coût, de se tatouer et de se détatouer -, et le nombre de séances. En fonction il vous dira quel sera potentiellement le résultat.

La Sécu ne rembourse pas !

On voit souvent des grands tatouages qui couvrent parfois tout un mollet ou tout un bras, dans le dos, sur la poitrine. C’est quelque chose qu’on peut quand même effacer, faire partir ? Il va rester une trace mais ça ne sera quand même pas le négatif de mon tatouage qui va rester ?

Il va rester une trace qui dans tous les cas vous rappellera que vous vous êtes fait tatouer. Mais qui se verra moins pour les autres.

Donc il va rester des « cicatrices » ?

Pas des cicatrices, mais une séquelle de pigments, souvent.

Combien coûte un détatouage ? Est-ce remboursé par l’Assurance maladie ?

Absolument pas. C’est de l’esthétique, c’est du laser, donc ce n’est pas remboursé. Et ça va dépendre en plus de la taille de votre tatouage, du nombre de tatouages, donc le prix est fixé en accord avec le médecin qui vous proposera le laser.

L’impact des réseaux sociaux fait « exploser » le phénomène

Vous m’avez dit, en préparant cette interview, qu’en France on est encore moins tatoué que dans d’autres pays. Vous vous attendez à ce que ce phénomène continue à s’amplifier ?

Ah oui ! On est dans une véritable explosion. Je pense qu’aujourd’hui on a 20% de la population française qui est tatoué. Mais si on regarde sur les tranches d’âge, évidemment, le plus important c’est chez les jeunes. Il faut être majeur pour se faire tatouer. C’est la tranche des 18-35 ans qui est la plus tatouée. De plus, les réseaux sociaux mettant en avant le phénomène, je pense qu’effectivement on va dans une mouvance qui ne va pas se calmer.

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